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Les nouveaux cardinaux proches du Pape François vont-ils installer une « nouvelle Eglise » ?

Messe du 8 décembre 2024 dans la basilique Saint Pierre @tribune chretienne
Messe du 8 décembre 2024 dans la basilique Saint Pierre @tribune chretienne
« La composition du Collège des cardinaux est un miroir de la diversité de l’Église, mais il est crucial de préserver une certaine cohérence doctrinale.

Le dernier consistoire du 7 décembre dernier a marqué une nouvelle étape dans la composition du Collège des cardinaux. Un record de 140 cardinaux électeurs pourrait participer à un prochain conclave, mais cette nouvelle composition soulève de nombreuses interrogations sur la direction que prendra l’Église catholique dans les années à venir. Parmi ces 140 cardinaux, 110 ont été nommés par le Pape François, 24 par Benoît XVI et six par Jean-Paul II

Le choix des nouveaux cardinaux révèle une volonté manifeste du Pape François de rompre avec les traditions historiques. Le Saint-Père a choisi des prélats de 72 pays différents, dont 24 n’avaient jamais eu de cardinal auparavant. Le Collège des cardinaux reflète ainsi une Église catholique de plus en plus mondialisée et éloignée des anciennes puissances religieuses européennes, comme le montre l’absence de cardinaux dans les patriarcats historiques de Lisbonne, Venise, Milan, Florence ou Paris.

La nomination de cardinaux dans des régions moins représentées, comme l’Iran et la Serbie, témoigne également de cette volonté de rendre l’Église plus universelle. Le Pape François a ainsi créé le cardinal Dominique Matthieu, archevêque de Téhéran, et Ladislav Nemet, archevêque de Belgrade. Un changement de paradigme que le cardinal George Alencherry, archevêque de l’Inde, considère comme « un message fort en faveur de l’unité de l’Église à travers le monde ».

Une époque de transition et d’incertitude

Cependant, cette composition du Collège des cardinaux n’est pas sans créer des tensions au sein même de l’Église. En effet, plusieurs prélats expriment des réserves concernant l’équilibre géographique et théologique de ces nouvelles nominations. Le cardinal Robert Sarah, bien que créant des ponts avec l’Occident, a récemment déclaré que « l’Église doit rester fidèle à ses racines européennes et romaines, sans perdre de vue ses traditions ». Son commentaire fait écho à un sentiment croissant chez certains cardinaux européens, qui estiment que les nominations récentes représentent une dilution de l’identité catholique traditionnelle.

Une autre nouveauté importante est la montée en puissance des cardinaux issus des ordres religieux. Avec 10 nouveaux cardinaux religieux, le nombre total des cardinaux religieux électeurs a augmenté, portant leur influence à 35, un chiffre sans précédent. Parmi ceux-ci, les franciscains, dominicains et jésuites ont vu leur nombre augmenter, ce qui pourrait indiquer un renouvellement spirituel et théologique au sein du Collège.

Le père Antonio Spadaro, jésuite et proche conseiller du Pape François, a commenté cette évolution : « Le renouveau religieux au sein du Collège des cardinaux représente une ouverture de l’Église vers des priorités pastorales plus évangéliques, ancrées dans la charité et la mission. »

Un appel à une Église féminine

Lors de son homélie du 8 décembre 2024, fête de l’Immaculée Conception, le pape François a rappelé « qu’il n’y avait pas de salut sans la femme  » et a souligné qu’il souhaitait une « Église féminine » non seulement dans ses activités mais aussi dans ses structures de décision. Le Saint-Père a également rappelé : « L’Église doit refléter la beauté de la diversité du genre humain, et la voix féminine, que ce soit dans le ministère ou dans la réflexion théologique, doit trouver sa place pleinement. »

Il a ajouté que l’Église ne pourrait avancer dans la vérité sans la contribution des femmes, qu’elles soient laïques ou religieuses. Ce n’est pas un appel à une révision immédiate de la doctrine, mais plutôt à une nouvelle compréhension des rôles que les femmes peuvent et doivent jouer, sans se limiter à des fonctions traditionnelles.

Le Pape François a également souligné l’importance de la synodalité, c’est-à-dire la prise de décision collective au sein de l’Église, permettant de consulter non seulement les évêques mais aussi les laïcs et les femmes dans des rôles décisionnels. « Un synode qui ne serait pas véritablement inclusif, qui ne donnerait pas aux femmes et aux jeunes un espace réel pour s’exprimer, serait une trahison de ce que l’Église doit être dans le monde d’aujourd’hui », a-t-il déclaré lors d’une réunion avec les cardinaux.

Cette approche s’ajoute à la vision du Pape d’une Église qui se veut plus proche des réalités contemporaines, où chaque voix, y compris celle des femmes, est entendue et valorisée. Cette révolution silencieuse dans l’Église pourrait avoir des implications profondes sur la manière dont le Collège des cardinaux percevra l’élection du prochain Pape et sur les orientations de l’Église dans les décennies à venir.

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Une direction incertaine pour l’Église ?

Mais au-delà de ces ajustements géographiques et théologiques, une question demeure : quel sera l’impact de ces nouvelles nominations sur le futur conclave et, par conséquent, sur la direction que prendra l’Église catholique dans les années à venir ?

Le cardinal Christoph Schöenborn, archevêque de Vienne, a récemment exprimé ses préoccupations : « La composition du Collège des cardinaux est un miroir de la diversité de l’Église, mais il est crucial de préserver une certaine cohérence doctrinale. Le prochain conclave sera crucial pour garantir la continuité de l’enseignement de l’Église, en particulier sur des sujets tels que la famille et la doctrine sociale. »

À ce sujet, l’opinion publique semble partagée. Pour certains observateurs, la diversité croissante des cardinaux, notamment l’augmentation de cardinaux venant d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine, marque une ouverture nécessaire pour une Église plus universelle. D’autres, en revanche, s’inquiètent de la perte de l’ancrage doctrinal et spirituel que représente un Collège moins « fidèle » et moins « traditionnel« .

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