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Newman, Docteur de l’Église : une réponse à la vision relativiste des religions portée par le pape François ?

Les Quatre Docteurs de l’Église, Jacob Jordaens, sans date – huile sur toile - DR
Les Quatre Docteurs de l’Église, Jacob Jordaens, sans date – huile sur toile - DR
À rebours de certaines déclarations du pape François affirmant que toutes les religions sont des chemins vers Dieu, Newman défend la vérité objective de la foi chrétienne

En proclamant saint John Henry Newman Docteur de l’Église, le pape Léon XIV met en lumière une figure qui s’est farouchement opposée au relativisme religieux. Un contraste doctrinal fort, à l’heure où l’Église cherche son équilibre entre dialogue interreligieux et fidélité à la Révélation Déjà béatifié par Benoît XVI en 2010, puis canonisé par François en 2019, Newman rejoint ainsi le cercle restreint des Docteurs de l’Église, au nombre de trente-huit désormais, parmi lesquels Augustin, Thomas d’Aquin, Thérèse d’Avila ou plus récemment Irénée de Lyon.

Le pape Léon XIV a ainsi voulu souligner l’actualité brûlante de la pensée de Newman, notamment son effort constant pour concilier foi et raison, conscience et autorité, tradition et modernité.

À travers des œuvres majeures comme Apologia pro vita sua, Grammar of Assent, The Idea of a University ou L’Essai sur le développement de la doctrine chrétienne, Newman a démontré que la foi chrétienne n’a rien à craindre de l’intelligence humaine : au contraire, elle appelle la raison à la rejoindre dans la quête de la vérité.

Mais s’il est un aspect de sa pensée que la proclamation de Docteur de l’Église rend particulièrement saillant aujourd’hui, c’est sa dénonciation du libéralisme religieux, qu’il exprimait avec une clarté saisissante dans son célèbre Discours du billet, prononcé lors de sa nomination cardinalice. Il y écrivait :

« Le libéralisme en religion est la doctrine selon laquelle il n’y a aucune vérité positive dans la religion, mais que toutes les croyances se valent. Elle rejette toute idée qu’une religion soit vraie. Elle enseigne que toutes doivent être tolérées, car il ne s’agit que d’opinions personnelles. La religion révélée n’est pas une vérité, mais un sentiment, une préférence ; non un fait objectif ou miraculeux. Et chacun a le droit de lui faire dire ce que bon lui semble. »

Par ces mots, Newman s’oppose à une vision relativiste de la foi qui tend à faire de la religion une affaire purement subjective, détachée de toute vérité transcendante. Cette critique prend une résonance particulière à la lumière de certaines déclarations du pape François. Le 13 septembre 2024, s’adressant à un groupe de jeunes de diverses confessions à Singapour, le Saint-Père leur affirmait que « toutes les religions sont un chemin vers Dieu », les comparant à des « langues différentes » menant au même but. Il ajoutait : « Il n’y a qu’un seul Dieu, et nous, nos religions sont des langues, des chemins vers Dieu. Certains sont sikhs, d’autres musulmans, d’autres hindous, d’autres chrétiens, mais ce sont des chemins différents. »

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Une telle comparaison linguistique suppose que toutes les religions, malgré leurs divergences irréconciliables sur des points fondamentaux, notamment la divinité du Christ, la Trinité ou la nature de la révélation , exprimeraient au fond la même idée de Dieu. Or, c’est précisément cette présupposition que Newman combat : pour lui, la foi chrétienne ne repose pas sur une intuition commune, mais sur la reconnaissance de faits objectifs, historiques et surnaturels, révélés une fois pour toutes. Affirmer que toutes les religions se valent ou mènent également à Dieu, c’est réduire la Révélation au rang d’expérience intérieure et la Vérité à une perception subjective.En proclamant Newman Docteur de l’Église, le pape Léon XIV souligne ainsi implicitement la nécessité, aujourd’hui plus que jamais, de réaffirmer la dimension objective de la foi chrétienne. Le catholicisme n’est pas un langage parmi d’autres, ni un chemin équivalent à d’autres traditions spirituelles. Il est, pour Newman comme pour la tradition doctrinale, la réception fidèle de la vérité révélée par Dieu en Jésus-Christ, et transmise par l’Église.

Cette fidélité ne signifie pas fermeture ou hostilité. Newman n’a jamais fui la modernité : il l’a affrontée avec intelligence et charité. Il a démontré qu’on peut être homme de son temps sans diluer l’Évangile, qu’on peut dialoguer avec le monde sans perdre l’exigence de la vérité. Sa spiritualité, marquée par la douceur de saint Philippe Néri, la recherche d’un lien personnel avec Dieu et une grande discrétion pastorale, incarne cette délicatesse de la vérité qui ne s’impose jamais avec violence, mais ne se renie jamais non plus.

La décision du pape Léon XIV honore donc une figure capable de parler puissamment à notre époque. Dans un monde troublé par la confusion spirituelle et le relativisme doctrinal, Newman offre un modèle de rigueur intellectuelle, de fidélité à l’Église et d’ouverture exigeante.

Sa proclamation comme Docteur de l’Église vient rappeler que toute charité authentique suppose la clarté, et que toute foi vivante se fonde sur la vérité révélée, non sur la projection de nos désirs. C’est à ce prix seulement que le dialogue interreligieux pourra être sincère, et que l’Église, sans renoncer à sa mission, continuera à être pour le monde lumière et ferment.La date de la proclamation solennelle pourrait être fixée au 9 octobre, jour de la fête liturgique de Newman. Elle offrirait alors à l’Église universelle un moment d’action de grâce, mais aussi de réorientation vers ce que Newman n’a jamais cessé de poursuivre : la lumière tranquille, persévérante et parfois coûteuse, de la vérité.

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