À Nice, le père Frédéric Sangès alias “Père Fred” semble avoir réinventé la pastorale : une version façon Airbnb où la cour de l’église se transforme chaque week-end en terrasse gourmande pour touristes et noctambules en mal de convivialité.Ordonné prêtre en 2008, le père Sangès occupe depuis 2016 la responsabilité de la Pastorale du Tourisme et des Loisirs, ainsi qu’un poste au bureau national de la Conférence épiscopale française pour le Tourisme. On ne pourra pas dire que la hiérarchie s’est trompée dans le choix du poste : pour le tourisme, il est effectivement très doué… et sait manifestement comment transformer une cour d’église en attraction “conviviale” pour visiteurs de passage.
Depuis début juillet, le “Père Fred” transforme chaque week-end la cour du Gesù, joyau baroque du centre de Nice, en espace gastronomique. Short, t-shirt, plateau à la main, il sert cake citron-framboise et tresses à la pistache à une clientèle majoritairement athée, se félicitant de cette “ouverture” et assumant vouloir “casser l’image austère de l’Église”. Le brunch, est présenté comme un moyen de financer l’entretien de l’église. Mais à quoi bon sauver les pierres si l’on en détruit l’âme ? On en vient même à se demander si, après le dernier cappuccino, ces convives sont invités à une prière, une messe ou une confession… ou si l’on s’arrête tout simplement aux délices des papilles gustatives.
Ce n’est pas l’initiative en elle-même que nous critiquons , boire un verre , bruncher c’est très bien ! , en soi, n’a rien de condamnable. C’est l’esprit qui la motive : “casser les codes”, “lever les interdits”... Mais de quoi parle-t-il ? Quels “codes” veut-on briser ? En vérité, derrière ces formules séduisantes se cache une logique de sécularisation où l’on gomme volontairement ce qui fait la spécificité et la force de l’Église et du rôle du sacerdoce. Il répète volontiers : « Il existe une fracture entre l’Église et la société et il est urgent de la réparer. » Réparer, vraiment ? À coups de verres de jus d’orange et de playlists de DJ ?
Comme si l’abîme spirituel qui sépare le monde de Dieu pouvait se combler avec un brunch ? la prière on y pense des fois ? l’humilité du recueillement, l’écoute de l’Evangile, la pratique religieuse c’est du vent pour le pote Fred ?
Et d’ailleurs, la réalité est bien moins glorieuse que la communication : comme l’indique l’article, pour atteindre la cour du brunch, il faut traverser l’église… mais la plupart des participants ne s’y arrêtent même pas. Ils passent entre les bancs comme on traverse un hall de gare, pressés d’atteindre les assiettes. Le “frère accueil” ne devient pas “frère annonce” : aucun enseignement, aucune catéchèse, aucune véritable proposition spirituelle.Le bilan pastoral est d’ailleurs révélateur : en quatre ans, l’initiative n’a abouti qu’à quatre catéchuménats un chiffre dérisoire au regard des “files d’attente interminables” pour obtenir sa place au brunch. Preuve que si les tables se remplissent, les cœurs ne se convertissent pas.
En 2024, Fred déclarait à Aleteia : « Ce lieu se veut être un endroit d’échange et de dialogue… parfois tendu. Il m’est arrivé de discuter avec des individus en rupture totale avec l’Église notamment sur des sujets liés à l’avortement et aux personnes LGBT. » : Oui, il y a une fracture entre l’Église et la société mais pas celle qu’il croit. Cette fracture n’est pas née de l’austérité des églises, ni du manque de “convivialité”, mais du refus croissant du monde d’entendre la vérité de l’Évangile. Elle vient de la confrontation inévitable entre la loi de Dieu et les dérives d’une société qui a érigé le relativisme en dogme : promotion de l’avortement, wokisme, lobby lgbt , négation de la loi naturelle dans la question du mariage et de la sexualité, culte de l’autonomie absolue.
Réparer cette fracture ne consiste pas à niveler la vérité pour qu’elle ne blesse plus, ni à transformer la maison de Dieu en bar à débats. Au contraire : cela suppose de proclamer sans ambiguïté l’enseignement de l’Église, même s’il est impopulaire, et d’inviter chacun à la conversion.
Un prêtre qui se contente de “dialoguer” sur l’avortement et l’idéologie LGBT sans rappeler la vérité divine sur la vie et sur la personne humaine, par peur de choquer, ne répare pas la fracture : il la masque avec un pansement festif.Le père confiait encore : « J’ai eu cette idée après la période Covid-19. D’abord en ouvrant un espace d’accueil où les gens pouvaient discuter entre eux. » Discuter, discuter… toujours discuter. Mais annoncer la Parole ? Proclamer l’Évangile ? Appeler à la conversion ? Cela, on n’en entend pas parler. On se contente de bavarder autour d’un café, comme si le salut éternel se gagnait par la convivialité et quelques échanges aimables. L’Église n’a pas été fondée pour multiplier les conversations neutres, mais pour transmettre la vérité qui sauve.
Lire aussi
En réalité, la cour de l’église a été transformée en véritable “auberge espagnole” qui se veut spirituelle : on y apporte son appétit, son bruit, ses conversations mondaines, et l’on repart rassasié… mais pas de grâce. On appelle cela “un nouveau visage” de l’Église. En vérité, c’est le visage grimaçant d’une Église qui se déguise pour plaire et qui oublie qu’elle est d’abord la maison de Dieu, pas un hall d’accueil touristique. Aux yeux du monde, l’initiative est très belle : conviviale, inclusive, accueillante, fraternelle, et tutti quanti… mais pas tutti grazie ! Car aux yeux de Dieu, combien viennent vraiment rencontrer le Seigneur ?
Le père Fred se présente volontiers comme le “bon copain” que tout le monde aimerait avoir, celui qui a les bons plans, qui sait vous trouver le meilleur brunch en ville… et qui vous accueille même si vous sortez de boîte de nuit. Aujourd’hui, c’est chouquettes et DJ. Demain, pour “casser les codes” encore plus loin, ira-t-il jusqu’à proposer du gaz hilarant et quelques grammes de coke, histoire de pousser l’“accueil inconditionnel” jusqu’au bout de l’absurde ? À force de vouloir plaire à tout le monde, on finit par ne plus ressembler à rien… sinon au monde lui-même.
Soyons clairs : ce n’est pas le rôle d’un prêtre de jouer les barmen de service, ni les maîtres d’hôtel de la convivialité paroissiale. Son premier devoir est de servir l’autel, pas les cappuccinos, de distribuer le Pain de Vie, pas des parts de cake. Un prêtre n’a pas été ordonné pour “ambiancer” une terrasse mais pour conduire les âmes au salut. Quand il troque la chasuble pour un tablier, c’est plus qu’un simple changement de tenue : c’est un glissement de mission, et donc une trahison silencieuse de l’appel reçu.
L’austérité qu’il dénonce n’est pas un défaut mais un signe de profondeur : la maison de Dieu est un lieu consacré, où le silence, la prière et la sobriété préparent l’âme à la rencontre avec son Créateur. Ce que certains appellent “austère” est souvent ce que la foi appelle “sacré”. Si un prêtre voit là un obstacle, c’est qu’il n’en a pas perçu la beauté et la nécessité.La “joie” chrétienne n’a rien à voir avec la convivialité éphémère d’un brunch ou le plaisir sucré d’une chouquette. La vraie joie ne s’achète pas et ne se trouve pas dans une mousse de cappuccino. Elle vient de la rencontre avec le Christ ressuscité, nourrie par les sacrements et la Parole de Dieu. La remplacer par une animation culinaire, c’est confondre un divertissement passager avec le salut des âmes.
“casser les codes” n’est pas une mission évangélique. L’Église n’est pas appelée à devenir une curiosité branchée mais à annoncer la conversion et la sainteté. Or, pour plaire à tous, on en vient ici à diluer la Parole de Dieu, à édulcorer au maximum l’Évangile pour qu’il ne dérange plus personne, à gommer toute exigence au profit d’un message consensuel. Mais un Évangile vidé de sa force de vérité et de son appel à la conversion n’est plus l’Évangile du Christ, c’est un simple slogan motivant pour brunch dominical.Se réjouir d’attirer surtout des non-croyants n’est pas un succès si on leur propose autre chose que l’Évangile. Si ces brunchs sont présentés comme une fin en soi, ils n’éveillent aucune conversion et entretiennent l’illusion que l’Église n’est qu’un “lieu sympa” où l’on mange bien. La mission n’est pas de rendre l’Église confortable au monde, mais de rendre le monde conforme au Christ.
Ce drame dépasse la maladresse : il illustre une Église qui, au lieu de conduire vers le salut, se contente de remplir les tables. Mais aucune playlist ne remplacera le silence d’un lieu de prière, et aucune part de cake ne remplacera le Pain de Vie.Le jour où les prêtres chercheront à remplir les bancs pour la messe plutôt que les assiettes pour un brunch, alors seulement l’Église en France retrouvera sa vraie mission.
« L’homme est grand lorsqu’il est à genoux devant son créateur » ,Cardinal Robert Sarah – 26 juillet 2025 – Sainte Anne d’Auray