La nomination de S.E. Monseigneur Ronald A. Hicks comme nouvel archevêque métropolitain de New York, annoncée ce 18 décembre 2025 par le Saint-Siège, n’a pas tardé à susciter de nombreuses réactions au sein des fidèles de l’Église catholique américaine. En acceptant la renonciation du cardinal Timothy M. Dolan et en letransférant à New York l’évêque de Joliet, le pape Léon XIV pose un acte majeur, à la fois pastoral et symbolique, concernant l’un des sièges les plus exposés et les plus influents du pays.L’archidiocèse de New-York ne constitue pas une Église locale comme les autres. Par son poids historique, son rayonnement médiatique et son importance politique, il s’est imposé au fil des décennies comme une vitrine du catholicisme américain, souvent placée au cœur des débats sociétaux les plus clivants. La figure du cardinal Timothy M. Dolan, omniprésente dans l’espace public et reconnue pour son sens aigu de la communication, avait largement façonné cette visibilité. Sa succession ne pouvait donc qu’être observée avec une attention particulière.
Âgé de 58 ans, Monseigneur Ronald A. Hicks est originaire de l’Illinois, où il est né en 1967 à Harvey et a grandi à South Holland, dans la banlieue sud de Chicago. Ordonné prêtre en 1994 par le cardinal Joseph Bernardin pour l’archidiocèse de Chicago, il a d’abord exercé en paroisse avant de s’orienter vers la formation sacerdotale, devenant notamment responsable de la formation au séminaire Saint-Joseph puis à Mundelein. Son parcours est marqué par une longue expérience missionnaire en Amérique latine, en particulier au Salvador, où il a dirigé pendant cinq ans des œuvres de Nuestros Pequeños Hermanos au service d’enfants orphelins. Nommé évêque auxiliaire de Chicago par le pape François en 2018, puis évêque de Joliet en 2020, il s’est distingué par une attention constante à la formation du clergé, à l’évangélisation et à la gouvernance diocésaine. Il préside aujourd’hui la commission de l’épiscopat américain pour le clergé, la vie consacrée et les vocations, et a choisi pour devise épiscopale Paz y bien.
Ce profil, à la fois pastoral, missionnaire et administratif, éclaire le sens du choix opéré par le pape Léon XIV pour un archidiocèse confronté à des défis ecclésiaux et politiques de premier plan.
La renonciation du cardinal intervient par ailleurs dans un contexte sensible. Elle survient quelques jours après l’annonce de la création d’un fonds de 300 millions de dollars destiné à indemniser les victimes de violences sexuelles ayant porté plainte contre l’Église dans l’État de New York, soit environ 1 300 personnes selon les médias américains. L’archidiocèse a également engagé d’importantes cessions immobilières afin de faire face à ces indemnisations, rappelant le poids durable de la crise des abus dans la vie ecclésiale locale.Dans un tel contexte, la succession ne relève pas seulement d’un changement de personne, mais engage une réflexion plus large sur le type de gouvernance et de leadership épiscopal que Rome entend promouvoir pour un archidiocèse confronté à des enjeux structurels, moraux et pastoraux de long terme.
Le profil de Mgr Ronald A. Hicks marque une inflexion notable, son parcours, conjugué à ses responsabilités comme vicaire général puis évêque diocésain, révèle un pasteur davantage tourné vers le gouvernement interne de l’Église, la formation et l’accompagnement des fidèles que vers l’exposition médiatique.
Cette orientation n’est pas sans susciter des interrogations. Certains observateurs regrettent l’absence d’une figure jugée plus combative sur le terrain culturel et politique, à un moment où l’Église new-yorkaise doit affronter des défis majeurs, qu’il s’agisse de la défense de la vie, de la liberté religieuse ou de la transmission de la foi dans un environnement marqué par une sécularisation rapide.
D’autres soulignent la difficulté de passer d’un diocèse de taille moyenne à un archidiocèse aussi complexe, tant sur le plan pastoral que financier.
À l’inverse, plusieurs voix estiment que le choix du pape Léon XIV répond à une logique clairement pastorale. En confiant New York à un évêque reconnu pour son attention à la formation sacerdotale, à la vie spirituelle du clergé et à la charité concrète, le pontife semble vouloir recentrer l’action épiscopale sur ce qu’il considère comme la mission fondamentale de l’Église, l’annonce de l’Évangile et le soin des âmes, plutôt que sur la seule visibilité publique ou l’affrontement idéologique.
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Cette nomination prend également une dimension politique indirecte. Les positions du pape Léon XIV sur les questions migratoires et sociales contrastent avec celles de l’administration Donald Trump, qui a durci sa politique en la matière.
Le choix d’un archevêque marqué par son expérience latino-américaine, son attention aux populations marginalisées et son engagement pastoral pro-migrant apparaît ainsi comme un signal clair, sans être frontal, d’une divergence assumée quant à la manière d’articuler foi catholique et pouvoir politique.
La controverse qui entoure cette nomination révèle en réalité une tension plus profonde au sein du catholicisme américain, entre l’attente d’une affirmation identitaire forte dans l’espace public et l’appel à une présence ecclésiale plus enracinée dans la vie pastorale, la formation et la mission. Le défi pour Mgr Ronald A. Hicks sera de trouver un équilibre entre l’héritage de ses prédécesseurs et un style propre, fidèle aux orientations du pape Léon XIV, dans un diocèse où chaque parole est scrutée bien au-delà de ses frontières.
Dans l’immédiat, le nouvel archevêque est attendu sur un terrain exigeant, marqué à la fois par les blessures du passé, les pressions médiatiques et les enjeux politiques contemporains. Pour New York comme pour l’Église universelle, cette nomination marque une étape significative, invitant moins à la polarisation qu’au discernement et à la responsabilité pastorale.


