A l’heure où l’écologie intégrale est devenu un thème fondamental dans l’Eglise et hors de l’Eglise, nous vous proposons de redécouvrir comment le Pape Benoit XVI appelait à ne pas mettre de coté la Raison créatrice au profit d’un écologisme athée devenu contestable…
Lors du colloque sur Caritas in veritate, qui s’est tenu à Budapest le 22 mai dernier (Budapest, 22 mai), Monseigneur Crepaldi,évêque émérite de Trieste, a rappelé l’enseignement de Benoît XVI.
Extraits :
« La nature est à notre disposition non pas « comme un tas de déchets dispersés au hasard » [Héraclite], mais comme un don du Créateur qui a conçu ses ordres intrinsèques, afin que l’homme puisse en tirer les orientations nécessaires pour la protéger et la cultiver (Gn 2,15) » (Caritas in veritate, n°48).
Cependant, nous rencontrons ici le problème important de l’abandon du thème de la création dans la théologie catholique contemporaine. Joseph Ratzinger a abordé le problème dans divers écrits.
On peut dire qu’en tant que Souverain Pontife, Benoit XVI a fait du thème de la création l’une de ses principales caractéristiques, avec des répercussions multiples dans différents domaines, de la relation entre la foi et la raison à la fondation de la loi morale naturelle, et justement, au domaine de la question environnementale.
Une phrase prononcée sur le champ d’Islinger près de Munich lors de son premier voyage en Allemagne, restée célèbre à juste titre, résume l’importance majeure qu’il a accordée au thème de la création :
« En fin de compte, il reste l’alternative : qu’est-ce qui existe à l’origine ? La Raison créatrice, l’Esprit créateur qui opère tout et suscite le développement, ou l’Irrationalité qui, privée de toute raison, produit étrangement un cosmos ordonné de manière mathématique, et même l’homme, sa raison. Mais ce ne serait là qu’un résultat aléatoire de l’évolution et donc, fondamentalement, aussi une chose déraisonnable ».
Mais pourquoi la théologie catholique a-t-elle tendance à négliger ou même à négliger l’argument révélé de la Création ?
En répondant à cette question, on comprend à la fois les nombreux compromis avec l’écologisme idéologique des catholiques aujourd’hui et la proposition de réaction de Benoît XVI à ces concessions. La théologie contemporaine a abandonné l’armature métaphysique pour la remplacer par celle historique, expérientielle et herméneutique.
Il en est résulté la conviction que certains éléments de la doctrine catholique n’étaient plus compréhensibles pour l’homme contemporain. Cependant, selon cette approche, ce qui rend le Kerygme encore vital et significatif pour l’homme d’aujourd’hui est la précompréhension développée à partir de la situation historique et culturelle actuelle ; les éléments qui sont incompréhensibles à cette dernière doivent être reformulés ou éliminés.
C’est sur ce principe que repose également la proposition de démystification de Rudolf Bultmann, qui a notamment proposé de revoir aussi la création pour la purifier de ses éléments mythiques. Étant donné le constat que le concept métaphysique de création n’est plus adapté à la mentalité de l’homme postmoderne, il doit être reformulé.
À cet égard, je me limite à rappeler la position de Karl Rahner comme la plus représentative de la révision théologique contemporaine de l’idée de création. Rahner écrit dans son œuvre la plus célèbre que « la créature est la relation de l’homme à son fondement transcendant », elle ne désigne pas un cas particulier de relation causale entre deux réalités, l’aspect créaturel est expérimenté dans notre expérience transcendantale. La création n’est pas un point chronologique antérieur.
Elle indique un « processus permanent, toujours actuel, qui se déroule en chaque être existant maintenant même comme un moment précédent de son existence ». La créature est la distinction radicale et la dépendance radicale à Dieu. L’expression « à partir de rien » indique cette dépendance radicale à Dieu.
Ainsi, la créature remplace la création ; cette dernière est en effet une précompréhension existentielle dans laquelle l’homme manifeste un besoin apriorique, ou pour mieux dire transcendantal, dans le sens moderne et non classique du terme, la seconde est un événement de nature métaphysique.
Je tiens à attirer l’attention sur le fait que cette nouvelle approche de la théologie catholique contemporaine a subi l’influence de la théologie protestante. Dans le domaine protestant, les deux visions opposées de la « théologie libérale » se sont développées, avec la méthode historico-critique de Harnack et la « théologie dialectique » de Barth.
Toutes deux séparent la foi et la raison et empêchent de maintenir la vision traditionnelle de la création, soit en revisitant l’exégèse biblique du livre de la Genèse en soumettant le texte à un examen rigoureusement rationaliste, soit en confiant la compétence en la matière à la seule foi. Dans les deux cas, la création est vue comme un mythe à nier et à réexaminer. Ainsi, la rencontre entre la foi et la raison à propos de la création est abandonnée.
Dans un récent livre sur la théologie de Joseph Ratzinger, le théologien italien don Mauro Gagliardi a illustré comment la ligne théologique ratzingerienne a voulu dépasser précisément cette dichotomie, ce qui a sans aucun doute eu son effet sur la vision de la création, ramenée à sa version traditionnelle et espérant une reprise de la théologie de la création dans l’Église catholique.
En observant de près les aspects de la question environnementale tels qu’ils se posent aujourd’hui et tels qu’ils sont abordés dans l’Église catholique, on ne peut nier que ce vœu de Benoît XVI soit certainement valable et actuel. »
Archevêque Giampaolo Crepaldi