À Tourou, un village à la frontière avec le Nigeria, la secte terroriste Boko Haram continue de semer la terreur, une réalité décriée par le curé de la paroisse Saint-Luc de Ldubam-Tourou, l’abbé Basile Tegamba, face à une crise sécuritaire persistante dans l’Extrême-Nord du Cameroun.
«Nous vivons ici dans la crainte permanente. Nous sommes toujours en état d’alerte. Moi, par exemple, je dors à la paroisse avec des militaires armés. Plusieurs personnes trouvent refuge dans les montagnes à la nuit tombée, partageant les grottes avec les reptiles. Le jour, elles retournent chez elles pour travailler dans les champs, malgré la saison des pluies. Mais à 14 heures, tout le monde se replie là où il y a plus de sécurité. Nous vivons tous dans une peur constante au ventre. Personne ne peut comprendre la gravité de la situation. C’est au-delà de l’inimaginable», témoigne le curé de la paroisse Saint-Luc de Ldubam-Tourou à Vatican news, illustrant la difficile réalité des habitants de Tourou.
Pour le père Basile Tegamba, l’insécurité de cette zone rouge perdure depuis trop longtemps. «Ils effectuent des incursions régulières, pillent des maisons, volent et parfois tuent. La semaine dernière, le poste de gendarmerie de Tourou a été attaqué et un gendarme a perdu la vie. De nombreux villages sont désormais abandonnés, leurs maisons détruites. Les structures sociales comme les centres de santé et les écoles sont aussi gravement touchées. Dans notre paroisse, qui comptait quatre écoles catholiques privées, l’une a fermé ses portes et une autre est sur le point de le faire. Cette année scolaire, nous avons vu une baisse drastique des effectifs, passant de près de mille élèves il y a quelques années à seulement 200 cette année. C’est une véritable catastrophe», déclare-t-il avec une sincérité palpable.
Les effets des exactions de Boko Haram se font également ressentir au sein de l’Église catholique, affectant profondément la vie pastorale. «Nous avions plus de 5 000 chrétiens baptisés. Aujourd’hui, en raison de l’insécurité, quatre des neuf secteurs sont fermés. Nous avions aussi 34 communautés ecclésiales vivantes, maintenant réduites à 20. La paroisse a été diminuée de moitié», déplore l’abbé Basile, manifestant une profonde tristesse.
Pour lui, derrière ce sombre tableau se cache une réalité complexe.
«Il est vrai que l’on a longtemps considéré Boko Haram comme une secte islamique, mais aujourd’hui, face à ce qui se passe sur le terrain, cette perception doit évoluer. Ces groupes terroristes se sont transformés, au point qu’il est maintenant difficile de les identifier clairement. Si je devais les comparer à un cancer, je dirais qu’ils sont à un stade avancé de métastase. Le mal s’est propagé», conclut-il avec franchise.
Pour apaiser les cœurs meurtris et soulager la souffrance des populations, la paroisse Saint-Luc de Ldubam-Tourou multiplie les initiatives. «Nous avons perdu de nombreux fidèles lors des attaques de ces groupes terroristes ces dernières années. En tant qu’Église, il est de notre devoir d’offrir des funérailles chrétiennes aux défunts. Nous renforçons nos homélies sur l’espérance, accompagnées d’un soutien psycho-social pour les victimes. Personnellement, j’essaie de raviver l’espoir parmi les fidèles», affirme le curé.
L’Église agit également à l’échelle du diocèse de Maroua-Mokolo. «Cela fait partie intégrante de notre pastorale dans le diocèse. Chaque paroisse a un comité de promotion humaine, avec plusieurs sous-comités œuvrant pour le développement rural et le bien-être humain. Nous apportons un soutien direct aux victimes à travers Caritas, avec une aide humanitaire multidimensionnelle. Nous encourageons les activités génératrices de revenus pour les populations déplacées, confrontées à une augmentation significative de la pauvreté depuis l’escalade de l’insécurité», précise l’abbé Basile Tegamba.
Ainsi, la lutte contre le terrorisme dans cette région du Cameroun passe par la compassion de l’Église et une pastorale de proximité.
Propos recueillis par Vatican News