À l’occasion de la présentation à Florence du Rapport 2025 sur la liberté religieuse dans le monde de la fondation pontificale Aide à l’Église en Détresse (ACN), un événement intitulé « Témoins d’espérance depuis la Syrie blessée » a réuni de nombreux fidèles et responsables ecclésiaux. Le média italien la Bussola, partenaire de la rencontre, a profité de cette occasion pour inviter Monseigneur Jacques Mourad, archevêque syro-catholique de Homs, à témoigner de la situation dramatique que traverse encore la Syrie. L’entretien révèle la lucidité et la foi profonde d’un homme marqué par la captivité mais habité d’une paix intérieure rayonnante.
Dans ses propos, Monseigneur Mourad ne mâche pas ses mots : malgré la fin officielle du régime d’Assad, la Syrie n’a pas retrouvé la liberté. « Le nouveau gouvernement ne suit aucune ligne claire, il manipule, dit une chose et en fait une autre », affirme-t-il. Selon lui, les dirigeants issus du groupe islamiste Hayat Tahrir al-Sham considèrent la population syrienne comme une ennemie à dompter. « Le peuple souffre à nouveau, victime d’une vengeance contre Assad, mais avec les mêmes méthodes criminelles perfectionnées », déplore-t-il.L’archevêque décrit un pays plongé dans la misère : « Les nouveaux gouvernants ont renvoyé la plupart des fonctionnaires. Ceux qui restent gagnent 60 dollars par mois, tandis que les nouveaux venus sont payés 500. » Les élections législatives du 5 octobre n’ont fait qu’ajouter au désespoir : « Personne n’a voté. C’était une mise en scène pour les médias. »
Ami du jésuite italien Paolo Dall’Oglio, disparu en 2013, Monseigneur Mourad confie sa peine : « L’histoire de Paolo représente une immense injustice. Elle incarne la douleur de toutes les familles dont les proches ont été enlevés en Syrie. Et les enlèvements continuent aujourd’hui. »
Interrogé sur la situation des minorités, Mgr Mourad répond sans détour : « Personne n’est en sécurité. Les musulmans sont persécutés comme et plus que les chrétiens. Les druzes, les alaouites, les chiites… tous vivent dans la peur. » Les seuls à être épargnés sont les Kurdes, « parce qu’ils sont armés et ont combattu courageusement l’État islamique ».
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Pour Mgr Mourad, les dirigeants actuels de Damas appartiennent à Hayat Tahrir al-Sham, formation issue d’Al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaïda. « L’État islamique et Al-Nosra sont ennemis, mais leurs objectifs se rejoignent : éliminer les minorités religieuses. La différence, c’est que Daech veut un califat mondial, tandis qu’Al-Nosra prétend appliquer la charia dans le cadre des États existants. »Évoquant les quatre mois passés aux mains de ses ravisseurs en 2015, Mgr Mourad confie : « J’ai été battu durement, mais la souffrance psychologique est pire. Ils me menaçaient de décapitation si je ne me convertissais pas. » Ce fut la prière, dit-il, qui le sauva : « Quand je me sentais abandonné, je récitais mentalement le rosaire. Un jour, après avoir pleuré, je me suis réveillé en chantant la prière de sainte Thérèse d’Avila – “Que rien ne te trouble, que rien ne t’effraie – en arabe, langue dans laquelle je ne l’avais jamais récitée. J’y ai vu un signe du Seigneur : Il ne m’avait pas abandonné. »
À la question de savoir ce que l’Occident peut faire pour la Syrie, l’archevêque répond avec simplicité : « Priez. L’union dans la prière est la seule vraie force capable de sauver le monde. » Il confie avoir ressenti, pendant sa captivité, « la prière de tant d’âmes qui suppliaient Dieu » pour lui. « Si j’ai pu m’échapper, c’est grâce à la force de la prière. »
Aujourd’hui, Mgr Mourad ne craint plus rien : « Si je meurs pour la foi, je ne serai ni le premier ni le dernier. Comme dit saint Paul : être avec le Christ, que peut-on désirer de plus ? Si la mort est le chemin pour être avec Jésus, alors elle est belle. »
Le témoignage de Monseigneur Jacques Mourad rappelle avec force que la Syrie n’est pas sortie de la nuit. Dans un pays où l’oppression a simplement changé de visage, l’archevêque de Homs porte une espérance chrétienne indéfectible : celle d’un peuple sauvé par la prière et soutenu par la communion de l’Église universelle. « Priez pour nous », répète-t-il, un appel qui vaut autant pour les chrétiens d’Orient que pour le monde entier.
 
								


 
															