L’enfer, le purgatoire et le paradis comme des distances à parcourir vers Dieu, qui peuvent être récupérées : c’est ainsi que Monseigneur Gian Carlo Perego, archevêque de Ferrare-Comacchio, présente ces concepts dans une conférence donnée le 22 octobre dernier à l’École de théologie pour laïcs. Pour lui, personne ne se damne définitivement ; au contraire, chaque âme peut être « récupérée » grâce à la miséricorde divine.
Lors de sa présentation sur le thème du « Jubilé 2025, regarder le monde avec joie et espérance », Mgr Perego a évoqué les idées du théologien Hans Urs von Balthasar sur un enfer vide, ce qui a suscité des interrogations parmi les participants, notamment sur la possibilité que Dieu sauve même ceux qui refusent sa miséricorde jusqu’à leur dernier souffle.
Mais l’archevêque, allant au-delà de cette hypothèse balthasarienne, a affirmé que l’enfer, le purgatoire et le paradis ne sont pas des lieux fixes mais des « distances personnelles » que chaque individu doit « parcourir pour rejoindre Dieu.
« Je ne peux pas imaginer qu’un de mes frères soit dans une condition infernale. Je peux seulement penser que ces trois états représentent la distance qu’un individu a par rapport à Dieu au moment de sa mort, distance qui peut être récupérée grâce à la miséricorde divine, comme dans le cas du fils prodigue », a-t-il déclaré.
Cette idée s’écarte radicalement de l’enseignement traditionnel de l’Église, qui parle de l’enfer comme d’une souffrance éternelle pour ceux qui meurent dans le péché sans se repentir. Selon Mgr Perego, cette vision serait aujourd’hui nécessaire pour comprendre l’eschatologie, car il juge « vergognoso » (honteux) de l’expliquer de manière médiévale à la manière de Dante ou Thomas d’Aquin. Il insiste également sur le fait que l’Église ne doit pas se baser sur des doctrines anciennes mais sur une compréhension moderne et miséricordieuse de la relation avec Dieu.
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Cependant, cette approche soulève plusieurs questions. En effet, des documents historiques de l’Église, tels que le Fides Damasi ou le Symbole Athanasien, ainsi que des conciles comme celui de Constantinople en 543, affirment clairement l’éternité des peines pour les pécheurs non repentis. Le Catéchisme de l’Église catholique lui-même enseigne que « mourir dans le péché mortel sans repentance » signifie « rester séparé de Dieu pour toujours », un état de « séparation définitive » désigné par le terme « enfer » (§ 1033).
La doctrine chrétienne enseigne clairement que la miséricorde divine ne peut exister sans justice divine, et que le jugement final est une composante essentielle du plan divin. Saint Thomas d’Aquin, dans sa Somme théologique, explique que « la miséricorde ne supprime pas la justice, mais l’accomplit » (I-II, q. 21, a. 4). La justice de Dieu est essentielle pour garantir que chacun reçoive ce qu’il mérite selon ses actions et son libre arbitre. En effet, la miséricorde de Dieu ne consiste pas à effacer la justice, mais à permettre, par le sacrifice du Christ, aux pécheurs repentants d’éviter la punition éternelle qu’ils mériteraient, tout en maintenant la justice de Dieu intacte.
Saint Augustin, dans ses Confessions, souligne également que « Dieu est juste, même lorsqu’il pardonne », car « la justice de Dieu est d’offrir à chacun ce qui lui est dû, et la miséricorde consiste à accorder le pardon à ceux qui, par leur repentir, se tournent vers Lui » (Livre 1, § 15). Cette perspective démontre que la miséricorde ne peut être un simple pardon sans justice ; elle repose sur la reconnaissance des péchés et sur la véritable conversion du cœur, permettant ainsi à la justice de Dieu de se réaliser dans la rédemption offerte à l’humanité. La justice de Dieu, loin de contredire Sa miséricorde, la rend possible et manifeste la grandeur de Son amour.
L’enseignement de Mgr Perego sur l’enfer comme une « distance à récupérer » est donc en contradiction avec la position constante de l’Église, qui enseigne une punition éternelle pour ceux qui choisissent librement de s’éloigner de Dieu.
En fin de compte, au lieu de promouvoir une vision de l’enfer comme une étape temporaire, l’Église rappelle, à travers ses enseignements, que la miséricorde et la justice de Dieu ne doivent pas être confondues. C’est ainsi que le Pape, dans l’Évangile, nous invite à « nous efforcer d’entrer par la porte étroite » (Lc 13, 13), un avertissement qui reste toujours d’actualité.