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Pourquoi la colère monte dans le diocèse de Strasbourg ?

De gauche à droite : Monseigneur Reithinger, l’évêque Monseigneur Delannoy et le chanoine Schmitt
De gauche à droite : Monseigneur Reithinger, l’évêque Monseigneur Delannoy et le chanoine Schmitt
C’est un sentiment d’exaspération qui gagne le diocèse de Strasbourg, partagé par un nombre croissant de prêtres et de laïcs lassés de ces petits arrangements entre amis

Le chanoine Schmitt a été discrètement réintégré par Monseigneur Delannoy, alors qu’il avait été visé par des accusations d’agressions sexuelles sur mineurs ayant donné lieu à une procédure judiciaire. Relaxé en 2024, son avocat, Me Pierre Simon, rappelle que « la procédure a été classée sans suite le 21 octobre 2024 ». Ce n’est toutefois pas la décision de justice qui choque, mais la manière dont le diocèse a procédé. « Apprendre par voie de presse que la personne a été promue en catimini, c’est brutal. Le diocèse n’a même pas eu la décence de me tenir informé », dénonce Emmanuel Sless, président de l’association alsacienne de victimes.

Selon les Dernières Nouvelles d’Alsace, cette réhabilitation, décidée en silence, a profondément choqué de nombreux fidèles qui y voient un retour en arrière dans la lutte contre les abus. Le documentaire La Déposition de Claudia Marschal avait pourtant mis en lumière la douleur persistante des victimes.À cette réintégration contestée s’ajoute le retour inattendu de Monseigneur Reithinger. Rappelé à Rome en juin 2023 dans un climat de suspicion lié à sa gestion des affaires d’abus lorsqu’il dirigeait les Missions étrangères de Paris, il a pourtant repris ses fonctions à Strasbourg dès la fin août, célébrant des messes et assumant de nouveau des responsabilités pastorales. Un fidèle confie son incompréhension : « C’est incompréhensible, cela donne le sentiment que rien n’a changé dans la manière dont l’Église gère ses affaires sensibles. »

Si Monseigneur Gilles Reithinger n’a jamais été condamné par la justice civile, son nom apparaît régulièrement dans des dossiers sensibles qui fragilisent sa crédibilité auprès des fidèles. En avril 2023, il a été entendu comme témoin par la police dans une enquête visant un prêtre des Missions étrangères de Paris accusé de viol. Lorsqu’il était supérieur général des MEP entre 2010 et 2016, il a été accusé de ne pas avoir dénoncé une agression sexuelle présumée commise par Mgr Georges Colomb. Il affirme avoir informé le nonce apostolique, sans saisir la justice. Rome a ouvert une enquête canonique sur ces manquements présumés, ce qui a motivé son rappel et sa démission comme évêque auxiliaire, officiellement acceptée pour raisons de santé en février 2024. Enfin, il a nié avec force d’autres accusations, non prouvées, de double vie, qu’il a qualifiées de calomnies.Ces affaires, même sans condamnation, entretiennent une suspicion durable et nourrissent la colère des fidèles face à son retour en coulisses.

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Une nouvelle polémique vient également aggraver la situation : Monseigneur Reithinger apparaît comme associé dans une activité commerciale liée à la vente de produits religieux. Or le droit canon interdit clairement aux clercs d’exercer le commerce. « Comment peut-on reprendre des responsabilités pastorales tout en menant une activité économique, ce qui est prohibé par l’Église ? », s’indigne un fidèle alsacien.

Face à ces révélations, l’archevêché de Strasbourg garde le silence, une attitude qui entretient un malaise profond et renforce la défiance envers la hiérarchie. Pour beaucoup de prêtres et de laïcs, l’absence de transparence et la réhabilitation rapide de personnalités contestées sont vécues comme un véritable affront. « Nous avons besoin d’une Église claire et fidèle à l’Évangile, pas de petits arrangements entre amis », souligne un prêtre du diocèse.

La mise en parallèle des dossiers Schmitt et Reithinger révèle une crise de gouvernance. Loin d’apaiser les blessures et de restaurer la confiance, ces décisions discrètes attisent la colère dans les paroisses. L’arrivée de Monseigneur Delannoy à la tête du diocèse, le 21 avril 2024, était attendue comme un tournant. Mais elle n’a en rien mis fin aux réseaux d’influence et aux connivences qui continuent d’agir au détriment de l’Eglise et des fidèles. De plus en plus de voix dénoncent désormais un système qualifié de « mafia amicale », marqué par l’opacité et le déni de vérité.

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