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Pourquoi Notre-Dame de Paris est condamnée par ses nouveaux vitraux

Dessins des futurs vitraux de Notre Dame de Paris - DR
Dessins des futurs vitraux de Notre Dame de Paris - DR
Rien ne rappelle la finesse d’un art sacré pensé pour élever l’âme, tout respire au contraire l’exercice scolaire ou la fresque contemporaine plaquée dans un lieu qui n’est pas le sien

Malgré l’opposition unanime de la Commission nationale du patrimoine et les réserves exprimées par une grande partie des Français, la ministre de la Culture a choisi de maintenir le remplacement des vitraux de Viollet-le-Duc, par fidélité au cap fixé par le président. De son côté, Monseigneur Ulrich, archevêque de Paris, s’est finalement résolu à accompagner ce projet, au risque de donner le sentiment d’une adhésion soumise qui affaiblit l’âme spirituelle de la cathédrale.Du 9 décembre 2025 au 15 mars 2026 seront exposés les maquettes de Claire Tabouret au Grand Palais. Ce sera l’occasion pour le public de découvrir ces projets grandeur nature et fin 2026 la pose des vitraux se fera prévue des vitraux se fera .

À contempler les maquettes de ces projets destinés à remplacer les vitraux du XIXᵉ siècle, et sans être un spécialiste de l’art, on ne peut qu’éprouver un malaise. Les traits sont épais et brouillons, les couleurs criardes et mal assorties, l’ensemble confus et décoratif. Rien ne rappelle la finesse d’un art sacré pensé pour élever l’âme, tout respire au contraire l’exercice scolaire ou la fresque contemporaine plaquée dans un lieu qui n’est pas le sien.

Là où l’architecture gothique de Notre-Dame s’élève dans une harmonie de lignes et de verticalités, ces vitraux proposent un bariolage circulaire, plat, presque textile. Pas de figure centrale, pas de hiérarchie visuelle, aucune narration spirituelle : juste une juxtaposition de couleurs sans profondeur, qui ne porte ni message théologique, ni mystère chrétien. Ce style est plat, profane, décoratif, incapable de parler au cœur et à l’âme.Il est d’ailleurs intéressant de lire combien Claire Tabouret se veut « au service de quelque chose de plus grand qu’elle », tout en revendiquant son intuition d’artiste comme ultime arbitre. Installée à Los Angeles avant de revenir en France, nourrie d’expériences conceptuelles et de portraits d’enfants grimés, elle semble découvrir la foi chrétienne à travers un projet patrimonial dont elle devient soudain l’interprète privilégiée…au grand dam de la majorité des fidèles et des amateurs d’art

La cathédrale millénaire, façonnée par des générations de maîtres verriers enracinés dans la tradition gothique, se trouve ainsi livrée aux pinceaux d’une créatrice contemporaine dont l’univers plastique, marqué par l’esthétique des ateliers californiens, paraît bien éloigné de l’esprit de Notre-Dame. On s’étonnera que pour « maintenir vivante » une église, on la confie à une artiste qui avoue à demi-mot n’avoir connu l’Évangile que sur le tard, et qui aborde la Pentecôte comme un motif poétique plus que comme un mystère théologique.

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La comparaison avec Chartres ou la Sainte-Chapelle est cruelle. Dans ces sanctuaires, les vitraux ne sont pas seulement beaux, ils sont clairs, ordonnés, porteurs de sens. Chaque scène conduit le regard vers le Christ ou la Vierge, chaque couleur est travaillée pour filtrer la lumière et donner à la pierre une vibration céleste. Chez Viollet-le-Duc lui-même, les verrières du XIXᵉ siècle à Notre-Dame prolongent cette logique : elles dialoguent avec l’architecture, respectent son équilibre, s’inscrivent dans la continuité du génie gothique.Ici, tout est inversé. On ne cherche pas à prolonger une tradition, mais à la casser. On ne restaure pas, on remplace. Et l’on remplace ce qui était parfaitement intégré à l’harmonie de la cathédrale par une dissonance revendiquée.

On dira que la cathédrale a toujours évolué. C’est exact, mais elle a évolué par enrichissement organique, jamais par effacement volontaire d’un pan de son histoire. Jamais, en huit siècles, on n’a retiré des vitraux intacts pour leur substituer une expérimentation contemporaine.

Ce qui se joue aujourd’hui est un passage en force idéologique, soutenu par un État qui prétend « rendre vivante » une Église qu’il ne comprend plus, et par une hiérarchie ecclésiastique réduite au rôle d’accompagnatrice muette.Car Notre-Dame n’a pas besoin de vitraux contemporains pour rester vivante. Elle vit de la liturgie, des prières, de la foi des fidèles, et de la beauté transcendante de son architecture. Loin de « réanimer » la cathédrale, ces vitraux risquent de la mutiler. À la place de l’élan gothique, ils imposeront une dissonance colorée, reflet de l’agitation superficielle d’un monde qui a perdu le sens du sacré.

Il faut le dire sans détour : ce projet est un « vandalisme d’État « . Comme sous la Révolution, quand on brisait les statues et brûlait les manuscrits pour mieux effacer une mémoire chrétienne jugée encombrante, on efface aujourd’hui le legs de Viollet-le-Duc pour imposer une création idéologique. À l’époque, c’était la Terreur. Aujourd’hui, c’est l’esthétisme officiel, celui qui prétend « moderniser » en détruisant.Notre-Dame est un signe d’éternité. La « faire évoluer » en effaçant ses vitraux, c’est trahir à la fois son histoire et sa vocation. Ceux qui aiment la France, sa foi et son patrimoine, ne peuvent pas rester silencieux devant une telle mutilation.

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