C’est l’avertissement lancé à Rome par l’archevêque nigérian Fortunatus Nwachukwu devant les nouveaux évêques, appelés à guider leurs fidèles vers l’unique appartenance à la « tribu du Christ ».Les mots de Monseigneur Fortunatus Nwachukwu, secrétaire du Dicastère pour l’Évangélisation, ont résonné avec force lors du cours de formation pour les nouveaux évêques. Devant ces pasteurs récemment nommés, l’archevêque nigérian a dénoncé le tribalisme et l’ethnocentrisme comme des réalités qui ne peuvent être niées et qui blessent le Corps du Christ.
Selon lui, l’exaltation de l’identité ethnique, culturelle ou de caste au détriment de la nouvelle naissance du baptême met directement en péril la foi et l’unité du Peuple de Dieu.
Évoquant des situations concrètes, Monseigneur Nwachukwu a rappelé les cas d’évêques refusés par leur clergé ou par les autorités locales simplement parce qu’ils n’appartenaient pas à l’ethnie dominante. Il a aussi mentionné les divisions dans les séminaires où les séminaristes se regroupent selon leurs origines ou leurs castes. Ce qu’il appelle le « syndrome du fils de la terre » enferme l’Église dans une logique clanique, comme si les charges et les responsabilités pastorales devaient rester réservées aux « enfants » d’une ethnie ou d’un terroir particulier.Pour le prélat, cette dérive ne relève pas seulement d’un problème disciplinaire ou d’image. Elle constitue un défi théologique qui contredit l’histoire du Salut et « sape le pouvoir réconciliateur de la Croix et l’unité de l’Esprit ». Reprenant la Genèse, il a montré que Dieu se réjouit de la diversité de sa création, comme un artiste qui compose une mosaïque de couleurs. La diversité est belle lorsqu’elle reflète le dessein du Créateur, mais elle devient source de violence et de division dès que l’humanité s’éloigne de Dieu et se replie sur elle-même.
Fidés précise que dans ce contexte ,l’évêque a indiqué que loin d’être un simple habillage culturel, l’inculturation est féconde lorsqu’elle attire les cultures vers le Christ, en les purifiant et en les élevant. Mais elle devient stérile lorsqu’elle est invoquée pour justifier l’ethnocentrisme ou l’appropriation tribale de l’Église. L’archevêque a averti que, lorsqu’elle est réduite à une stratégie humaine, l’inculturation dégénère en idéologie identitaire. L’Incarnation du Christ, qui a assumé une langue et une culture particulières pour les ouvrir à l’universalité de la filiation divine, reste le modèle unique : « Il a donné à tous ceux qui croient en lui le pouvoir de devenir enfants de Dieu », a-t-il rappelé en citant l’Évangile de Jean.
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S’adressant aux nouveaux évêques, Monseigneur Nwachukwu a souligné leur responsabilité de conduire leurs communautés pour que les cultures ne se ferment pas sur elles-mêmes, mais s’ouvrent à la rencontre transformatrice avec le Christ. L’appartenance véritable, a-t-il insisté, n’est plus définie par le sang ou la tribu, mais par le baptême, qui insère chaque fidèle dans une « nouvelle tribu », celle du Christ, unie par l’Esprit et non par le clan. Dans cette tribu, il n’y a plus ni étrangers ni hôtes, mais tous sont membres de la famille de Dieu.
Le secrétaire du Dicastère a aussi rappelé que l’Église, par nature, n’est ni une institution tribale ni une caste : elle est le Corps du Christ. Les charges ecclésiales ne sont pas un héritage à transmettre à une lignée mais un service confié pour le bien des âmes. Il a cité le document Apostolorum Successores (2004), qui exhorte les évêques à agir selon des critères surnaturels et non en fonction d’appartenances locales, car « la vigne du Seigneur n’appartient qu’au Seigneur ».Enfin, le prélat a donné plusieurs orientations pratiques pour combattre le tribalisme, indiquant que les nominations doivent être fondées sur l’Évangile et non sur l’origine ethnique. L’exercice de l’autorité doit se faire dans l’équité et sans favoritisme. Les évêques doivent avoir le courage de réprimander publiquement ceux qui exploitent les divisions identitaires. Et l’Église doit promouvoir un dialogue sincère et une réconciliation profonde pour guérir les blessures ouvertes par l’ethnocentrisme.
En rappelant que l’appartenance chrétienne est avant tout l’appartenance à la tribu du Christ, Mgr Nwachukwu a livré aux nouveaux évêques un message clair : leur mission est de préserver l’unité du Peuple de Dieu en refusant les enfermements identitaires, afin que la diversité des cultures devienne une richesse au service de l’unique Évangile.