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Réintégrer un prêtre coupable ? Confusion dangereuse entre justice, vérité et miséricorde

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Le sacerdoce n’est pas un emploi. C’est un appel . Un homme ayant profané ce don de Dieu par un crime aussi ignoble ne peut plus l’assumer sans que l’Église entière en soit blessée

Derrière les appels au pardon, certains plaident aujourd’hui pour replacer dans des fonctions ecclésiales des prêtres reconnus coupables de crimes abominables. Cette tentative de faire passer la miséricorde pour une alternative à la justice trahit non seulement les victimes, mais aussi le cœur de la foi chrétienne : sans vérité ni justice, la miséricorde n’est plus divine et elle devient une parodie.

La tribune de Mme Juliette Gaté , publiée le 4 août dans La Croix est à elle-seule une provocation ; en effet elle défend la réintégration d’un prêtre condamné pour viol sur mineur, au motif que l’homme a purgé sa peine et qu’il serait injuste de lui interdire à vie toute fonction dans l’Église. Sous une prose enveloppante, inspirée d’une spiritualité douce et intimiste, se cache une grave confusion : celle qui présente la miséricorde comme une sorte d’absolution sociale immédiate, sans exiger le chemin réel de la vérité, du jugement et de la justice.Or, ce que Mme Gaté présente comme un excès de rigueur n’est rien d’autre que la fidélité évangélique. Non, la miséricorde n’est pas une suspension de la justice. Elle en est l’aboutissement. Non, la conversion d’un coupable ne signifie pas qu’il puisse redevenir un pasteur visible. Et non, le pardon n’annule pas les conséquences objectives du mal, pas sur terre en tout cas.

La foi catholique est claire : il ne peut y avoir de miséricorde sans jugement, sans demande de pardon, sans réparation. La miséricorde véritable ne s’oppose jamais à la vérité, elle l’embrasse. Elle ne court-circuite pas la justice, elle en jaillit, comme la lumière jaillit des plaies du Christ ressuscité.

Qu’un prêtre, par le passé, ait commis un viol sur un mineur, puis ait été condamné, ne signifie pas qu’il doive être haï. Mais cela signifie, et cela exigera toujours, qu’il ne puisse plus être placé en situation d’autorité spirituelle, pastorale ou sacramentelle.

Le sacerdoce n’est pas un emploi. C’est un appel . Un homme ayant profané ce don de Dieu par un crime aussi ignoble ne peut plus l’assumer sans que l’Église entière en soit blessée.

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Réhabiliter publiquement un prêtre condamné pour pédocriminalité ne relève pas du pardon chrétien, mais d’un aveuglement institutionnel. Le Christ ne nous a jamais demandé de nier le scandale, ni de protéger les coupables, mais de défendre les petits et de pleurer avec ceux qui pleurent. Lui qui a dit : « Mieux vaudrait pour lui qu’on lui attache au cou une meule et qu’on le jette à la mer » parlait bien de ceux qui scandalisent les petits.Ce n’est pas la foule qui hurle ici. Ce sont les fidèles qui s’étonnent, s’attristent, puis se scandalisent, à juste titre. Le sensus fidei n’est pas un chœur de slogans émotionnels : c’est une conscience droite, éclairée par la foi, qui comprend instinctivement que l’on ne peut trahir la justice sans éteindre la lumière de la miséricorde.

Redonner à un prêtre ce qu’il a lui-même détruit par le péché n’est pas un acte de charité, mais un abus de pouvoir spirituel.

On entend dire : « Toute peine a une fin. » Mais dans l’ordre sacramentel, toute faute n’a pas vocation à être suivie d’une restauration visible. L’Église ne condamne personne à l’exclusion éternelle de la grâce. Mais elle peut, et elle doit, dire : « Tu ne seras plus en position de guide. Tu as trahi cette mission. Reste fidèle à Dieu dans la pénitence, mais à l’écart. » Cela n’est ni haine ni vengeance. C’est l’honneur du sacré. C’est la vérité de la miséricorde.Le pardon n’est pas une procédure. C’est un feu qui passe par la croix. Il exige la reconnaissance publique du péché, la volonté de ne plus jamais nuire, et l’acceptation d’un retrait durable, souvent définitif. Demander moins, c’est se moquer de Dieu. C’est trahir l’Église. C’est écraser les victimes sous les grands mots de spiritualité abstraite.

Et que dire de la confiance des fidèles, si durement éprouvée ?

Le lien sacré entre les fidèles et ses prêtres se voit piétiné. La simple réintégration d’un prêtre condamné pour un crime aussi grave jette un voile de soupçon ,volontaire ou non , sur sa personne, quel que fût son chemin de repentance. . Car la nature humaine est ainsi faite : il suffit d’un seul cas pour qu’un climat de méfiance s’installe, que les regards deviennent hésitants, que les enfants soient tenus à distance, que les paroissiens se ferment.

Le véritable amour de l’Église consiste à la purifier. La vérité n’est pas brutale. La miséricorde n’est pas amnésique. Si l’on refuse cette cohérence, on transforme l’Église en refuge pour les faussaires du repentir, et on ajoute au scandale une complicité silencieuse.Il ne s’agit pas de rejeter les pécheurs. Il s’agit de ne pas trahir les saints. Il s’agit de protéger ceux qui ont souffert. Il s’agit de rappeler qu’un prêtre n’est pas un homme comme les autres. Et que l’on ne joue pas avec l’innocence perdue d’un enfant pour justifier un retour au pouvoir d’exercer. Sans vérité, la justice se vide. Sans justice, la miséricorde se corrompt. Et sans miséricorde vraie, c’est l’Église elle-même qui perd sa lumière.

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