Né en 1944 sous le nom de Parisien libéré, le journal fut à ses débuts marqué par l’esprit de la Résistance et une ligne clairement gaulliste. Mais, dès les années 1980, il s’est progressivement écarté de ce socle pour devenir le « quotidien de la proximité », se voulant apolitique mais en réalité verrouillé par une grille idéologique uniforme : progressisme culturel, européisme, conformisme sociétal. Cela fait donc plusieurs décennies que Le Parisien est « enchaîné », non pas par ses propriétaires successifs, mais par une orientation doctrinale qui ne laissait guère de place à la diversité des voix. Si changement il doit y avoir, c’est plutôt dans la libération de cette chape idéologique.
Dans sa charge contre Vincent Bolloré, Joffrin ne se contente pas d’attaquer un homme d’affaires. Il choisit de qualifier son adversaire de « catho-tradi », et ce dans une intention clairement péjorative. Ce n’est pas une description, mais une arme rhétorique, utilisée comme une gifle symbolique. Mais que signifie ce mot ?
Dans la réalité, il désigne des millions de catholiques fidèles à la Tradition de l’Église : attachement à la liturgie, fidélité au Credo, amour de la doctrine et des sacrements. Rien de plus légitime. Or, en le jetant comme une insulte, Joffrin ne stigmatise pas Bolloré, mais l’ensemble de ces fidèles, en France comme en Afrique, en Europe comme en Amérique.
Un tel amalgame serait impensable si l’on visait une autre religion ou communauté. Imagine-t-on un éditorialiste utiliser la foi juive, musulmane ou protestante comme insulte collective pour discréditer un acteur économique ? Pourtant, avec les catholiques, tout semble permis. Cette inégalité de traitement est inacceptable. Elle démontre non pas une défense du pluralisme, mais une intolérance assumée.
Les mots employés par Joffrin sont révélateurs. Il évoque un « Christ vengeur » qui aurait inspiré Bolloré, et le décrit comme un « Lancelot du PAF » partant en croisade contre des ennemis imaginaires. C’est là un mépris gratuit, qui transforme la conversion religieuse en caricature grotesque. On peut critiquer les stratégies médiatiques de Bolloré, mais se moquer de sa foi ou l’instrumentaliser pour nourrir une charge politique, c’est franchir une limite.
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En opposant Bernard Arnault, « libéral respectueux », à Bolloré, « catho-tradi autoritaire », Joffrin révèle le fond de sa pensée : la foi catholique traditionnelle serait, par nature, incompatible avec la démocratie et la liberté de la presse. C’est une erreur profonde, mais surtout une insulte. On ne juge pas un homme à sa foi, encore moins à la manière dont il vit la tradition religieuse de son baptême.Enfin, Joffrin conclut en parlant d’un « assaut trumpiste à la française ». Une formule choc, mais creuse. Car qui menace réellement la liberté aujourd’hui ? Est-ce celui qui, croyant et assumé, bâtit des médias et les aligne sur une ligne éditoriale assumée ? Ou celui qui, au nom d’un prétendu pluralisme, cherche à bannir du débat public des millions de catholiques en leur collant une étiquette infamante ?
Le vrai danger pour la démocratie n’est pas la présence de catholiques traditionnels dans les médias. C’est l’exclusion, la caricature, la stigmatisation.
En traitant « catho-tradi » comme une insulte, Joffrin s’attaque non pas à un homme, mais à une multitude de croyants qui ne demandent qu’une chose : vivre leur foi librement, et participer à la vie publique sans être tournés en dérision.
Sous couvert de défendre la liberté de la presse, Joffrin en vient à piétiner la liberté religieuse. En prétendant dénoncer un « Parisien enchaîné », il ne fait que révéler les véritables chaînes : celles d’une pensée dominante qui méprise tout ce qui échappe à son carcan idéologique. Le pluralisme qu’il invoque n’est qu’un masque. Car le vrai pluralisme, c’est celui qui respecte aussi la voix des croyants, et qui reconnaît que la fidélité à la tradition catholique n’est pas une tare, mais une richesse vivante.Oui, « catho-tradi » est un mot qu’il veut infamant. Mais pour des millions de fidèles, il est synonyme de fidélité, de conviction et de courage. Et ce n’est pas un éditorial acerbe qui pourra enchaîner cette réalité.