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Saint Martial de Limoges, entre mémoire apostolique et vérité historique

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Loin d’être un obscur personnage oublié des fidèles, saint Martial a laissé une empreinte durable. Vingt-trois villages portent encore son nom, une église de Bordeaux lui est dédiée

évêque de Limoges (IIIe siècle)

Le 30 juin, l’Église célèbre saint Martial, premier évêque de Limoges et figure fondatrice de l’évangélisation en Limousin. Si sa mémoire a longtemps été auréolée de légendes, la recherche historique, patiemment menée, permet aujourd’hui de mieux cerner la mission et la stature de cet homme qui demeure, encore aujourd’hui, l’un des saints les plus vénérés d’Aquitaine.

Les récits qui nous sont parvenus au sujet de saint Martial sont tardifs et, pour beaucoup, fortement embellis. Deux hagiographies, l’une du VIIIe siècle, l’autre du XIe, le présentent comme un cousin de saint Pierre, témoin de l’enfance du Christ, voire figurant parmi ses disciples. Selon ces traditions, il aurait tenu le panier des pains et des poissons, ou encore essuyé les pieds des Apôtres lors du lavement. D’autres récits racontent qu’enfant, il aurait été désigné par Jésus lui-même comme un modèle pour entrer dans le Royaume des cieux. Une imagerie pieuse s’est ainsi construite, façonnée par les siècles, les fresques, les vitraux et la ferveur populaire, notamment à l’abbaye Saint-Martial de Limoges qui souhaitait rehausser le prestige de son saint patron.

Mais que sait-on vraiment ? En vérité, peu de choses… et c’est sans doute cela qui rend saint Martial d’autant plus attachant. Loin des légendes, les travaux historiques et archéologiques confirment sa présence au IIIe siècle, vraisemblablement autour de l’an 250. Il aurait été envoyé en Gaule par un pontife romain, à l’instar des six autres évêques mentionnés par Grégoire de Tours comme fondateurs des premières Églises de France. Il prêcha dans les environs d’Ahun et de Toulx-Sainte-Croix avant de s’établir à Limoges, où il fonda un centre chrétien et convertit plusieurs membres de l’aristocratie locale. Son action missionnaire reste concentrée sur la ville, les campagnes alentour demeurant encore païennes à son époque. Il meurt à Limoges, et son tombeau est vénéré dès les premiers siècles.

Les fouilles de 1960-61 ont mis au jour une crypte contenant deux sarcophages en granit, datés du IIIe au Ve siècle. Selon les chercheurs, l’un d’eux pourrait bien être celui de Martial lui-même, l’autre celui de l’un de ses prêtres, peut-être Alpinien ou Austriclinien, ses compagnons dans la mission et eux aussi fêtés le 30 juin.Loin d’être un obscur personnage oublié des fidèles, saint Martial a laissé une empreinte durable. Vingt-trois villages portent encore son nom, une église de Bordeaux lui est dédiée, et l’on conservait jusqu’au XIXe siècle son bâton pastoral à la basilique Saint-Seurin. À Demigny, un vitrail rappelle sa mémoire. Aux Cabannes, en Ariège, cinq fresques murales retracent sa vie selon la tradition légendaire : de l’enfance aux pieds du Christ jusqu’à l’apparition du Seigneur lui annonçant sa mort.

Alors, apôtre ou évêque tardif ? Peu importe en définitive. Car la sainteté ne se mesure pas à l’épaisseur des récits ou au prestige des origines, mais à la fécondité de la mission. Et sur ce point, saint Martial demeure, aujourd’hui encore, une pierre vivante de l’Église en France.

Avec Nominis

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