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[ Scandale ] Entre abus, manipulations et silence complice ou comment le cardinal De Donatis protége Rupnik

Entrée du couvent de Montefiolo ( street view), cardinal De Donatis, Marko Rupnik
Entrée du couvent de Montefiolo ( street view), cardinal De Donatis, Marko Rupnik
Pendant ce temps, les sœurs, réduites au silence, subissent cette occupation forcée.

Une enquête du média italien La Bussola vient de révéler un nouveau chapitre accablant dans l’affaire Rupnik. L’ancien jésuite accusé de multiples abus sur des religieuses a trouvé refuge, avec plusieurs de ses proches, dans le couvent de Montefiolo, en Sabine, au détriment des sœurs bénédictines de Priscille qui en étaient les occupantes légitimes. Derrière cette manœuvre trouble, un nom revient avec insistance : le cardinal Angelo De Donatis, ancien vicaire du Pape pour le diocèse de Rome, aujourd’hui Pénitencier Majeur.

Rappelons que le père Marko Rupnik, mosaïste jésuite, est accusé d’abus spirituels et d’agressions sexuelles sur plusieurs religieuses dans les années 1980-1990, ainsi que d’un abus en confession en 2015, ayant entraîné une excommunication levée peu après. Malgré des témoignages accablants, les procédures canoniques contre lui ont été entravées par la prescription des faits. Les sanctions internes prises par la Compagnie de Jésus sont jugées insuffisantes par ses victimes et les observateurs.

Un couvent vidé de ses sœurs pour accueillir Rupnik ?

Les faits révélés par La Bussola sont édifiants. À Montefiolo, un lieu autrefois habité par des religieuses, un petit groupe d’anciens jésuites du Centre Aletti a progressivement pris le contrôle des lieux, chassant de fait les sœurs. Ces dernières, contraintes au départ, ont dû déménager vers leur autre maison à San Felice Circeo. Pourtant, en ce 27 février, lorsqu’un journaliste de La Bussola tente d’accéder aux lieux, il est refoulé : « Les sœurs sont parties, il n’y a personne, je suis juste de passage et je ne peux laisser entrer. »

Mais au fil de l’enquête, des silhouettes apparaissent dans ce couvent supposément vide. Un homme finit par se présenter : « Je suis prêtre, je m’appelle Milan. » Il s’agit de don Milan Žust, un ancien jésuite, ex-supérieur de Rupnik au Centre Aletti, aujourd’hui membre du même cercle qui s’est approprié Montefiolo. Il tente d’éloigner les curieux en expliquant que le couvent est en travaux et que les sœurs sont en train de partir. Mais la vérité est tout autre : les anciens jésuites se sont installés sur place, prennent leurs repas dans le réfectoire des religieuses et imposent leur propre autorité.

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La main invisible du cardinal De Donatis

Si cette affaire choque, c’est que son instigateur principal ne serait autre que le cardinal Angelo De Donatis. Proche de Rupnik, il avait, dès le début du scandale, tenté de minimiser les accusations en parlant de simples calomnies. Il avait même signé un document louant « l’irréprochable réalité du Centre Aletti » alors que les victimes réclamaient vérité et justice.

L’enquête révèle également que le prélat De Donatis s’est fait construire un luxueux appartement au sein du couvent, récupérant une structure qui servait autrefois de garage aux sœurs. « Un magnifique logement », confie un habitant du village. De plus, dans la localité voisine de Poggio Catino, le cardinal possède un ancien agritourisme avec piscine, où il aurait hébergé Rupnik et son entourage avant leur installation définitive à Montefiolo.

Des travaux illégaux dans un couvent classé

Autre élément troublant : l’église du couvent, protégée par les Beaux-Arts, est en train d’être entièrement modifiée. Un informateur local confie : « Une maison sous protection patrimoniale, ils la bouleversent complètement. Ils repeignent la chapelle et modifient l’intérieur du monastère, y compris l’ancien ermitage de saint Félix de Cantalice. ». Pendant ce temps, les sœurs, réduites au silence, subissent cette occupation forcée. Lorsque La Bussola tente de les contacter, l’une d’elles, effrayée, répond brièvement : « Ce n’est pas possible, on ne veut pas que nous ouvrions. » Pressée de questions sur l’identité de ceux qui leur interdisent l’accès, elle coupe court : « Je ne sais rien, je dois aller à la messe. »

Selon des sources locales, le contrôle financier de l’Institut religieux serait désormais entre les mains du cardinal De Donatis, empêchant toute contestation des religieuses. « Rien ne bouge sans son accord », confie une source proche du dossier.

Les révélations de La Bussola mettent en lumière une véritable manœuvre d’exfiltration de Rupnik, orchestrée avec l’appui d’un haut prélat du Vatican. Le cardinal De Donatis, en facilitant son installation à Montefiolo, offre à l’ex-jésuite un cadre où il peut reprendre ses activités, loin des projecteurs, malgré l’ampleur du scandale.

Et du côté de Rome ? Aucune réaction. La Bussola a tenté de contacter le cardinal De Donatis ainsi que Mgr Ernesto Mandara, évêque de Sabina-Poggio Mirteto, diocèse où se trouve Montefiolo. Tous deux sont restés silencieux.

Quant au Pape François, il s’est montré jusqu’ici extrêmement évasif sur les accusations visant son confrère jésuite. Dès les premières révélations, il n’avait pas cherché à imposer des sanctions fermes contre Rupnik, se contentant de formules vagues sur la présomption d’innocence. Aujourd’hui, compte tenu de son état de santé, il est certain qu’il ne prendra aucune initiative pour faire toute la lumière sur cette affaire qui, pourtant, continue de ternir l’image de l’Église.

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