Après avoir présenté l’histoire de la cathédrale, avoir décrit son architecture, poursuivons avec ses trésors : les vitraux, le labyrinthe, la relique majeure (le voile de la Vierge, aussi appelé la sainte chemise) et les orgues.
Les vitraux, un ensemble exceptionnel
Les vitraux de la cathédrale sont considérés comme l’un des ensembles les plus complets et les mieux préservés de l’époque médiévale. Ils couvrent une surface totale de 2 600 m2 et présentent une collection unique de 172 baies illustrant la Bible et la vie des saints ainsi que celle des corporations de l’époque.
La plupart des vitraux furent réalisés après l’incendie de 1194. Leur origine peut être datée des années 1205 à 1240. Cependant quelques-uns sont antérieurs, comme les trois lancettes de la façade occidentale qui furent fabriquées entre 1145 et 1155 ou la partie centrale du vitrail appelé Notre-Dame-de-la-Belle-Verrière, célèbre pour son bleu dit « de Chartres » et daté de 1180. Ce « bleu de Chartres » ou « bleu roman » très lumineux, mis au point dans les années 1140 sur le chantier de la basilique Saint-Denis, fut utilisé par la suite dans la cathédrale de Chartres et celle du Mans. Ayant un fondant sodique coloré au cobalt, il s’est révélé plus résistant que les rouges ou les verts de la même époque.
Quelques vitraux furent exécutés plus tardivement, comme ceux de la chapelle de Vendôme qui fut réalisée dans le premier quart du XVe siècle ou certains du transept réalisés au XXe siècle. Plusieurs verrières, endommagées au cours des siècles, furent restaurées, la première au XVe siècle. Un programme de nettoyage et de traitement de celles-ci contre les effets de la pollution fut entrepris à partir de 1972 : il est toujours en cours.
Les verrières narratives se lisent en général de bas en haut et de gauche à droite. En revanche, le vitrail de la Passion typologique (baie no37) se lit de haut en bas. Cependant, toutes les verrières ne racontent pas une histoire d’une manière linéaire. Dans certaines verrières, les scènes se répondent en jouant sur des concordances entre images en vis-à-vis. Les scènes d’un vitrail peuvent être regroupées en ensembles formant des carrés, des fleurs à quatre pétales ou lobes.
Plan de situation des baies.
La numérotation des baies est celle adoptée par le Corpus Vitrearum. Elle va de 0 à 99 pour le niveau inférieur, commence par le chevet jusqu’à la façade de la nef. Le numéro 0 est donné à la baie située dans l’axe de l’abside ou de la chapelle d’axe. Les numéros impairs sont donnés aux baies situées côté gauche, au Nord. Les numéros pairs sont donnés aux baies côté droit, au Sud. Le niveau supérieur va de 100 à 199, suivant le même principe que pour le niveau inférieur. La baie 100 est la baie située dans l’axe du chœur.
La meilleure vue des verrières basses est celle observée depuis le collatéral et le déambulatoire, d’où l’on peut le mieux observer les détails. Partant du centre de la nef, devant la rosace Ouest, les verrières seront décrites suivant un circuit effectué dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, présentant successivement le Sud de la nef, le transept Sud, le déambulatoire, le transept Nord et enfin le Nord de la nef.
La meilleure vue des verrières hautes est également celle observée depuis le collatéral et le déambulatoire, en regardant du côté opposé à celui des verrières basses ; mais leur éloignement en rend l’observation plus difficile. Le circuit à parcourir pour les observer dans l’ordre ci-dessous est l’inverse du précédent (successivement le Nord de la nef, le transept Sud, le déambulatoire, le transept Nord et enfin le Sud de la nef). Les verrières hautes de la nef et du transept sont composées de 2 lancettes et d’une rose à 8 lobes. Les verrières du chœur sont composées de deux lancettes (une à gauche et une à droite vues de face) surmontées d’une rose. Les verrières hautes de l’abside sont composées de baies d’une seule lancette. Pour voir les verrières situées au-dessus du maître autel, il faut traverser le chœur.
Attardons-nous sur les plus belles verrières.
- Les rosaces
Portail Ouest
Le portail Ouest est ajouré par les baies 49, 50, 51, trois lancettes en arc brisé, surmontées par la rosace 143, une grande rose formée d’un œil à 12 lobes, puis de 12 quartiers comportant 2 médaillons, et de 12 rosaces extérieures séparées par des quadrilobes. Les trois lancettes du bas datent du milieu du XIIe siècle. Cette partie a été construite après l’incendie de 1135, et est la seule partie ayant subsisté à l’incendie de 1195. Elles constituent la part la plus ancienne de l’ensemble des vitraux de la cathédrale.
La rose représente le Jugement dernier avec, au centre, le Christ montrant ses plaies, autour, les anges et les quatre bêtes de l’Apocalypse. Au-dessus se trouvent Abraham et les élus, au-dessous, la Pesée des Âmes, et de part et d’autre, les douze apôtres. Cette rose a été bâtie soixante ans plus tard, en 1215, après l’incendie de 1195, la nef de la nouvelle cathédrale ayant été rebâtie plus haute. Elle est donc du début du XIIe siècle.
La lancette centrale – l’enfance (notons la présence d’une Vierge à l’enfant entourée d’une mandorle) et la vie du Christ – est entourée de deux lancettes légèrement plus petites. À gauche, La Passion qui est un rappel du Nouveau Testament et à droite, l’Arbre de Jessé, qui est l’évocation de la lignée du Christ et de l’Ancien Testament.
La baie Ouest constitue un grand tableau christologique consacré à l’Incarnation du Verbe divin en Jésus-Christ. Ces quatre ensembles décrivent successivement son enracinement humain dans la descendance de Jessé et l’annonce des prophètes (l’Arbre de Jessé à droite), suivi de l’incarnation (l’Enfance du Christ au centre) de Dieu le Fils devenu homme, né de la Vierge Marie, puis le Sacrifice (la Passion à gauche), et enfin la Rédemption pour ceux qui ont foi en Jésus-Christ (rose du Jugement dernier). L’arbre de Jessé de la cathédrale de Chartres est la plus ancienne représentation subsistante de ce thème. Elle date d’environ 1145. La première utilisation de cette thématique dans une verrière a été réalisée par Suger à l’abbatiale de Saint-Denis, mais celle-ci a été très lourdement restaurée. À Saint-Denis, ces verrières étaient situées au chevet.
Portail Sud :Il s’agit de la baie 122. Elle fut offerte par la maison de Dreux Bretagne dont faisait partie Pierre Mauclerc et exécutée entre 1221 et 1230. Elle est composée de cinq lancettes en arc brisé surmontées d’une grande rose. La rose est formée d’un œil à douze lobes, puis de douze quartiers comportant des médaillons, de douze cercles, de douze quadrilobes et enfin de douze demi-cercles comportant des médaillons.
La lancette centrale représente la Vierge tenant l’Enfant Jésus dans ses bras, et de part et d’autre, deux groupes de quatre personnages montés deux à deux. Les quatre grands prophètes de l’Ancien Testament portent sur leurs épaules les quatre évangélistes. Cette représentation traduit la continuité entre les deux Testaments. Il y a de gauche vers la droite : Jérémie portant saint Luc, Isaïe portant saint Matthieu, Ézéchiel portant saint Jean, Daniel portant saint Marc. Ces prophètes et les évangélistes ont annoncé le Royaume de Dieu qui est représenté dans la rose placée au-dessus.
Lire aussi
Au-dessous de ces personnages sont représentés les membres de la famille des donateurs. Pierre de Dreux (dit Pierre Mauclerc) s’était marié en 1213 avec Alix de Thouars. Il devint alors duc de Bretagne et fit de cette branche cadette des capétiens une famille puissante. Les lancettes contiennent les représentations des donateurs, au-dessous de la Vierge, les armoiries des comtes de Dreux, à gauche, au-dessous de Jérémie, Alix de Thouars, duchesse de Bretagne puis à sa gauche, sa fille Yolande (née en 1224), au-dessous d’Ezéchiel, Pierre de Dreux dit Mauclerc, et enfin, le fils aîné, Jean le Roux (né en 1217).
La rose est une illustration de la première vision de l’Apocalypse de Jean.
Au centre, se trouve le Christ en majesté. Le premier cercle représente les évangélistes, à partir du bas à gauche et dans le sens d’une montre : le lion, symbole de Marc ; le bœuf, symbole de Luc ; l’homme, symbole de Matthieu ; l’aigle, symbole de Jean. Les autres vitraux représentent des anges tenant des encensoirs. Les deux cercles suivants représentent les vingt-quatre Vieillards de l’Apocalypse. Entre ces deux cercles, il y a des quadrilobes avec les blasons de la famille de Dreux, donateurs.
Portail Nord
Il s’agit de la baie 121. Elle est aussi connue sous le nom de verrière de la Maison de France, car elle fut offerte par le roi Louis IX et sa mère Blanche de Castille en 1230.
Elle est composée de cinq lancettes en arc brisé surmontées d’une grande rose, les écoinçons inférieurs de la rose sont ajourés de quatre petites lancettes de chaque côté. La rose est formée d’un œil à douze lobes, puis de douze quartiers comportant des médaillons, de douze carrés, de douze quadrilobes et enfin de douze demi-cercles comportant des médaillons.
La lancette centrale représente sainte Anne tenant la Vierge enfant dans ses bras, au-dessus des armes de France. À gauche, une lancette figurant le roi David tenant sa harpe, au-dessus de Saül qui se jette sur son épée, scène qui représente le vice de la colère. Puis à gauche de cette dernière, remarquons une lancette représentant Melchisédech, le roi-prêtre, placé au-dessus de Nabuchodonosor adorant une idole ; à droite de la lancette centrale, le roi Salomon placé au-dessus de Jéroboam adorant le veau d’or ; puis à droite de cette dernière, Aaron, le grand prêtre, dominant pharaon et ses troupes englouties par la Mer Rouge.
La rose figure, en son centre, la Vierge Marie portant l’Enfant Jésus, autour, un premier cercle présentant au-dessus de la Vierge, quatre colombes, pour les dons du Saint-Esprit, des anges tenant des encensoirs, des anges tenant des chandeliers et des chérubins. Ensuite un deuxième cercle de vitraux en forme de losange représentant la lignée des rois de Juda donnée dans l’Évangile selon Matthieu.. Sur un troisième cercle, au bord de la rose, les douze petits prophètes de l’Ancien Testament. Entre le deuxième et le troisième cercles, des quadrilobes aux armes de France.
- Les verrières basses
Contrairement aux verrières hautes, qui se limitent à montrer de loin de grands personnages sur trois étages verticaux, les verrières basses sont destinées à être vues de près.
Composées de panneaux successifs, qui se lisent généralement de bas en haut et de gauche à droite, elles racontent divers épisodes bibliques, mais également des épisodes tirés des apocryphes bibliques, ou les légendes de la vie des saints, que l’on retrouva pour la plupart cinquante ans plus tard, vers 1265, dans la Légende dorée de Jacques de Voragine. Ces panneaux sont des illustrations « légendaires » au sens premier du terme, qui signifie ici « ce qui doit être lu ».
Plus encore que la statuaire, elles forment un véritable catéchisme en image. Les prédicateurs s’adressant aux pèlerins s’appuyaient sur ces illustrations pour donner un support visuel aux récits et commentaires de ces histoires, qui à cette époque étaient familières à tous.
Citons au Sud de la nef saint Jean l’Évangéliste, sainte Marie-Madeleine, le « Bon Samaritain », la Mort et l’Assomption de la Vierge, la famille de Vendôme, les miracles de Notre-Dame.
Transept Sud
Dans la partie Sud, la baie 32 date de 1954 et la baie 36 ne se trouve pas à son emplacement d’origine.
La chapelle axiale est consacrée à la mission des apôtres, ce qui constitue, dans le cadre de la cathédrale de Chartres dédiée à Notre-Dame, une originalité par rapport aux autres cathédrales dont la chapelle axiale est généralement consacrée à la Vierge. Ainsi, il est à noter qu’en 1208, le pape Innocent III lança la croisade contre les Albigeois ; ce vitrail rappelle la mission des apôtres dont les évêques sont les successeurs.
Les lancettes des baies 108 et 112 furent détruites au XVIIIe siècle. Seules les roses de ces baies sont restées intactes. Avant leur destruction, la baie 108 évoquait l’histoire de saint Barthélemy et la Vierge, la baie 112 retraçait l’histoire de saint Eustache et de saint Georges.
Le chœur
Cet ensemble est le premier que le visiteur voit lorsqu’il entre par la porte royale du portail Ouest. Du fond de la nef, toute la perspective converge vers la figure centrale de la Vierge Marie, qui trône au sommet du vitrail en position de sedes sapientiae, et qui reste très lisible malgré la distance, rappelant que la cathédrale est dédiée à Notre-Dame de l’Assomption.
Le vitrail de Notre-Dame est entouré de six grandes lancettes où les patriarches et prophètes y sont représentés tournés vers elle. Cet ensemble homogène date de 1210-1225, et est contemporain de la construction de la cathédrale actuelle, au début du XIIIe siècle.
Déambulatoire Nord
Les lancettes des baies 107, et 111 furent détruites au XVIIIe siècle. Seules les roses de ces baies sont restées intactes. Avant leur destruction, la baie 107 retraçait l’histoire de saint Denis et la baie 111 celle de saint Jean-Baptiste et de saint Jacques le Majeur.
Un don intéressé
Donner de l’argent pour la fabrication des verrières était signifiant pour tenir son rang, représenter sa corporation ou faire œuvre de piété. Toutes les classes sociales ont participé au financement de cette cathédrale : les souverains, dont on peut voir les armes sur la façade Nord du transept, les nobles de la région de Chartres, d’Île-de-France et de Normandie, le chapitre de la cathédrale et les différentes corporations.
Les nobles participèrent plutôt à la réalisation des verrières hautes. Ils sont représentés sur vingt-six verrières hautes et seulement trois verrières basses. On peut retrouver Louis VIII, Étienne de Sancerre, Guillaume de la Ferté, Simon de Montfort, Thibault VI, comte de Blois et de Chartres, Ferdinand III de Castille, Raoul de Courtenay, Robert de Champignelles, un seigneur de la famille Bar-Loupy, Bouchard de Montmorency, Robert de Beaumont, Jean de Courville, Pierre de Dreux dit Mauclerc, Jean III Clément de Mez, seigneur du Mez et d’Argentan, Philippe Hurepel, comte de Boulogne… Blanche de Castille et Louis IX ont pris part à la réalisation des vitraux de la façade septentrionale du transept tandis que Pierre de Dreux participait à celle de la façade méridionale.
Près d’une trentaine de confréries et de corporations ont participé à la réalisation des verrières. Représentés sur les vitraux, cet ensemble forme un tableau des différents métiers au XIIIe siècle : charpentiers, menuisiers, laboureurs, vignerons, maçons, tailleurs de pierre, drapiers, fourreurs, boulangers, etc.
Les verrières financées par les corporations de métiers sont apparues d’abord à la cathédrale de Chartres et à la cathédrale de Bourges entre 1205 et 1215. Les 176 fenêtres de Chartres offrent 125 représentations d’artisans engagés dans vingt-cinq occupations différentes: fabriquant, transportant, ou vendant leurs produits dans quarante-deux fenêtres
Le labyrinthe : un dallage mythique, chemin de rédemption.
Les labyrinthes existent depuis 15000 ans. On en trouve en Amérique, en Suède, en Grande-Bretagne, en Italie, en Inde, en Egypte ou en France.
Le labyrinthe de Chartres, constitué au XIIe siècle, est une forme circulaire de 12,89 m de diamètre inscrite dans toute la largeur du pavage de la nef principale, entre les troisième et quatrième travées. Elle représente un tracé continu déployé de 261,55 m partant de l’extérieur et aboutissant au centre, en une succession de tournants et d’arcs de cercle concentriques. Une des particularités de ce labyrinthe réside dans son cheminement.
Que l’on parte du centre ou de l’extérieur, le chemin parcouru présente exactement le même enchaînement de tournants et d’arcs de cercle. Si l’on se réfère à l’univers culturel des chanoines du XIIIe siècle, seuls maîtres d’ouvrage de l’édifice, le labyrinthe serait un chemin symbolique où l’homme va à la rencontre de Dieu. On peut le comprendre comme un pèlerinage « sur place », dont la finalité est d’inviter à la pénitence et à la méditation, vécue aussi bien avec le corps qu’avec l’esprit. On peut aussi y lire symboliquement le parcours qu’est l’existence humaine, long et compliqué, ou s’exprimerait la confiance d’être conduit finalement en présence de Dieu.
Ce labyrinthe s’inspire probablement du mythique labyrinthe de Crète construit par Dédale, comme semblait l’indiquer la plaque de cuivre située en son centre, ôtée en 1792, et qui aurait représenté le combat de Thésée et du Minotaure. Selon des textes du XIIe siècle et du XIVe siècle un rituel qui avait lieu autour de la fête de Pâques, en explique le sens ; le doyen du chapitre (le Christ) parcourait le labyrinthe (les enfers), allait jusqu’à son centre, rappelant l’extermination du minotaure (la mort vaincue), tenant une sorte de balle jaune (la pelote du fil d’Ariane : fil de vie, couleur jaune du Soleil, de la lumière) qu’il lançait aux participants. Le parcours du labyrinthe serait ainsi – initialement – une évocation de la résurrection, celle du Christ appelant celle des hommes. Le centre de ce grand motif symboliserait ainsi la Jérusalem céleste, soit le paradis.
Quand on réalise une projection de la rose de la façade sur le pavement, cette rose consacrée à la résurrection des morts correspond exactement au labyrinthe, le christ de la fin des temps se superposant alors au centre du labyrinthe.
La démarche du labyrinthe ne consiste pas seulement à aller jusqu’au centre, mais à en ressortir. Le pèlerin est donc invité à emprunter la ligne tracée face à lui pour monter vers le chœur de la cathédrale – en particulier l’autel. Le labyrinthe de Chartres a été appelé « La Lieue » — car on mettait autant de temps pour le parcourir à genoux qu’à marcher une lieue (de l’ordre de 4, 82 km) — et plus tard « chemin de Jérusalem », car ceux qui ne pouvaient pas partir en croisade effectuaient ce parcours en guise de pèlerinage.
Un chœur pour vénérer le Christ et Marie
Nous avons déjà présenté le tour de pierre ou clôture du chœur, ainsi que Notre-Dame du Pilier, qui font partie de cette zone autour de l’autel.Il convient à présent de s’attarder sur la relique du voile de Marie.
Le voile de la Vierge est une relique qui aurait été envoyée de Byzance par l’empereur d’Orient à Charlemagne. Selon la tradition, il s’agit du voile (appelé sancta Camisia car le peuple pensait voir dans le reliquaire une chemise) que portait Marie lors de l’Annonciation. Une chronique du XIe siècle empreinte de merveilleux raconte qu’elle fut brandie comme bannière par Charles le Chauve lors du siège de Chartres. L’empereur d’Occident et petit-fils de Charlemagne l’offrit en 876 à la cathédrale.
Cette relique, une des plus précieuses d’Occident, fit de l’église un sanctuaire marial qui accueillit dès lors de nombreux pèlerins, notamment Louis XIV, saint Vincent de Paul ou François de Sales. Lors de l’incendie de l’ancienne église en 1194, la relique semblait perdue, mais elle fut providentiellement mise à l’abri dans le martyrium par des clercs. Après deux ou trois jours de déblayage, les sauveteurs et la relique furent retrouvés. À l’époque, cet épisode fut interprété comme le désir de la Vierge Marie d’abriter le voile dans une église plus spacieuse ; cela conduisit à une multiplication des dons sur son autel, attestée dès 1195. Cela explique sans doute l’enthousiasme et la rapidité avec laquelle la nouvelle cathédrale fut bâtie.
À la suite de l’ouverture au début du XVIIIe siècle de la châsse en bois de cèdre alors en mauvais état, il fut constaté qu’il s’agissait d’un long habit de tête, et non d’une chemise ainsi qu’elle figurait sur le sceau du chapitre de la cathédrale. Le saint vêtement fut enveloppé dans un voile de gaze (tissu byzantin du VIIIe siècle appelé « voile de l’impératrice Irène ») orné de broderies en soie et en or. Par la suite, la relique fut contenue dans une châsse de grande valeur, dont les joyaux furent vendus à la Révolution. De même en 1793, le voile fut découpé en plusieurs morceaux pour être vendus. Placé dans un reliquaire monstrance réalisé par l’orfèvre Poussielgue-Rusand en 1876 pour le millénaire de son don, il est toujours exposé dans le déambulatoire, du côté Nord, dans la chapelle des martyrs.
Notre-Dame de Chartres reste un lieu de pèlerinage important à l’heure actuelle, principalement durant le week-end de Pentecôte. Ainsi, le Pèlerinage de Tradition (organisé par la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X et qui s’élance de Chartres) et Notre-Dame de Chrétienté (qui débute à Paris et se termine à Chartres), n’attirent pas moins de 12 000 pèlerins à eux deux, venant du monde entier. L’engouement pour la route de Saint-Jacques-de-Compostelle, dont Chartres est une étape pour les pèlerins qui viennent du Nord par la route de Paris, est aussi à l’origine de ce succès.
Il y aurait de très nombreux autres éléments à décrire de façon objective, mais nous réservons ces explications pour le troisième chapitre.
Des orgues aux dimensions de l’édifice.
En 1353, Notre-Dame de Chartres possédait déjà un orgue, puisque Jehan de Chateaudun était connu comme organiste de la cathédrale. Son instrument était installé sur la tribune à double voûte ogivale en bois lambrissé, encore visible aujourd’hui, accroché à la deuxième travée du mur méridional.
En 1475, le clergé souhaita édifier à la même place (nous en verrons la signification en troisième chapitre) un orgue aussi puissant que celui de la cathédrale de Poitiers. Gombault Rogerie, frère Prêcheur de Pons en Saintonge, installa un instrument comprenant jusqu’à 50 tuyaux par touche dans le dessus : il s’agissait d’un grand Blockwerk. Les grandes tourelles rectangulaires de pédale reçurent chacune trois tuyaux par tourelle.
En 1542, le Chapitre confia à Robert Filleul, organiste, le soin de construire un nouvel orgue après désassemblage du précédent. L’ensemble de la menuiserie fut confié à Roulland Foubert et Jacques Beley, menuisiers chartrains. Une grande partie de ce travail subsiste encore aujourd’hui.
En 1614 Crespin Carlier, facteur de renom qui terminait un nouvel orgue à la cathédrale de Poitiers, orgue précédant le Clicquot actuel, intervint pour des travaux d’importance dont on n’a pas de trace écrite. Le buffet ne fut plus modifié mais la partie sonore évolua peu à peu. Un quatrième clavier (récit) semble avoir été ajouté par Étienne Enoch en 1668.
En 1826, l’état de l’instrument suscita une réflexion pour sa restauration et son déplacement en fond de nef. L’incendie de la toiture en 1836 interrompit les pourparlers : l’orgue fut muet une dizaine d’années.
En 1899, l’état déplorable de l’instrument était connu de tous, religieux et laïcs.
En 1950, Jean Lapresté, missionné par la commission des orgues, fournit un rapport sur l’état de l’instrument et conclut à la nécessité de très importants travaux.
En 1952, Marcel Dupré assura un récital sur un orgue de 36 jeux en mauvais état.
La rénovation ne fut réalisée qu’en 1971. Un orgue néoclassique à transmission électropneumatique de 4 claviers et 67 jeux fut installé dans le buffet. La tuyauterie fut répartie dans tout l’espace de l’orgue. Les tourelles comportent 5 tuyaux de 24 pieds, les basses et dessus sont placés dans le triforium, et la soubasse derrière la console des claviers. Les claviers de Grand Orgue et de Positif sont à sommiers superposés, ainsi que le Récit. C’est cet instrument que l’on entend aujourd’hui.
On peut donc dire que l’orgue se caractérise aujourd’hui par un buffet de Robert Filleul (1546) ; qu’il a été reconstruit par la société Danion-Gonzalez (1969-1971) et relevé par Jean-Marc Cicchero (1996). De 3 claviers et 36 jeux, il est passé à 4 claviers de 56 notes et un pédalier de 32 notes, pour 67 jeux. Il dispose d’une console électrique comportant 4 claviers manuels. Il est équipé d’un combinateur électronique Joël Petrique de 8.848 combinaisons, organisé en 33 espaces de travail. Chaque espace comporte 16 séries, et chaque série comporte 16 combinaisons (soit un total de 256 combinaisons par espace). Chaque espace offre également 2 crescendi programmables.
Nous étudierons dans notre prochain article la symbolique de ce joyau.
Stéphane BROSSEAU