Alors que les milices des Forces de soutien rapide (RSF) affirment avoir pris le contrôle d’El-Fasher, au nord du Darfour, l’angoisse monte autour du sort de dizaines de milliers de civils disparus. Selon les estimations des Nations unies, la ville comptait encore quelque 260 000 habitants avant sa chute. Mais moins de 6 000 réfugiés ont atteint le camp de Tawila, situé à une cinquantaine de kilomètres. Où sont passés les autres ?Les témoignages recueillis évoquent des fouilles systématiques, des arrestations arbitraires et des exactions à caractère ethnique. Les organisations humanitaires parlent d’« atrocités de masse », tandis que les RSF affirment avoir arrêté certains de leurs combattants pour crimes de guerre, une annonce jugée purement propagandiste par les ONG locales.
Au cours du long siège de 18 mois, les miliciens avaient encerclé El-Fasher d’un véritable mur de sable pour isoler la ville. Aujourd’hui, ce dispositif se retourne contre la population civile, piégée et sans issue. L’accès humanitaire reste extrêmement limité et les communications sont coupées. Des sources sur place évoquent des massacres et des discriminations ethniques, sans qu’il soit encore possible d’en établir l’ampleur.Le Premier ministre soudanais Kamil Idris a dénoncé la passivité de la communauté internationale, tout en refusant l’envoi de troupes de l’ONU au nom de la souveraineté nationale. Il a également accusé les RSF de s’appuyer sur des mercenaires étrangers venus notamment de Colombie. Une affirmation confirmée partiellement par le président colombien Gustavo Petro, qui a dénoncé la participation de combattants recrutés par des réseaux mafieux internationaux : « Nous ne voulons pas être complices du génocide au Soudan », a-t-il déclaré.
Le pape Léon XIV, profondément touché par la tragédie, a publié le 2 novembre un message sur son compte officiel :
« Je suis avec une grande douleur les tragiques nouvelles qui arrivent du Soudan. La violence indiscriminée contre les femmes et les enfants, les attaques contre les civils sans défense et les graves obstacles à l’action humanitaire causent une souffrance inacceptable. Prions ensemble pour que le Seigneur accueille les défunts, soutienne ceux qui souffrent et touche le cœur des responsables. Je réitère mon appel aux parties impliquées afin qu’elles décrètent un cessez-le-feu et ouvrent d’urgence des couloirs humanitaires. J’invite la communauté internationale à intervenir avec détermination et générosité. »
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Ce message, largement relayé, résume la gravité de la situation et l’urgence d’une mobilisation internationale. Dans son homélie du lendemain, le Saint-Père a ajouté : « Que la communauté internationale ne détourne pas les yeux du Soudan. Que cessent les armes, que la vie soit respectée et que chaque réfugié trouve un abri sûr. »
Le pape Léon XIV a exhorté les fidèles à prier pour les victimes et pour les missionnaires encore présents dans le pays, notamment les Comboniens, qui poursuivent leurs initiatives de solidarité malgré le danger. Leur récente création d’un projet pour les personnes malentendantes à Khartoum témoigne d’une Église vivante, proche des plus vulnérables, au cœur du chaos.Les mots de l’archevêque catholique de Khartoum résument le sentiment général : « Ce n’est pas seulement une guerre politique, c’est une guerre contre l’espérance. » L’Église au Soudan, bien que minuscule, continue de servir dans les hôpitaux de fortune et d’accueillir des familles déplacées, sans distinction d’origine ou de religion.
Pendant que les grandes puissances débattent du concept de génocide et de l’équilibre géopolitique, des milliers d’enfants, de mères et de vieillards sont toujours pris au piège d’El-Fasher. La guerre civile soudanaise, commencée en avril 2023, a déjà provoqué plus de dix millions de déplacés.Le drame du Darfour rappelle une fois encore que la souffrance humaine ne connaît pas de frontières. Dans cette tragédie, l’appel du pape Léon XIV résonne comme une exhortation à la conscience : ne pas détourner le regard, et prier pour que la justice et la paix s’embrassent enfin sur cette terre déchirée.


