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TRIBUNE LIBRE : « Hans Joas* et Pourquoi l’Église  » : la sociologie ne peut remplacer la théologie

Vatican - DR
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Certains de nos lecteurs, attentifs aux différents courants de l’Église et soucieux de discerner les enjeux qui s’y affrontent, nous interrogent régulièrement, nous leur donnons ici la parole

de Léon Liogober (pseudonyme)

« Le sociologue allemand Hans Joas réfléchit aux raisons d’être de l’Église et à sa place dans le monde contemporain, en observateur averti et en catholique engagé », écrit La Croix en guise de présentation. Faut-il sourire ou s’inquiéter ? Depuis quand l’Église aurait-elle besoin d’un sociologue pour redécouvrir ses raisons d’être ? Le Christ lui-même les a données une fois pour toutes : « Allez, enseignez toutes les nations, baptisez-les… » (Mt 28,19). Qu’un universitaire de Berlin se propose d’éclairer ce qui aurait échappé à vingt siècles de saints, de martyrs et de papes est pour le moins cocasse.

Hans Joas interroge l’institution non comme mystère de foi, mais comme objet d’analyse. L’Église devient sous sa plume un espace de débats et de compromis, une « agence morale » au service du vivre-ensemble. Mais réduire l’Église à une fonction sociale, c’est l’appauvrir jusqu’à l’absurde. Elle n’est pas une ONG, mais le Corps mystique du Christ, sacrement de salut pour le monde.L’auteur invite à revenir à « l’essentiel » et à trouver une « nouvelle langue » pour le message chrétien. Belle formule, mais qui définit cet essentiel ? Dans la pratique, cela revient souvent à réduire la foi à un noyau minimal compatible avec la modernité : quelques valeurs de tolérance et d’amour, débarrassées des dogmes qui dérangent. Or, comme l’a rappelé le cardinal Sarah, c’est justement l’oubli du sacré et la banalisation de la foi qui conduisent à l’effondrement spirituel, non leur proclamation fidèle.

Le contraste est saisissant avec le discours de Benoît XVI à Fribourg, le 25 septembre 2011. Le pape y appelait à une « démondanisation » : cesser de vouloir se conformer aux structures de pouvoir et aux logiques mondaines, pour revenir à la radicalité de l’Évangile. Selon lui, l’Église ne doit pas chercher sa pertinence dans ses compromis avec la société, mais dans sa fidélité au Christ. Une Église qui s’adapte à tout finit par se dissoudre.On feint d’oublier que l’Église ne s’explique pas d’abord par son utilité sociale ou son rôle culturel, mais par sa mission reçue du Christ. Elle n’existe pas pour accompagner les mutations de la modernité, mais pour conduire les âmes au salut. C’est pourquoi réduire son rôle à celui d’un acteur moral ou d’un laboratoire de compromis revient à trahir sa vocation profonde : être le signe visible de la grâce de Dieu dans un monde qui, qu’il l’accepte ou non, a besoin de conversion.

Hans Joas espère ainsi dépasser les polarisations et ouvrir la voie à de nouvelles transformations institutionnelles. Mais ce diagnostic reste superficiel. L’Église ne souffre pas d’un problème de structures, mais d’une perte de foi. Elle n’a pas besoin d’être repensée par les sciences sociales, mais de retrouver le silence, l’adoration et la beauté de sa liturgie, comme le rappellent inlassablement les grands pasteurs fidèles à la Doctrine.

Au fond, le livre de Hans Joas illustre l’illusion récurrente de certains milieux intellectuels : croire que l’Église survivra en se justifiant devant la modernité. C’est exactement le contraire qui est vrai : elle ne sera féconde qu’en annonçant avec clarté et courage ce que le monde ne veut pas entendre. Comme le disait Benoît XVI à Fribourg, l’Église ne doit pas « se conformer à ce monde », mais se purifier de ses mondanités pour mieux rayonner du Christ.La conclusion s’impose : qu’un sociologue « observateur averti » vienne proposer ses « raisons d’être » à l’Église, voilà qui interroge. Mais pour les fidèles de la doctrine catholique, la seule question demeure : l’Église doit-elle chercher à se réinventer ou à rester fidèle à Celui qui l’a fondée ? »

*Hans Joas est un sociologue et philosophe allemand, né en 1948, professeur émérite à Berlin et à Chicago. Intellectuel catholique engagé, il s’est illustré par ses travaux sur le sacré, les valeurs et l’universalisme moral. Présent dans le chemin synodal allemand, il s’efforce de repenser la place de l’Église dans le monde moderne, mais toujours avec une approche de sociologue qui tend à relativiser la dimension proprement théologique et surnaturelle de l’institution.

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