Trois religieuses âgées, arrachées à leur couvent et placées en maison de retraite contre leur gré, ont repris leur liberté pour revenir dans leur ancien monastère de Schloss Goldenstein, près de Salzbourg. Leur geste illustre la confrontation entre la logique institutionnelle des soins et la fidélité à une vie communautaire enracinée dans la vocation religieuse.Les sœurs Bernadette (88 ans), Regina (86 ans) et Rita (81 ans), appartenant à la communauté des Augustiner-Chorfrauen d’Elsbethen, ont consacré toute leur vie à la prière, à l’enseignement et au service. En 2023, après plusieurs hospitalisations, elles furent transférées dans une résidence médicalisée, bien que le diocèse de Salzbourg et le Stift Reichersberg leur aient garanti un droit d’habitation « aussi longtemps que leur état de santé et de discernement le permettrait ».
Leur communauté ayant été officiellement dissoute en 2024, le couvent était désormais administré par d’autres institutions ecclésiales. Mais les trois religieuses n’ont jamais accepté l’arrachement à leur maison spirituelle. Soutenues par d’anciennes élèves, elles ont regagné leur couvent il y a quelques jours, allant jusqu’à faire appel à un serrurier pour entrer de nouveau dans leur cloître.Leur témoignage, relayé par la BBC et par la presse autrichienne, a profondément touché les consciences. « Avant de mourir dans cette maison de retraite, je préférerais aller dans un pré et entrer dans l’éternité de cette façon », a déclaré l’une d’elles. « J’ai été obéissante toute ma vie, mais là, c’était trop. » Ces paroles résument le dilemme d’aînés que l’on voudrait contraindre à vivre selon les règles d’une institution, et qui revendiquent la liberté de demeurer fidèles à leur vocation et à leur communauté.
À leur retour, les conditions matérielles étaient difficiles : eau et électricité coupées, cuisine improvisée, absence de sanitaires adaptés. Peu à peu, avec l’aide de fidèles et d’anciennes élèves, les besoins élémentaires ont été rétablis. Un médecin est venu leur rendre visite et des pourparlers sont en cours avec un service de soins à domicile pour les accompagner.
« Quand il s’agit de la messe, il y a toujours un chemin. Le Bon Dieu nous a donné encore assez de force », ont-elles écrit sur Instagram, où elles documentent désormais leur quotidien sous le hashtag #nunsontherun.
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Cette décision audacieuse ne fait pas l’unanimité. Le chanoine Markus Grasl, responsable du Stift Reichersberg, a déclaré : « Il m’est totalement incompréhensible que les sœurs aient quitté ad hoc la résidence dirigée par l’Église. Elles y recevaient une prise en charge médicale nécessaire, professionnelle et de qualité. » De son côté, le Stift a indiqué qu’aucun investissement ne serait consenti pour améliorer le couvent, les religieuses ayant déjà « un domicile assuré ».Au-delà des tensions administratives, l’histoire des sœurs Bernadette, Regina et Rita résonne comme un signe fort : celui d’un âge avancé qui refuse d’être enfermé dans une logique d’abandon. « On ne transplante pas un vieil arbre », dit un proverbe autrichien. Leur geste incarne précisément cela : demeurer enracinées dans le sol de leur vocation, au sein de leur cloître, plutôt que d’accepter une solution dictée par la commodité institutionnelle.
Dans une société qui cherche de nouveaux modèles pour accompagner le grand âge, ces trois religieuses rappellent que la dignité humaine ne peut se réduire à des soins médicaux impersonnels. Leur communauté, fragilisée mais vivante, demeure leur véritable maison, et leur témoignage est déjà suivi par des milliers de personnes.


