Un monument à la gloire des Hells Angels met le diocèse de Saint-Jean–Longueuil dans l’embarras. Selon La Presse, l’imposante stèle arbore une tête de mort ailée et le nom du club de motards criminels, « HELLS ANGELS MC SOUTH ». Le monument trône désormais à l’entrée du cimetière catholique de Saint-Basile-le-Grand, à quelques mètres de l’église paroissiale.Des membres de la communauté paroissiale affirment que le projet a suscité de vives oppositions internes. Plusieurs bénévoles auraient même menacé de démissionner en signe de protestation. Malgré ces réserves, la décision d’autoriser le monument aurait été validée à un échelon supérieur de la hiérarchie diocésaine, au-delà du curé local, l’abbé Frédéric Bakala. Le diocèse, dirigé par Monseigneur Claude Hamelin, a confirmé que le règlement du cimetière permet de retirer tout monument ne respectant pas « le rite catholique romain » ou « le caractère spécifique des lieux ».Pour plusieurs familles marquées par la violence des Hells Angels, cette installation représente une véritable profanation morale. « C’est encore rire des victimes », dénonce Michèle Bessette-Laforest, dont le fils Francis a été tué il y a 25 ans après avoir tenu tête à des trafiquants liés aux Hells. « Qu’ils achètent donc un terrain pour les victimes innocentes qu’ils ont tuées », ajoute-t-elle avec indignation.
L’histoire criminelle des Hells Angels au Québec est pourtant lourde et sanglante. Entre 1994 et 2002, la province a été le théâtre de la guerre des motards, un conflit opposant les Hells Angels à d’autres clubs comme les Rock Machine. Cette guerre, menée pour le contrôle du trafic de stupéfiants, a fait plus de 150 morts, dont plusieurs victimes innocentes, et causé près de 200 tentatives de meurtre. Le jeune Daniel Desrochers, 11 ans, a perdu la vie en 1995 dans l’explosion d’une voiture piégée à Montréal. L’arrestation du chef des Hells, Maurice « Mom » Boucher, en 1997, et les grandes opérations policières Printemps 2001 et SharQc ont ensuite ébranlé l’organisation, sans jamais la faire disparaître. Ce passé criminel, profondément ancré dans la mémoire collective, rend d’autant plus choquante la présence d’un monument honorant ce groupe sur un sol consacré.
Comment un groupe criminel dont l’emblème évoque la rébellion et la mort peut-il être honoré au cœur d’un lieu consacré à la paix des âmes ? L’image même du monument – tête de mort ailée, mention « South » – contredit le sens chrétien de la sépulture, qui exprime l’espérance en la résurrection et le pardon.
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Si l’Église est appelée à accueillir tout pécheur repentant, elle ne peut en revanche bénir les symboles du mal. Comme le rappelait le pape François en 2014 : « Ceux qui, dans leur vie, suivent cette voie du mal, comme les mafieux, ne sont pas en communion avec Dieu : ils sont excommuniés. » Mais nos cousins québécois n’en sont plus à une contradiction près, dans un pays où les églises se vendent à tour de bras, où l’euthanasie est devenue une formalité, et où les repères spirituels s’effacent au rythme d’une sécularisation galopante le cas de Saint-Basile-le-Grand met en lumière une tension ancienne : faut-il accueillir sans distinction tous les défunts, ou préserver la cohérence spirituelle des lieux saints ?
La miséricorde n’implique pas la confusion. Pardonner n’est pas approuver, et offrir des funérailles chrétiennes n’autorise pas à afficher les symboles du crime au cœur d’un cimetière catholique. Dans cette affaire, la question dépasse le simple monument : elle interpelle la conscience même de l’Église, appelée à proclamer la vérité tout en tendant la main aux pécheurs.


