À la veille du conclave, le nom du cardinal Prevost circule de plus en plus parmi les favoris pour succéder au pape François. Âgé de 69 ans, le cardinal américain, préfet du Dicastère pour les évêques, séduit par son parcours entre l’Amérique du Nord et l’Amérique latine. Sa connaissance des réalités ecclésiales du Sud global, combinée à une méthode de gouvernement occidentale, attire une partie de l’électorat cardinalice. Mais cette ascension fulgurante s’accompagne d’un lourd bagage.
Deux soutiens majeurs militeraient pour son élection : le cardinal Christophe Pierre, nonce apostolique aux États-Unis, et le cardinal Oscar Maradiaga, ancien conseiller influent du pape François. Le cardinal Maradiaga, artisan discret de l’élection de 2013, serait aussi à l’origine de la promotion du cardinal Blase Cupich, figure controversée du progressisme américain. Ce soutien en dit long sur l’orientation que pourrait prendre un pontificat du cardinal Prevost.
Mais au moment même où ces réseaux activent leurs leviers, des voix s’élèvent avec gravité. Trois religieuses du diocèse de Chiclayo, au Pérou,diocèse dirigé par le cardinal Prevost jusqu’à son retour à Rome,l’accusent d’avoir ignoré leurs signalements d’abus sexuels commis par un prêtre. Elles affirment avoir alerté le cardinal en 2022. Selon elles, non seulement il n’aurait jamais lancé d’enquête canonique sérieuse, mais les documents transmis à Rome auraient été volontairement incomplets afin d’empêcher toute procédure.
Le diocèse, de son côté, affirme que le cardinal Prevost avait rencontré les jeunes femmes, qu’il les avait invitées à se tourner vers la justice civile, et qu’une enquête préliminaire avait été ouverte. Cette version est formellement contestée par les plaignantes, qui assurent n’avoir jamais été contactées par un enquêteur, ni avoir vu le moindre décret officiel lançant une procédure canonique. Elles affirment également n’avoir reçu aucun soutien psychologique, et soulignent une contradiction dans la version du diocèse : selon elles, la justice péruvienne n’a jamais évoqué un manque de preuves, mais s’est contentée de classer l’affaire pour cause de prescription. L’une des plaignantes affirme même que le prêtre incriminé aurait avoué les faits directement au cardinal Prevost.
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Une autre affaire entache le passé du cardinal Prevost, cette fois à Chicago. En 2000, alors supérieur provincial des Augustins, il autorise le père James Ray,un prêtre accusé d’avoir abusé sexuellement de plusieurs garçons,à s’installer dans un couvent situé à quelques mètres d’une école catholique. Le père Ray, déjà restreint dans son ministère depuis 1991, avait pourtant admis avoir fait dormir un garçon dans son lit et s’être livré à des gestes déplacés. Malgré cela, avec l’approbation du cardinal Prevost, il emménage dans le couvent Saint John Stone, tout proche de l’école primaire Saint Thomas the Apostle.
Ni les responsables de l’établissement scolaire, ni les fidèles de la paroisse n’ont été informés de la présence de ce prêtre accusé d’abus. Aucun avertissement, aucun encadrement clair. Une négligence lourde de conséquences. À ce jour, le cardinal Prevost n’a exprimé ni regret ni explication sur cette décision, pourtant cruciale. Sur l’affaire péruvienne, il s’est contenté de renvoyer aux déclarations officielles du diocèse.
À Rome, les défenseurs des victimes exhortent les cardinaux à élire un pape irréprochable, capable de briser la culture du silence. Le cardinal Prevost est-il cet homme ? Peut-on espérer une réforme sérieuse contre les abus avec un pontificat placé sous le sceau du doute et du soupçon ?
Certains membres du Collège des cardinaux estiment qu’en 2025, aucun évêque n’échappe aux critiques sur sa gestion passée. D’autres soupçonnent une instrumentalisation idéologique. Mais les associations de victimes refusent d’entrer dans ce jeu. Elles ne réclament ni revanche ni calcul, seulement un homme de vérité.
Après des années où la figure du pape François a été entachée par des accusations de protection d’amis compromis, la question de l’intégrité devient centrale. Le prochain pape devra rendre des comptes au monde entier, non seulement pour ce qu’il fera, mais aussi pour ce qu’il aura laissé faire.