La ville de Lens assiste impuissante à la disparition progressive de ses églises. Après la mise en vente de l’église Saint-Édouard, située dans le quartier du 12/14, c’est désormais l’qui pourrait être vendue. Deux églises emblématiques d’un passé chrétien, aujourd’hui considérées comme de simples biens immobiliers par ceux qui devraient en être les garants.Une situation dramatique pour un diocèse qui a été l’un des bastions historiques du catholicisme en France.
Saint-Édouard, une maison de Dieu bradée sur Le bon coin
Un simple clic sur Leboncoin, et voilà l’annonce : « Laissez libre cours à votre imagination pour ce bien très rare à la vente ». Ainsi est décrite l’église Saint-Édouard, désormais proposée pour 362 500 euros comme une banale « maison à vendre ». L’agence Chez Toit Immo, chargée de la transaction, ose même vanter les multiples possibilités offertes par ce bâtiment de 539 m². Un édifice consacré pendant des décennies, où résonnaient les prières et s’élevaient les chants liturgiques, relégué au rang d’un vulgaire bien immobilier.
La mise en vente a provoqué un choc parmi les fidèles et les habitants. L’abbé Jean-Marie Rauwel, curé de la paroisse concernée, n’a pas caché son malaise : « C’est un peu choquant. Les gens se disent : “Ils n’ont pas fait ça quand même ?!” ». Mais si, ils l’ont fait.
Le diocèse d’Arras, sous prétexte d’un manque de moyens, a préféré se séparer de ce lieu saint plutôt que de chercher des solutions alternatives. Loin d’être un cas isolé, cette vente rappelle celles qui ont déjà eu lieu ailleurs en France et plus encore au Canada, où des églises ont été transformées en restaurants, salles de sport, voire en clubs de strip-tease. Devons-nous suivre cette trajectoire ?
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Le sort de Saint-Wulgan-Notre-Dame-des-Mines, connue sous le nom de « l’église ronde » en raison de son architecture particulière, semble scellé. Située route de Lille, elle est fermée au public depuis plusieurs années et son processus de vente est déjà engagé, selon le diocèse.
Cette église est pourtant un symbole fort de l’histoire ouvrière et chrétienne de Lens. Construite pour les mineurs de la cité 2, elle abrite les statues de Saint Wulgan et Notre-Dame des Mines, qui protégeaient autrefois les travailleurs du sous-sol. Une mémoire sacrée, un ancrage spirituel, aujourd’hui balayés sans la moindre hésitation.
Un diocèse à la recherche de solutions
Le diocèse d’Arras, qui a joué un rôle clé dans l’histoire chrétienne du nord de la France, est confronté à des défis majeurs. Érigé au VIᵉ siècle sous l’impulsion de saint Vaast et intégré depuis 1801 au département du Pas-de-Calais, il a longtemps été un bastion du catholicisme dans l’Artois.Aujourd’hui, face à la diminution du nombre de fidèles et des moyens financiers, Monseigneur Olivier Leborgne, évêque d’Arras depuis 2020, a engagé une réflexion de fond sur la réorganisation de son diocèse. Il a récemment annoncé un grand projet pour 2026, visant à repenser le mode de présence de l’Église sur le territoire.
L’un des constats posés est la diminution du nombre de prêtres : alors qu’ils étaient 1 100 en 1971, ils ne sont plus que 140 aujourd’hui, dont seulement 70 ont moins de 75 ans. Monseigneur Leborgne a ainsi déclaré qu’il ne pouvait pas continuer à organiser les paroisses comme dans les années 1970 et qu’une nouvelle approche était nécessaire.
Dans ce contexte, il envisage de s’appuyer davantage sur des laïcs engagés pour assurer une présence chrétienne au sein des communautés locales. Il défend ainsi l’idée de fraternités chrétiennes, où des petits groupes de fidèles se réuniraient autour de la prière et de la lecture biblique, indépendamment de la présence d’un prêtre.
Une ouverture bienvenue à la Communauté Saint-Martin
Par ailleurs, Monseigneur Leborgne n’exclut pas de faire appel aux prêtres issus de la Communauté Saint-Martin, dont l’apport dans d’autres diocèses a déjà été significatif. Cette ouverture est une piste encourageante, dans la mesure où cette communauté, attachée à la liturgie et à un ancrage paroissial fort, a su répondre aux besoins pastoraux là où les vocations locales se faisaient rares.
Si cette option venait à se concrétiser, cela pourrait permettre de préserver certaines paroisses menacées de disparition et de maintenir une vie sacramentelle dans des lieux qui risqueraient autrement de devenir de simples espaces culturels ou désaffectés.
D’un côté, la préservation du patrimoine religieux reste un enjeu essentiel : ces édifices ne sont pas de simples bâtiments, mais des témoins de la foi et de l’histoire chrétienne de la région. De l’autre, la diminution du nombre de prêtres et les restrictions budgétaires imposent des choix difficiles.
Monseigneur Leborgne semble chercher un équilibre entre la gestion d’un diocèse en mutation et la nécessité de garder une Église vivante. Si certaines églises ne peuvent être sauvées, la question demeure : combien d’autres suivront ? Et surtout, quelle place l’Église pourra-t-elle encore occuper dans le paysage religieux et culturel du nord de la France ?