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Pourquoi le Pape François refuse t-il de nommer des cardinaux pour Paris et Lyon ?

Cathédrale Notre Dame de Paris et Notre-Dame de Fourvière à Lyon - DR
Cathédrale Notre Dame de Paris et Notre-Dame de Fourvière à Lyon - DR
L’Église en France, à travers des villes historiques comme Paris et Lyon, mérite de maintenir son rayonnement et son influence, non seulement en matière de spiritualité mais aussi dans les débats sociétaux.

Dans l’histoire de l’Église catholique, les villes de Paris et Lyon ont toujours occupé une place stratégique. Ces deux grandes cités ont été le siège de cardinaux influents, porteurs d’une autorité spirituelle qui a transcendé les frontières de la France. Toutefois, à l’heure actuelle, une réflexion s’impose sur la volonté du Pape François de privilégier les périphéries, notamment dans le cadre des nominations cardinalices. Si l’Église semble se tourner de plus en plus vers les périphéries du monde, il convient de se demander si cette dynamique ne se fait pas au détriment de deux villes essentielles pour la France, Paris et Lyon qui à ce jour n’ont pas de cardinal désigné.

Paris et Lyon : des sièges historiques de la cardinalité

Paris et Lyon ont été les foyers de cardinaux de grande importance. À Paris, le cardinal Jean-Baptiste de Belloy, élu en 1802, a marqué le début d’une longue tradition d’archidiocèses parisiens reconnus au niveau mondial. Il a été suivi de noms prestigieux comme Mgr Jean-Sifrein Maury, Mgr Alexandre Angélique de Talleyrand-Périgord, Mgr Hyacinthe-Louis de Quélen et Mgr Denys Affre, ce dernier tragiquement tué lors des émeutes de 1848 alors qu’il tentait de pacifier les insurgés. Ce dernier a été remplacé par des cardinaux tels que Mgr Marie-Dominique-Auguste Sibour, Mgr François Morlot, Mgr Georges Darboy, et bien d’autres, chacun jouant un rôle clé dans la défense de la foi et de la paix sociale à travers des périodes tumultueuses.

Au XXe siècle, des cardinaux comme Monseigneur Jean-Marie Lustiger, Mgr André Vingt-Trois et Mgr Michel Aupetit ont continué de porter haut la voix de l’Église de Paris, chacun à leur manière. Jean-Marie Lustiger, nommé cardinal en 1983, a marqué son époque par son parcours exceptionnel : né juif et devenu catholique, il a incarné une Église ouverte au dialogue interreligieux tout en restant fidèle à une doctrine catholique solide. Son influence a largement dépassé les frontières de Paris, faisant de lui une figure incontournable du catholicisme français. Ses successeurs, André Vingt-Trois et Michel Aupetit, ont poursuivi son œuvre en confrontant l’Église aux défis contemporains, tout en mettant l’accent sur la défense des valeurs chrétiennes dans une société de plus en plus laïque et sécularisée.

À Lyon, la tradition cardinalice est tout aussi marquante. Des figures comme le cardinal Joseph Fesch (1802-1839), oncle de Napoléon Bonaparte, ont occupé une position stratégique dans l’Église au début du XIXe siècle. Il a joué un rôle majeur dans les relations entre l’Église et l’Empire français, notamment pendant l’occupation de Rome et la présence de Napoléon en Italie. Son influence ne se limitait pas à Lyon mais s’étendait bien au-delà, avec un rôle essentiel dans la politique de l’Église en Europe.

Le cardinal Pierre Gerlier (1937-1965), quant à lui, a marqué son époque par son engagement pendant la Seconde Guerre mondiale, où il a pris une position courageuse contre le régime de Vichy et l’occupation nazie. Son héritage demeure un symbole de résistance spirituelle dans une époque de crise.

Le cardinal Albert Decourtray (1981-1994) a également été une figure majeure, cherchant à adapter l’Église de Lyon aux défis du monde moderne tout en préservant les valeurs traditionnelles du catholicisme. Son engagement dans la société et sa volonté de renouveler la pastorale ont été déterminants dans l’archidiocèse lyonnais.

Enfin, le cardinal Philippe Barbarin (2002-2020), bien que sa gestion ait été marquée par des controverses, a également eu un impact profond sur l’Église de Lyon et la France en général. Son engagement pour la défense des valeurs chrétiennes, en particulier face aux questions sociales et éthiques contemporaines, a renforcé la place de Lyon au sein de l’Église catholique.

Le Pape François privilégie-t-il trop les périphéries ?

Dans le contexte de l’Église contemporaine, le Pape François a mis en avant l’idée de privilégier les périphéries, tant géographiques que sociales. L’intention est de tourner davantage l’attention de l’Église vers les régions oubliées ou marginalisées, qu’elles soient dans le monde entier ou au sein de l’Europe elle-même. Ce principe trouve sa concrétisation dans les nominations cardinalices, où l’on observe une volonté de donner plus de voix et de pouvoir à des diocèses moins traditionnels ou moins influents sur le plan politique et social.

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Cependant, cette volonté d’ouvrir l’Église vers les périphéries ne doit pas faire oublier l’importance stratégique de villes comme Paris et Lyon. Ces deux métropoles ont une dimension spirituelle et historique indiscutable. Paris, par son rayonnement culturel et religieux, et Lyon, souvent considérée comme le berceau du christianisme en Gaule, ont une influence majeure dans la vie de l’Église en France, mais aussi dans le monde entier.

Les cardinaux parisiens et lyonnais ont joué des rôles essentiels dans la définition du christianisme en Europe, dans les débats théologiques, et dans les relations interreligieuses. Leur présence est une garantie de stabilité et de continuité pour la France, un pays où l’Église catholique a toujours joué un rôle primordial. Les cardinaux de ces deux villes symbolisent non seulement une dimension spirituelle locale mais aussi un pouvoir influent sur le plan national et international.

L’importance de maintenir des cardinaux à Paris et Lyon

Dans cette perspective, il est crucial de se rappeler pourquoi il est important que ces villes continuent d’avoir des cardinaux. Tout d’abord, cela renforce l’ancrage spirituel et théologique de la France dans l’Église universelle. Paris et Lyon, en raison de leur histoire chrétienne et de leur poids culturel, ne peuvent se permettre d’être reléguées au second plan dans le cadre des nominations cardinalices. Ces villes sont des centres de réflexion, d’évangélisation et de dialogue interreligieux, et leur rôle de « ponts » entre l’Église catholique et la société laïque est primordial.

Ensuite, les cardinaux de Paris et Lyon, en tant que figures emblématiques, permettent à l’Église de maintenir son influence morale et religieuse dans les débats nationaux. Alors que l’Église catholique en France fait face à des défis, notamment en matière de laïcité et de sécularisation, la présence de cardinaux dans ces grandes villes reste un symbole fort de l’engagement de l’Église dans la vie publique.

Si la priorité donnée aux périphéries est indéniablement une démarche louable et en phase avec l’esprit du Pape François, il reste essentiel de trouver un équilibre. L’Église en France, à travers des villes historiques comme Paris et Lyon, mérite de maintenir son rayonnement et son influence, non seulement en matière de spiritualité mais aussi dans les débats sociétaux. Ces deux métropoles ont nourri l’Église de France pendant des siècles, et leur rôle reste crucial pour l’avenir de l’Église dans un monde en mutation.

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