Dans une interview accordée à la presse italienne le 5 février, l’ambassadeur de la République islamique d’Iran auprès du Saint-Siège, Mohammad Hossein Mokhtari, a exprimé la volonté de son pays d’accueillir le Pape François à Téhéran.Dans cet entretien, l’ambassadeur a souligné l’importance du dialogue interreligieux dans la lutte contre l’intégrisme religieux. Il a abordé plusieurs sujets sensibles, notamment les relations entre l’Iran et la papauté, les droits humains, et la situation des femmes dans son pays.
L’ambassadeur iranien a notamment cité une phrase du Pape François :« Il y a une phrase du Pape François qui m’est chère. C’est celle où il rappelle que le dialogue entre les religions réduit les distances, favorise la compréhension mutuelle et permet de vaincre la haine. La République islamique l’apprécie beaucoup. » a affirmé l’ambassadeur Mokhtari et de rajouter « Non seulement pour la mission qui m’a été confiée depuis un an : celle d’ambassadeur de l’Iran auprès du Saint-Siège. Mais aussi parce qu’en tant que professeur et chercheur, je me suis toujours consacré à intensifier les relations entre chrétiens et musulmans. »
L’ambassadeur a également évoqué les relations historiques entre l’Iran et le Saint-Siège : « Déjà les rois perses avaient des contacts avec les Papes, » et a souligné que même après la révolution de 1979, « certains intégristes auraient voulu que les relations avec le Saint-Siège soient rompues » mais que l’ayatollah Khomeini s’y était opposé,: »Le guide suprême Khomeini s’est opposé. En fait, comme le m’a confié le premier ambassadeur de la République islamique, Sayyid Hadi Khosrowshahi, c’était le même Khomeini qui lui envoyait des messages à remettre au Saint-Père : ce étaient des messages de paix et d’invitation à la coexistence avec les chrétiens. »
L’ambassadeur a également fait référence aux récents efforts du Pape François pour renforcer les liens avec le monde musulman, citant le Document d’Abu Dhabi sur la fraternité humaine pour la paix mondiale. Il a salué la nomination récente de l’archevêque Dominique Mathieu de Téhéran-Ispahan comme cardinal, une démarche qui, selon Mokhtari, témoigne de l’engagement de l’Église pour renforcer le dialogue entre les cultures et les religions :« Je lui ai proposé une conférence de paix avec les leaders religieux du monde. Une rencontre qui contribuerait à prévenir les guerres. »
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Lorsqu’on lui a demandé si une visite papale à Téhéran était envisageable, l’ambassadeur a répondu que ce serait un honneur de recevoir le Pape en Iran, ajoutant que « Des deux côtés, il y a l’intention que la visite ait lieu. Bien sûr, avant cela, nous souhaiterions que le Cardinal Parolin puisse venir en Iran et l’occasion serait précisément le 70e anniversaire des relations diplomatiques avec le Saint-Siège. » et de rajouter « Le Pape François est une personne spéciale. Il est vu avec beaucoup de respect par le peuple iranien. Et c’est l’un des guides les plus importants qui porte le dialogue. Il le répète souvent. Et beaucoup de ses voyages ont cet objectif. »
Concernant la situation des chrétiens en Iran, l’ambassadeur a insisté sur le fait que les chrétiens sont une « minorité protégée » par la constitution iranienne : « Le peuple iranien est habitué à la coexistence entre les croyances. Les chrétiens font partie des trois minorités reconnues par la Constitution, avec les juifs et les zoroastriens, et ont des représentants au Parlement qui participent également aux discussions sensibles sur la sécurité nationale.Dans les églises, on peut célébrer la Messe sans problème. Même l’Évangile a été traduit en persan et les textes chrétiens font partie des études universitaires. Cependant, une chose est de faire connaître l’islam ou le christianisme ; une autre est de forcer une personne à se convertir. »
L’ambassadeur a également abordé la question de l’islam en Europe : « On réduit l’islam à de petits groupes violents qui interprètent le Coran sans aucune raison. Notre religion a une forte dimension miséricordieuse. »Enfin, l’ambassadeur a rejeté les accusations selon lesquelles l’Iran soutiendrait des conflits armées :« Nous n’avons jamais commencé une guerre, mais seulement défendu notre peuple. »
L’ambassadeur a conclu son entretien en soulignant que, malgré les tensions géopolitiques, l’Iran reste un pays « ouvert au dialogue » et que « La religion appelle toujours à la paix. Tous les prophètes sont venus pour condamner la violence. »
L’entretien de Mohammad Hossein Mokhtari, ambassadeur d’Iran auprès du Saint-Siège, met en avant une volonté apparente de son pays d’accueillir le Pape François à Téhéran et de favoriser le dialogue interreligieux. Cependant, cette volonté affichée contraste fortement avec la réalité sur le terrain. En effet, en 2024, les persécutions à l’encontre des chrétiens en Iran ont atteint des niveaux alarmants. 96 chrétiens ont été condamnés à un total de 263 ans de prison, une augmentation dramatique par rapport aux années précédentes. Cette répression, motivée par des accusations liées à la foi, a été accompagnée d’arrestations systématiques, notamment pendant les célébrations religieuses comme Noël, soulignant l’intensification de la politique de répression religieuse.
La stratégie iranienne va au-delà des emprisonnements et des arrestations, avec une surveillance accrue des finances des chrétiens et une politique de confiscation des biens. Ces actions ne sont pas seulement des mesures répressives, mais un véritable système visant à étouffer la communauté chrétienne et à l’empêcher de se développer.Ainsi, bien que l’Iran affiche son désir de promouvoir un dialogue pacifique et d’accueillir le Pape, il est essentiel de garder en perspective les actes réels du régime, qui continuent de persécuter et d’isoler sa propre population chrétienne.
La question demeure : ces belles intentions diplomatiques peuvent-elles réellement contribuer à un changement tangible dans la situation des chrétiens en Iran, ou s’agit-il simplement d’une façade pour apaiser la communauté internationale tout en poursuivant la répression à huis clos ?