Souvent éclipsé par d’autres figures plus connues du collège apostolique, saint Jude, également appelé Thaddée, se distingue pourtant par une question essentielle posée au Christ lors de la dernière Cène : « Seigneur, d’où vient que tu te manifestes à nous, et non pas au monde ? » (Jean 14,22). Une interrogation empreinte de simplicité et de profondeur, à laquelle Jésus répond, non par une explication rationnelle, mais par un appel à l’amour : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole » (Jean 14,23).
Disciple discret mais fidèle, Jude Thaddée, fils de Jacques, est traditionnellement associé à l’apôtre Simon le Zélote, avec qui il aurait évangélisé la Perse, jusqu’à y subir le martyre. La liturgie les unit dans une même célébration, chaque 28 octobre, et les place côte à côte dans la liste des Douze. Ce voisinage est aussi spirituel : tous deux portaient sans doute, dans leur jeunesse, les aspirations ardentes d’un peuple oppressé. Mais c’est en Jésus-Christ qu’ils découvrirent la vraie libération — celle du cœur par la charité divine.
Dans l’Épître qui porte son nom, saint Jude exhorte les fidèles à « combattre pour la foi » (Jude 1,3), dénonçant les erreurs tout en rappelant la miséricorde de Dieu. Ce court texte néotestamentaire, souvent délaissé, recèle une vigueur doctrinale et une invitation pressante à la vigilance spirituelle. Comme l’a souligné Benoît XVI dans sa catéchèse du 11 octobre 2006, ces deux apôtres méconnus sont en réalité des témoins lumineux de la fidélité dans l’ombre.La tradition voit en saint Jude un puissant intercesseur dans les causes désespérées. Mais il est surtout, à l’école de Bossuet, une figure de l’abandon confiant à la volonté divine. « Apprenons de ce saint apôtre Jude à demeurer en repos, non sur l’évidence d’une réponse précise, mais sur l’impénétrable hauteur d’une vérité cachée », écrit le grand évêque de Meaux. Là est peut-être la clé de la sainteté : croire sans voir, aimer sans comprendre, demeurer sans exiger.
En un temps où le monde cherche des signes visibles, saint Jude nous rappelle que le Christ se manifeste à ceux qui gardent sa parole. Pas dans le tumulte, mais dans le silence habité d’un cœur fidèle.
Avec nominis