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« Ils ont des oreilles et n’entendent pas »: l’avertissement gravissime du pape Léon XIV sur les ravages spirituels de l’intelligence artificielle

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Le pape a récemment dénoncé les ravages spirituels de l’intelligence artificielle, en particulier sur les jeunes générations. Un appel discret mais d’une urgence capitale

Lors de la Seconde Conférence annuelle sur l’intelligence artificielle, l’éthique et la gouvernance d’entreprise, tenue à Rome les 19 et 20 juin , le pape Léon XIV a livré un message de grande gravité. Dans un discours mesuré mais dense, le Souverain Pontife n’a pas seulement mis en garde contre les effets neurologiques ou cognitifs de l’IA sur les jeunes : il a pointé un danger plus profond, le dépérissement spirituel. Une famine de l’âme à l’ère de l’intelligence automatisée.

Dans un monde où les enfants « grandissent dans un univers saturé de données, mais parfois privé de sens », comme il l’écrit lui-même, le pape a rappelé une vérité fondamentale : « L’accès aux données ,aussi étendu soit-il, ne doit pas être confondu avec l’intelligence. » Et de souligner que « la sagesse authentique a davantage à voir avec la reconnaissance du véritable sens de la vie qu’avec la simple disponibilité des données. »

Léon XIV a volontairement évité les détails techniques, mais le silence même du Souverain Pontife sur les conséquences concrètes de l’IA laisse entrevoir l’ampleur du problème. L’IA ne se contente pas de fournir des informations : elle modèle l’esprit humain, en particulier celui des plus jeunes. Par des boucles de récompense numériques, des assistants conversationnels « amicaux » ou des algorithmes conçus pour maximiser le temps d’attention, les enfants sont façonnés par un système qui leur apprend à éviter l’effort, à fuir le silence, à refuser l’inconnu.

Or la foi, la réflexion, la vie intérieure exigent l’inverse : le silence, l’attente, la confrontation au mystère. Les enfants élevés par l’IA apprennent à consommer des réponses, mais pas à poser des questions. Ils deviennent « informés mais philosophiquement vides », capables de retrouver une information en ligne mais incapables d’en méditer le sens.

C’est cette dévitalisation intérieure que dénonce Léon XIV. L’IA,doit être intégrée dans un cadre éthique fondé sur le développement intégral de la personne humaine. Cela implique une formation intergénérationnelle, où les jeunes peuvent « intégrer la vérité dans leur vie morale et spirituelle », et où l’intelligence ne s’évalue pas à la quantité de données ingérées, mais à l’ouverture de l’âme à la vérité et au bien.

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Le message du pape est clair : la technologie n’est qu’un outil. Ce n’est pas elle qui est en cause, mais l’usage que l’homme en fait. Si l’IA peut parfois promouvoir la justice et l’égalité, elle peut aussi, dévoyée, « être utilisée pour fomenter des conflits et de l’agression ». Elle peut surtout alimenter l’illusion que l’homme est maître de tout, y compris de sa conscience.

Contre cette illusion, le pape Léon XIV rappelle l’essentiel : l’homme n’est pas un amas de données, mais un être en quête de sens. Et cette quête ne peut être guidée que par une intelligence éclairée par la sagesse, la patience, le sens du mystère,tout ce que l’IA, livrée à elle-même, tend à effacer.

Texte intégral du message du pape Léon XIV

« Message du Saint-Père aux participants à la Seconde Conférence annuelle sur l’intelligence artificielle, l’éthique et la gouvernance d’entreprise (Rome, 19-20 juin 2025)

« À l’occasion de cette Seconde Conférence annuelle de Rome sur l’intelligence artificielle, j’adresse mes vœux de prière les plus sincères à tous les participants. Votre présence témoigne de la nécessité urgente d’une réflexion sérieuse et d’un dialogue permanent sur la dimension éthique intrinsèque de l’IA, ainsi que sur sa gouvernance responsable. À cet égard, je me réjouis que la deuxième journée de la Conférence ait lieu au Palais apostolique, indication claire du désir de l’Église de participer à ces discussions qui touchent directement le présent et l’avenir de notre famille humaine.

Avec son potentiel extraordinaire pour le bien de l’humanité, le développement rapide de l’IA soulève aussi des questions profondes quant à l’usage approprié d’une telle technologie pour favoriser une société mondiale véritablement juste et humaine. En ce sens, bien qu’indéniablement fruit exceptionnel du génie humain, l’IA est « avant tout un outil » (Pape François, Discours au G7 sur l’intelligence artificielle, 14 juin 2024). Par définition, les outils renvoient à l’intelligence humaine qui les a conçus et tirent une grande part de leur portée éthique des intentions de ceux qui les utilisent. Dans certains cas, l’IA a été utilisée de manière positive, voire noble, pour promouvoir une plus grande égalité. Mais elle peut aussi être détournée à des fins égoïstes, voire utilisée pour fomenter des conflits et de l’agression.

L’Église souhaite, pour sa part, contribuer à un débat serein et éclairé sur ces questions pressantes, en insistant avant tout sur la nécessité d’évaluer les ramifications de l’IA à la lumière du « développement intégral de la personne humaine et de la société » (Note Antiqua et Nova, 6). Cela implique de prendre en compte le bien-être de la personne humaine non seulement sur le plan matériel, mais aussi intellectuel et spirituel ; il s’agit de sauvegarder la dignité inviolable de chaque personne et de respecter les richesses culturelles et spirituelles et la diversité des peuples du monde. En fin de compte, les bénéfices ou les risques de l’IA doivent être évalués selon ce critère éthique supérieur.

Hélas, comme l’a souligné feu le pape François, nos sociétés connaissent aujourd’hui une certaine « perte, ou du moins une éclipse, du sens de ce qui est humain », ce qui nous invite tous à réfléchir plus profondément sur la véritable nature et l’unicité de notre dignité humaine partagée (Discours au G7 sur l’intelligence artificielle, 14 juin 2024). L’IA, en particulier l’IA générative, a ouvert de nouveaux horizons à de nombreux niveaux — dans la recherche médicale, la découverte scientifique — mais elle soulève également des questions inquiétantes sur ses répercussions possibles sur l’ouverture de l’humanité à la vérité et à la beauté, ainsi que sur notre capacité singulière à comprendre et à appréhender la réalité. Reconnaître et respecter ce qui est proprement humain est essentiel pour toute discussion sur un cadre éthique adéquat de gouvernance de l’IA.

Nous sommes tous, j’en suis sûr, préoccupés par les enfants et les jeunes, et par les conséquences possibles de l’usage de l’IA sur leur développement intellectuel et neurologique. Nos jeunes doivent être aidés, et non entravés, dans leur chemin vers la maturité et la responsabilité véritable. Ils sont notre espérance pour l’avenir, et le bien-être de la société dépend de leur capacité à développer les dons et les capacités que Dieu leur a donnés, et à répondre aux exigences de leur temps et aux besoins des autres avec un esprit libre et généreux. Aucune génération auparavant n’a eu un accès aussi rapide à autant d’informations que celui qu’offre l’IA aujourd’hui. Mais là encore, l’accès aux données — aussi étendu soit-il — ne doit pas être confondu avec l’intelligence, qui « suppose une ouverture de la personne aux questions ultimes de l’existence et traduit une orientation vers le Vrai et le Bien » (Antiqua et Nova, n° 29). En fin de compte, la sagesse authentique a davantage à voir avec la reconnaissance du véritable sens de la vie qu’avec la simple disponibilité des données.

Dans cette optique, chers amis, je forme le vœu que vos délibérations prennent aussi en compte l’IA dans le contexte d’un nécessaire apprentissage intergénérationnel, qui permettra aux jeunes d’intégrer la vérité dans leur vie morale et spirituelle, informant ainsi leurs décisions mûries et ouvrant le chemin vers un monde de plus grande solidarité et unité (cf. ibid., 28). La tâche qui vous attend n’est pas facile, mais elle est d’une importance vitale. En vous remerciant pour vos efforts présents et à venir, j’invoque cordialement sur vous et sur vos familles les bénédictions divines de sagesse, de joie et de paix. »

Source : Vatican

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