Chaque mardi, ils affluent à Castel Gandolfo comme des groupies impatientes, ou plutôt comme ces paparazzis qui guettent la sortie d’une star. Appareils photo suspendus au cou, micros tendus, regards fébriles, ils attendent un mot, une phrase, un geste à transformer en scandale. Mais Léon XIV n’est pas une bête de scène. Il ne cherche ni l’effet médiatique ni la séduction des foules. Il parle en pasteur, non en tribun, et cette différence, la presse peine à l’accepter.Depuis plusieurs semaines, une partie des journalistes s’efforce de le piéger, de lui arracher une réaction sur la guerre, sur la diplomatie du Saint-Siège ou sur la politique américaine. Cette semaine encore, Léon XIV a opposé la fermeté calme qui est devenue sa marque : « Je préfère ne pas commenter les choix politiques [faits] aux États-Unis. Merci beaucoup. » Et quelques minutes plus tard, à une autre question tendancieuse : « Je n’ai aucune intention de commenter ces sujets. »
Ces phrases simples, polies mais implacables, ont eu l’effet d’un couperet. Le pape a rappelé que le Saint-Siège n’est pas un plateau de débat politique, mais un lieu où l’on prend de la hauteur sur des sujets fondamentaux, au-delà de la folle précipitation de l’homme moderne, toujours pressé et tourné vers lui-même. Il a, par la même occasion, remis les journalistes à leur juste place : celle de témoins, non de juges.On se souvient pourtant des maladresses et des approximations qui avaient émaillé les conférences de presse du défunt pape François, notamment dans l’avion qui le ramenait au Vatican après ses voyages apostoliques. Ses « petites phrases », souvent improvisées, alimentaient pendant des jours le microcosme catholique et au-delà, entre emballement médiatique et malentendus doctrinaux.
On sent bien que ce type d’exercice n’est pas celui que Léon XIV affectionne. Derrière son sourire mesuré, perce parfois un léger agacement devant la superficialité et le coté purement polémique de certaines questions. Pourtant, fidèle à son devoir d’écoute, il a accepté de répondre aux interrogations portant sur son pontificat, notamment sur son prochain voyage en Turquie et au Liban. Preuve qu’il ne fuit pas le dialogue, mais qu’il entend le conduire sur le terrain qui est le sien : celui de la foi, de la mission et de la responsabilité spirituelle. Léon XIV agit en pape, non en « personnalité politique improvisée ».
Léon XIV, lui, a retenu la leçon : la parole du pape doit rester sobre, claire et maîtrisée.
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Mais au lieu d’accueillir cette prudence comme un signe de sagesse, certains médias y voient un manque d’audace. Ils espéraient un mot pour titrer, une prise de position pour diviser. Ils ont trouvé un silence, et ce silence les irrite. C’est dans ce refus de se laisser happer par la logique du spectacle que réside la véritable autorité du pape.Et lorsque les journalistes ont tenté d’opposer Léon XIV à son secrétaire d’État, le cardinal Pietro Parolin, le pape a coupé court : « Le cardinal a très bien exprimé l’opinion du Saint-Siège. » Même ton, même fermeté que lors de sa mise au point récente à propos du cardinal Cupich. Chez Léon XIV, la communion n’est pas un discours ; c’est un acte.
Ainsi, dans le tumulte des micros et des flashes, le pape continue de donner une leçon magistrale de retenue. Il ne s’agit pas d’un refus de parler, mais d’un choix de vérité : celui d’un pasteur qui préfère le poids et la force du silence à la légèreté des formules.À Castel Gandolfo, la meute attendait un scoop ; elle a reçu une leçon de mesure. Léon XIV ne s’agite pas, ne se justifie pas, ne commente pas. Il gouverne, il discerne, il enseigne. Et dans un monde saturé de bruit, son refus de céder à la tentation médiatique résonne comme un signe de force : le pape n’est pas une bête de scène, mais un gardien du sens.