Une semaine après la canonisation de Carlo Acutis, célébrée le 7 septembre, et alors que l’Église a honoré les nouveaux martyrs du XXIe siècle dans une célébration solennelle à la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs, le témoignage d’Akash Bashir, jeune Pakistanais mort en 2015 en empêchant un attentat-suicide, refait surface avec une force particulière. Déclaré « serviteur de Dieu » en 2022 par le pape François, il est le premier Pakistanais officiellement engagé sur la voie de la sainteté. Son histoire interpelle : sommes-nous face à un autre saint Millennials, venu d’Asie cette fois-ci ?
Akash Bashir est né le 22 juin 1994 à Risalpur, dans le Khyber Pakhtunkhwa, avant de grandir à Lahore. Issu d’une famille catholique modeste, il suit une formation à l’institut technique Don Bosco de Lahore. Ancien élève salésien, il est marqué par la spiritualité de saint Jean Bosco et par une foi simple mais profonde. Ses proches se souviennent de lui comme d’un jeune obéissant, joyeux et disponible pour servir, avec une profonde dévotion à l’Eucharistie. Avant sa mort, il avait confié à un ami avoir rêvé qu’il mourrait « en servant les autres et en faisant le bien ».Le 15 mars 2015, alors qu’il servait comme volontaire à la sécurité de l’église Saint-Jean de Youhanabad, à Lahore, Akash remarque un homme suspect. Le terroriste portait une ceinture d’explosifs et cherchait à pénétrer dans l’église bondée d’environ 1 000 fidèles rassemblés pour la messe dominicale. Sans hésiter, Akash lui barre la route et prononce des mots restés célèbres : « Je mourrai, mais je ne vous laisserai pas entrer. »
Serrant le kamikaze contre lui pour l’empêcher de franchir la porte, il périt dans l’explosion qui fit plusieurs morts mais évita un massacre de grande ampleur. Son geste héroïque, fruit d’une foi ardente et d’un esprit de sacrifice, a immédiatement été reconnu comme un acte de martyre.
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Le 31 janvier 2022, le pape François a officiellement déclaré Akash Bashir « serviteur de Dieu ». Cette étape ouvre la voie à une éventuelle béatification et canonisation, selon le processus de l’Église. Pour la communauté chrétienne du Pakistan, persécutée mais fidèle, cette reconnaissance fut une source de joie et d’espérance. La tombe d’Akash, située à Lahore, est devenue un lieu de prière et de pèlerinage. Fait marquant, un musulman a offert du marbre pour sa sépulture, signe que son témoignage dépasse les frontières confessionnelles.Dans un entretien accordé à Indian Catholic Matters, le père Noble Lal, salésien et recteur de l’institut Don Bosco de Lahore, rappelle combien la spiritualité salésienne a façonné Akash. Pour lui, ce jeune homme incarne la fidélité, le courage et l’amour du prochain : « Sa foi n’était pas seulement une pratique dominicale, elle guidait toute sa vie. » Son sacrifice est perçu comme un exemple lumineux pour la jeunesse catholique asiatique. À l’image de Carlo Acutis en Europe, Akash Bashir devient le symbole d’une génération capable d’un témoignage radical de foi, parfois jusqu’au don de la vie.
Alors que le pape Léon XIV a parlé de l’« œcuménisme du sang » pour désigner l’unité des chrétiens dans la souffrance et le martyre, l’histoire d’Akash illustre cette réalité : au Pakistan, catholiques et protestants subissent ensemble la violence. Son geste héroïque résonne donc au-delà des frontières de l’Église catholique. Son exemple invite aussi à redécouvrir la force missionnaire de l’Église tournée vers le témoignage en terre de minorité. Dans ce sens, le martyre d’Akash est un appel à la fidélité, mais aussi à la paix et au dialogue au sein de sociétés marquées par la violence et le fanatisme islamiste.
La canonisation de Carlo Acutis a ouvert la voie à une nouvelle génération de figures saintes, jeunes, proches des réalités du monde moderne et pourtant radicalement enracinées dans le Christ. Akash Bashir, en donnant sa vie pour protéger ses frères, s’inscrit déjà dans cette lignée. S’il est un jour canonisé, il sera non seulement le premier saint pakistanais, mais aussi un signe puissant de l’universalité de l’Église et de la fécondité de la foi chrétienne en terre de persécution. En attendant, son souvenir reste vivant, et son nom figure déjà parmi ces témoins dont la jeunesse et la fidélité continuent d’éclairer le chemin des fidèles du XXIe siècle.