C’est un article de Jeune Afrique qui nous précise que l’évêque de Yagoua, Monseigneur Barthélemy Yaouda Hourgo, est devenu en quelques semaines une figure emblématique de la contestation au Cameroun. Son homélie du Nouvel An, dans laquelle il remet en question l’éventuelle candidature du président Paul Biya pour un nouveau mandat, a propulsé ce prélat jusque-là discret sous les projecteurs. Un positionnement courageux et risqué dans un pays où la critique du pouvoir en place peut entraîner de lourdes conséquences.
Un évêque engagé au service de la vérité
Né le 3 janvier 1964 à Mayo-Ouldémé, dans la région de l’Extrême-Nord du Cameroun, Monseigneur Barthélemy Yaouda Hourgo a grandi à Blablim, dans la paroisse Saint-Paul de Mora. Il intègre en 1989 le Grand Séminaire Saint-Augustin de Maroua pour sa formation sacerdotale et est ordonné prêtre le 8 novembre 1997 par Mgr Philippe Albert Joseph Stevens, alors évêque de Maroua-Mokolo.
Au sein du diocèse de Maroua-Mokolo, il exerce d’importantes responsabilités pastorales, occupant successivement les fonctions de curé des paroisses de Makoulahé, la Cathédrale de Maroua, Salak et Domayo-Maroua. Il devient ensuite vicaire général du diocèse et responsable diocésain des Œuvres Pontificales Missionnaires. Sa trajectoire ecclésiastique le mène ensuite à être désigné administrateur apostolique du diocèse de Yagoua en janvier 2007, avant d’être nommé évêque de Yagoua le 31 mai 2008 par le pape Benoît XVI. Il est consacré évêque le 1er octobre 2008 en présence du cardinal Robert Sarah.
Ce parcours pastoral, marqué par un engagement fort auprès des populations locales, prend un tournant plus politique lorsqu’il prononce, lors des célébrations du Nouvel An 2025, une homélie dénonçant le régime de Paul Biya. Il y exprime son opposition à une éventuelle candidature du président sortant, mettant en lumière les dérives du pouvoir et appelant à une véritable alternance démocratique.
Paul Biya : un règne sans fin ?
Président du Cameroun depuis le 6 novembre 1982, Paul Biya est aujourd’hui l’un des chefs d’État en exercice les plus anciens au monde, avec 42 ans de pouvoir ininterrompu. Né le 13 février 1933, il succède à Ahmadou Ahidjo après avoir été Premier ministre du pays. Son long règne est marqué par des accusations récurrentes de fraudes électorales, de corruption et de violations des droits humains.
Au fil des décennies, le multipartisme introduit en 1990 n’a pas affaibli son emprise sur le pays, les opposants politiques étant souvent réduits au silence ou marginalisés. Chaque élection présidentielle, la plus récente ayant eu lieu en 2018, est entachée de doutes sur sa transparence, et son maintien au pouvoir repose sur un contrôle strict des institutions.
L’élection présidentielle de 2025 s’annonce donc décisive. Elle devrait avoir lieu entre le 17 septembre et le 17 octobre 2025, conformément à la loi électorale camerounaise qui impose que le scrutin se tienne entre 20 et 50 jours avant l’expiration du mandat présidentiel en cours. Le président Paul Biya, qui aura alors 92 ans, n’a pas encore annoncé officiellement sa candidature, mais son entourage laisse entendre qu’il pourrait briguer un nouveau mandat, ce qui suscite une vive opposition dans le pays.
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L’Église catholique et la politique au Cameroun
Dans ce contexte, l’Église catholique, qui représente environ 40 % de la population camerounaise, joue un rôle fondamental dans la société. La Conférence épiscopale nationale du Cameroun s’est souvent exprimée sur les grandes questions nationales, notamment en faveur de la transparence électorale, des droits humains et de la justice sociale. Cependant, face à un régime autoritaire, les prises de position publiques des évêques restent prudentes, certains préférant éviter la confrontation avec le pouvoir.
L’engagement de Monseigneur Barthélemy Yaouda Hourgo tranche avec cette réserve. Son homélie critique envers Paul Biya le place en première ligne d’une opposition ecclésiastique rare, et son discours résonne fortement dans un pays où la parole dissidente est risquée.
Un prélat en première ligne face aux représailles ?
Pour l’instant, les autorités camerounaises n’ont pas officiellement réagi aux déclarations de Mgr Yaouda Hourgo. Cependant, à l’approche d’une élection présidentielle sous haute tension, sa prise de position pourrait entraîner des conséquences. Dans le passé, plusieurs personnalités critiques du régime ont été réprimées, contraintes à l’exil ou marginalisées.Reste à voir si l’évêque de Yagoua bénéficiera d’un soutien de la Conférence épiscopale ou s’il restera isolé face au pouvoir. Une chose est certaine : en défiant Paul Biya, il incarne l’esprit prophétique de l’Église, appelant à la justice et à la vérité.
À quelques mois du scrutin présidentiel, son intervention s’inscrit dans une période de forte incertitude politique, où l’Église catholique pourrait jouer un rôle déterminant.