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[ Affaire de l’Arche] Terribles révélations et nouveau rapport sur les abus sexuels

L’affaire Jean Vanier est un scandale lié à des révélations d’abus sexuels commis par le fondateur de la communauté L’Arche, Jean Vanier. L’enquête sur ces abus a commencé en 2015 avec une enquête canonique visant le père spirituel de Jean Vanier, le père Thomas Philippe, qui a été reconnu coupable d’abus sexuels sur des femmes adultes non handicapées.

En mai 2016, un témoignage d’une ancienne membre de la communauté a été transmis à L’Arche, accusant Jean Vanier d’abus. Ce dernier a reconnu une relation affective et sexuelle avec elle, mais a affirmé qu’il la considérait réciproque. Cependant, l’affaire en est restée là.

En mars 2019, juste avant la mort de Jean Vanier, un autre témoignage a décidé la communauté L’Arche à lancer une enquête indépendante confiée à un organisme britannique expert en conseil pour la protection contre les abus sexuels. En parallèle, un comité de surveillance a été mis en place pour évaluer la fiabilité du processus d’enquête. Les responsables de L’Arche ont également été reçus par la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église.

Il y a trois ans, en février 2020, une première révélation a choqué la société en découvrant que Jean Vanier, considéré comme un saint pour son travail en faveur des personnes handicapées, était au courant des agissements de son mentor, le dominicain Thomas Philippe, et les avait lui-même reproduits. Les premiers témoignages de femmes laissaient entendre que Vanier avait participé à des croyances et pratiques mystico-érotiques dès les années 1950, continuant en secret avec la bénédiction de Philippe.

Une nouvelle enquête publiée en janvier 2023 éclaire le rôle de l’ordre dominicain dans les dérives des frères Thomas et Marie-Dominique Philippe. Cette enquête a été lancée par L’Arche, trois ans après la révélation initiale des abus.

Les recherches commandées par l’ancien président de L’Arche France, Érik Pillet, ont été confiées à six experts externes à la communauté, provenant de différentes disciplines: les historiens Antoine Mourges et Florian Michel, la sociologue et anthropologue Claire Vincent-Mory, les psychiatres Bernard Granger et Nicole Jeammet, ainsi que la théologienne Gwennola Rimbaut. Au cours de deux années, ils se sont réunis chaque mois, en collaboration avec un conseil scientifique.

Ce 30 janvier, le fruit de leurs travaux, un rapport de 900 pages composé de sept parties, a été publié.

Ces deux rapports révèlent une histoire sidérante, qui se dégage comme étant celle d’une « secte cachée au cœur de l’Église » qui a perduré pendant près de 80 ans. Les experts relèvent « l’emprise, les abus sexuels, le délire collectif, la corruption théologique, le dévoiement spirituel, la manipulation, et les représentations incestueuses des relations entre Jésus et Marie ».

La publication de deux rapports par des commissions indépendantes a révélé l’existence d’une secte mystico-érotique au cœur de l’Église dirigée par Jean Vanier et les frères Philippe.

Les enquêtes, menées par L’Arche et les dominicains, révèlent des décennies d’abus sexuels et spirituels et une persistance de croyances et de pratiques sectaires. Les rapports décrivent une « secte cachée au cœur de l’Église » qui a duré près de 80 ans. Les experts décrivent le dossier comme « lourd » avec des accusations d’emprise, d’abus sexuels, de délire collectif, de corruption théologique et de manipulation.

Il est important de noter que les rapports ne fournissent pas toutes les réponses, mais ils ont suffisamment d’informations pour reconstituer un tableau précis de cette histoire invraisemblable. Les auteurs soulignent l’importance de comprendre le passé pour prévenir de tels abus dans le futur et de faire en sorte que les victimes reçoivent la justice et le soutien nécessaires.

L’origine de cette pratique mystique-érotique remonte-t-elle à 1938 ?

D’après la défense rédigée en 1956 par le père Thomas, elle aurait commencé avec une « nuit de noces » avec la Vierge Marie. En 1938, à l’âge de 33 ans, il prétend avoir reçu « des grâces très obscures » pendant la prière dans des églises à Rome, où il enseignait la théologie, en face d’un tableau de Mater Admirabilis à la Trinité-des-Monts. Ces grâces « impliquaient une emprise divine sur le corps située dans la région des organes sexuels… ».

Après avoir demandé conseil à son oncle et père spirituel, le dominicain Thomas Dehau, et s’être confié à la Vierge Marie, il aurait finalement succombé à ces grâces et aurait été « pris en tout son corps, toute la nuit, dans un recueillement et une intimité extrême avec Elle ». Il en aurait tiré « une nouvelle connaissance de Marie ». Des témoignages de religieuses décrivent que le père Thomas affirmait que les caresses avaient pour but de transsubstantier le corps de la femme en celui de Marie. Il considérait les échanges sexuels comme un sacrement, se présentant comme Jésus et demandant à sa « petite épouse » de lui obéir aveuglément sans utiliser son intelligence. L’historien Tangi Cavalin met en doute cette « révélation » de 1938, car le père Thomas ne l’a mentionnée qu’en 1956 lorsqu’il a été confronté à des enquêteurs, et il n’en a pas parlé dans aucune correspondance.

L’historien pense plutôt que le père Thomas aurait été initié avant la Seconde Guerre mondiale par une autre figure clé de l’affaire, Hélène Claeys-Bouuaert, une mystique flamande qui se présentait comme l’interprète des volontés de Dieu pour l’ordre dominicain. Ce qui inquiétait Rome, c’était la transmission de ces pratiques de génération en génération. Certains témoignages suggèrent que l’oncle du père Thomas et d’autres auraient également participé à ces activités. Les autorités religieuses ont finalement pris des mesures pour mettre fin à ces activités, mais elles ont continué en secret pendant plusieurs années.

L’affaire Jean Vanier est donc un scandale très complexe qui a impliqué des révélations successives d’abus sexuels et spirituels, impliquant le fondateur de L’Arche, le père spirituel de celui-ci et l’ordre dominicain. Les enquêtes ont été lancées pour élucider les faits et les responsabilités, mais il reste encore beaucoup à faire pour parvenir à une véritable compréhension de cet épisode particulièrement sordide.

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