Le 4 décembre 2024 marquait le centenaire de la mort de René de La Tour du Pin, un homme dont l’œuvre a profondément marqué le catholicisme social en France. À travers sa pensée, il a œuvré pour un ordre social conforme à la doctrine chrétienne, cherchant à restaurer les valeurs de solidarité et de justice dans une société en pleine mutation. Son engagement continue d’inspirer ceux qui croient que le rôle des catholiques dans la société est d’apporter une véritable transformation sociale, fondée sur les principes du Christ.
René de La Tour du Pin naît en 1834 au sein d’une ancienne famille noble dauphinoise, profondément catholique. Sa vocation militaire, nourrie par un fort sens du devoir et de l’honneur, le conduit à servir sous le Second Empire et dans les grandes batailles de son époque, notamment en Crimée, en Italie et durant la guerre franco-prussienne. Mais sa foi et ses convictions sociales, particulièrement son engagement envers les ouvriers, le conduiront à une autre forme de combat, celui du rétablissement d’un ordre social conforme à la doctrine chrétienne.
Capturé lors de la guerre de 1870, René de La Tour du Pin se lie d’amitié avec Albert de Mun, un autre acteur clé du mouvement du catholicisme social en France. Il rejoint les cercles catholiques d’ouvriers, où il cherche à concilier foi et justice sociale, s’opposant fermement au libéralisme et au socialisme. En 1871, il s’engage dans cette œuvre sociale en tant que défenseur de la dignité humaine, travaillant à réintroduire dans la société les principes du christianisme social, pour lutter contre les injustices subies par la classe ouvrière.
Dans son ouvrage Vers un ordre social chrétien (1899), René de La Tour du Pin critique les fondements de la Révolution française qui, selon lui, ont détruit les structures protectrices des travailleurs de l’Ancien Régime. Il dénonce l’individualisme de la société moderne et propose un retour à une organisation sociale chrétienne fondée sur le corporatisme. Selon lui, les corporations, véritables unions de travailleurs, devraient non seulement protéger les ouvriers mais aussi jouer un rôle politique, pour reconstruire une société où chaque individu peut participer activement au bien commun.En ce sens, il affirmait :
« L’ordre social que je préconise est celui qui fonde la solidarité et la dignité humaine dans une structure hiérarchique, mais respectueuse de la liberté et de la spécificité de chacun. »
René de La Tour du Pin s’oppose également à l’usure, qu’il considère comme une des causes principales de la décadence économique et morale. Pour lui, une économie juste doit se fonder sur la solidarité et la justice sociale, où l’État joue un rôle régulateur et protecteur, en particulier dans les secteurs essentiels comme l’agriculture, pour éviter les dérives spéculatives.
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L’engagement de René de La Tour du Pin dépasse les limites de la simple réflexion théologique et s’exprime par des actions concrètes. Il contribue à la naissance de la pensée sociale chrétienne, qui préconise une société dans laquelle l’Église a un rôle essentiel dans la défense des valeurs chrétiennes face aux défis modernes. Ce courant du catholicisme social visait à insuffler un nouveau souffle dans la relation entre la foi et l’organisation de la société, en remplaçant les systèmes individualistes et matérialistes par une économie fondée sur la solidarité et le respect de la dignité humaine.
Dans le monde contemporain, où les idéologies égalitaires cherchent à niveler les différences humaines sous un prétexte de justice sociale, l’œuvre de La Tour du Pin se révèle d’une grande actualité. Tandis que des mouvements politiques modernes proposent des systèmes égalitaristes qui oublient les spécificités et la dignité individuelle, la doctrine sociale chrétienne, telle que la défendait René de La Tour du Pin, invite à une justice sociale fondée sur le respect des hiérarchies naturelles, des différences et des vocations spécifiques de chacun.
Contrairement aux idéologies modernes qui cherchent à uniformiser les individus, cette vision chrétienne offre une véritable justice qui intègre la diversité des statuts sociaux et des responsabilités, tout en préservant la dignité de chacun dans le cadre d’une société ordonnée par les principes chrétiens.
Son engagement pour un ordre juste et chrétien résonne encore aujourd’hui dans les débats sur la place de la foi dans la société moderne. Son œuvre incite à une réflexion profonde sur le rôle des catholiques dans la société et sur l’importance de restaurer un ordre social conforme aux valeurs chrétiennes.Ses idées, bien que controversées à son époque, continuent de nourrir le débat sur l’organisation sociale et le rôle de l’Église dans la vie publique, offrant ainsi une vision pour un véritable ordre social chrétien, profondément ancré dans la reconnaissance des différences humaines et dans une justice authentique, loin des égalitarismes modernes.