Depuis 2000 ans

Églises pillées et profanées : la France face à une spirale qui s’accélère

DR
DR
En quelques jours seulement, six églises du Nord ont été cambriolées, dans la continuité d’une vague de vols qui a frappé les Landes et le Sud-Ouest cet été. Selon des chiffres de la Direction nationale du renseignement territorial, les vols dans les églises ont bondi de 35 % au premier semestre 2025

Dans le Nord, la succession d’attaques s’est concentrée sur quelques jours : à Hasnon, la sacristie de l’église Saint-Marcellin-et-Saint-Pierre a été fracturée, les tabernacles ouverts et des ciboires et calices subtilisés ; à Saint-Amand-les-Eaux, une statue de la Vierge a été dérobée puis retrouvée ; à Clairfayts, un calice et une patène ont disparu. D’autres sanctuaires, à Maroilles, Flines-lez-Raches et Hon-Hergies, ont également été visés. L’archevêque de Cambrai a exprimé sa proximité spirituelle avec les prêtres et les fidèles, tout en appelant à maintenir l’ouverture des églises, signe vivant de la prière et de la paix.

Ces faits s’inscrivent dans une tendance nationale confirmée par des données récentes : au premier semestre 2025, les vols dans les églises ont augmenté de plus de 35 %. Entre janvier et juin, 156 vols ont été recensés, soit 55 de plus qu’en 2024 sur la même période. Les malfaiteurs ciblent de l’argent trouvé dans les troncs, des tapis, divers reliquats et surtout des ciboires, ces coupes très souvent dorées où sont déposées les hosties consacrées.

Au-delà de la valeur marchande, c’est l’atteinte au sacré qui blesse : pour les catholiques, la profanation d’un tabernacle n’est pas un simple vol, mais une offense au cœur de la foi.

Le Sud-Ouest a été particulièrement touché durant l’été. Trois églises ont été visées en Creuse, sept dans les Pyrénées-Atlantiques, une première d’une telle ampleur dans ce département. « C’est désolant. Il n’y a aucun respect. Certains oublient que ce sont des lieux sacrés », déplore l’abbé Jean Etcheto. Dans les Landes, le triste record fait état d’une vingtaine d’églises visitées ; début septembre, trois hommes soupçonnés d’être à l’origine d’une partie de ces vols ont été interpellés et doivent être jugés. Monseigneur Nicolas Souchu, évêque d’Aire et Dax, décrit deux vagues successives, au printemps puis en août, et refuse la fatalité d’une fermeture généralisée des sanctuaires malgré l’émotion suscitée. Ailleurs, certains s’y résolvent : à Badefol-d’Ans, en Dordogne, la mairie a dû fermer l’église après des larcins répétés ; l’accès se fait désormais sur demande, une décision vécue comme un crève-cœur.

Les causes de cette vulnérabilité sont connues : édifices souvent isolés, faible vidéoprotection, horaires d’ouverture larges pour permettre la prière, moyens limités des communes rurales et des paroisses. Le colonel Jean-Baptiste Félicité, chef de l’Office central de lutte contre le trafic des biens culturels, souligne que les églises sont visées à la fois pour la revente « en l’état » des objets liturgiques ,la filière la plus lucrative quand elle réussit ,et pour la fonte des métaux précieux, plus discrète mais moins rentable. Les profils de voleurs varient, des filières organisées capables d’écouler la marchandise à l’étranger jusqu’aux délinquants locaux en quête d’argent immédiat.

Lire aussi

Répondre à cette spirale exige un plan d’ensemble. Il faut d’abord sécuriser les lieux : alarmes et capteurs discrets, coffres conformes pour les vases sacrés, marquage et inventaire photographique des objets, vidéoprotection ciblée aux accès, éclairage extérieur dissuasif et portes renforcées qui n’altèrent pas le patrimoine. Il faut ensuite organiser la vigilance : référents paroissiaux formés, tournées de bénévoles coordonnées avec la gendarmerie, consignes claires pour l’ouverture et la fermeture, sensibilisation des riverains à signaler tout comportement suspect.

L’État et les collectivités doivent, de leur côté, créer un fonds dédié à la protection du patrimoine cultuel, faciliter l’accès aux subventions et mutualiser l’achat d’équipements pour les petites communes.

Les diocèses peuvent centraliser les bonnes pratiques, proposer des audits sécurité, harmoniser les procédures en cas d’incident et accélérer la constitution d’archives numériques des trésors paroissiaux.Reste la réponse pénale. Elle doit être lisible, rapide et dissuasive. Les vols et profanations dans les lieux de culte portent atteinte à la liberté de religion et au patrimoine national ; ils appellent des peines sévères et exemplaires, proportionnées à la gravité morale et spirituelle de l’atteinte, avec confiscation systématique des gains, interdictions professionnelles ciblées lorsque des réseaux sont impliqués, et exécution effective des peines décidées. Sans ce signal, ces crimes continueront d’être perçus comme de simples opportunités de butin.

Les chiffres du premier semestre 2025, conjugués aux séries observées dans le Nord, les Landes et les Pyrénées-Atlantiques, montrent que le phénomène s’amplifie. Protéger les églises, c’est protéger la foi des fidèles, mais aussi l’histoire et la mémoire d’un pays. Entre vigilance, moyens concrets et fermeté judiciaire, il est encore temps d’enrayer la spirale.

Recevez chaque jour notre newsletter !

RESTEZ CONNECTÉS !

Suivez l’actualité quotidienne des chrétiens en France et dans le monde

Rejoignez nos 60 000 abonnés : inscrivez ci-dessous votre adresse mail et recevez notre newsletter tous les jours, c’est gratuit !