Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

Tribune Chrétienne

Depuis 2000 ans

Est-il permis de critiquer le Pape ? Si oui, quand le critiquer ?

Personne ne peut me juger, pas même toi, cela même le Pape ne peut le dire. Il est évident que ce qui divise aujourd’hui dans l’Église n’est pas tant l’erreur doctrinale que la critique envers le Pape.

D’un côté, il y a ceux qui considèrent impensable et inacceptable de critiquer le Pape, et de l’autre, ceux qui ont un avis complètement opposé. La question du bien-fondé de la critique envers le Souverain Pontife est la principale cause de division au sein de l’Église, c’est la véritable épine dans le flanc de l’unité ecclésiale.

C’est pourquoi des paroisses et des associations sont abandonnées, on choisit de participer à la messe dominicale dans une autre église, on ne lit plus certains journaux ou certains sites internet , des fractures apparaissent au sein des familles, des messages enflammés sont publiés sur les réseaux sociaux. Cela conduit à poser le problème de manière dichotomique : pour ou contre le Pape.

Mais la question est autre et découle de deux questions : est-il permis de critiquer le Pape ? Et, en cas de réponse positive, quand le critiquer ?

Concernant la première question, la critique envers le Pape est moralement permise pour une raison simple, très simple : même lui peut se tromper. Si nous voulons respecter le principe de non-contradiction, nous devons nécessairement conclure que en dehors de l’infaillibilité pétrinienne, il existe l’infaillibilité pétrinienne.

La même constitution dogmatique Pastor aeternus le confirme indirectement :

“Nous proclamons et définissons comme un dogme révélé par Dieu que le Pontife romain, lorsqu’il parle ex cathedra, c’est-à-dire lorsqu’il exerce sa plus haute fonction de Pasteur et de Docteur de tous les chrétiens, et en vertu de son pouvoir apostolique suprême, définit une doctrine sur la foi et les mœurs, il jouit de cette infaillibilité que le divin Rédempteur a voulu que son Église soit dotée lorsqu’elle définit la doctrine sur la foi et les mœurs”.

Par conséquent, lorsque le Pape ne parle pas ex cathedra, il est faillible. Bien sûr, cela ne signifie pas que tout ce qui relève de ce domaine est également faillible, c’est-à-dire critiquable. Si un Pape, sans engager son infaillibilité, affirme que Jésus-Christ est Dieu, il ne fait que réaffirmer, sans les formalités de l’infaillibilité, un dogme catholique. En revanche, s’il affirme, par exemple, que tous les migrants doivent être accueillis sans aucune restriction et sans condition , cette affirmation, concernant une manière de faire le bien, est par nature discutable.

La Congrégation pour la Doctrine de la Foi elle-même, dans la Note doctrinale explicative de la formule conclusive de la Professio fidei, comme cela a été rappelé récemment par ces colonnes, a clarifié que tous les discours du Pape ne sont pas infaillibles.

Et le pape François n’a jamais engagé son infaillibilité dans ses déclarations. Il en découle que le Pape peut être critiqué. Le Magistère lui-même le permet.

Lumen gentium :

“En fonction de leur science, de leur compétence et de leur prestige, [les laïcs] ont le droit, voire parfois le devoir, de faire connaître leur avis sur les choses concernant le bien de l’Église. Si nécessaire, qu’ils le fassent par les organes établis à cet effet par l’Église, toujours avec vérité, force, prudence, respect et charité envers ceux qui, en raison de leur saint ministère, représentent le Christ” (37).

De même, le Code de droit canon dispose :

“En proportion de leur savoir, de leur compétence et de leur prestige, ils [les fidèles] ont le droit, voire parfois le devoir, de faire connaître aux pasteurs sacrés leur opinion sur ce qui concerne le bien de l’Église, et de le faire connaître aux autres fidèles, en préservant l’intégrité de la foi et des mœurs et le respect envers les pasteurs, tout en tenant compte de l’utilité commune et de la dignité des personnes” (can. 212, §3).

Le Pape François lui-même est sur la même longueur d’onde lorsqu’il évoque la parrhèsia ( méthode de critique en s’excusant) comme méthode de critique.

Comme toute action intrinsèquement bonne, le choix de critiquer doit cependant respecter le principe de proportion ou d’efficacité. Cela renvoie à la prudence, au respect, à la charité, à l’intégrité de la foi et des mœurs, à l’utilité commune et à la dignité des personnes. En d’autres termes, si la critique cause plus de dommages que de bénéfices, le silence vaut mieux.

Prenons deux exemples;

Nous sommes à dîner avec des amis presque athées. La conversation porte sur le Pape actuel. J’éviterai de le critiquer pour ne pas scandaliser ces personnes et augmenter leurs doutes dans leur foi…

En revanche, si je suis à dîner avec un prêtre et que celui-ci accepte de bénir les couples homosexuels “parce que le Pape le demande”. Il est permis de critiquer le choix du Pape.

En bref, une situation de nécessité a poussé beaucoup à la critique, car plus grave est l’attaque contre la foi, plus forte doit être la réponse défensive.

Le bien-fondé de la critique envers le Pape est attesté par la Révélation et par l’histoire : Paul avec Pierre. “Quand Céphas vint à Antioche, je lui résistai ouvertement parce qu’il était évident qu’il avait tort” (Galates 2,11). Le Pape Honorius a été excommunié, même après sa mort.

Cela est arrivé et cela peut encore arriver car le Pape est le gardien de la Vérité, il n’est pas la vérité. Seul le Christ est la Vérité, pas son vicaire sur terre. Par conséquent, le Pape, comme nous tous, est soumis à la loi éternelle dans ses deux aspects de loi divine positive et de loi naturelle. Il est lui aussi hiérarchiquement inférieur à la loi suprême de l’Église : le salut des âmes.

Après avoir établi que même le Pape est faillible et donc critiquable, passons à la deuxième question évoquée précédemment : quand le critiquer ?

Lorsque, dans le respect du principe d’efficacité mentionné précédemment, ses paroles ou actions sont manifestement contraires à la doctrine séculaire de l’Église. Par exemple : l’homosexualité est condamnée par l’Église ? Oui. Les bénédictions des couples homosexuels sont-elles donc permises ? Non. Le Pape n’aurait donc pas dû approuver les bénédictions homosexuelles. Il n’y a rien d’autre à ajouter.

Cela dit, voici les objections:

La première : cela nuit à l’unité de l’Église.

Réponse : l’unité de l’Église est un bien, mais ce n’est pas le bien suprême, il y a d’autres biens plus importants, comme la Vérité.

Ou préférons-nous tous nous taire et ainsi avaliser l’erreur pour ne pas nous diviser ? Jésus a aussi parlé clairement et, comme en témoigne l’Évangile de Jean au chapitre 6, le résultat a été qu’à une occasion, bon nombre de ses disciples l’ont quitté. Fallait-il donc se taire ?

Si votre fille était contrainte à se prostituer à cause d’un membre de votre famille, au moins ne lui diriez-vous pas votre fait ? Seul un fou pourrait objecter que de cette manière, on divise la famille en deux et qu’il serait préférable de se taire. Aujourd’hui, certains prostituent l’Église et sa doctrine : si leur défense entraîne des divisions, c’est un prix permis et même nécessaire à payer, dans la situation actuelle.

Deuxième objection : le Pape François n’a en réalité jamais exprimé de jugements contraires à la doctrine saine.

Par exemple, dans le cas des bénédictions homosexuelles, le Pape, selon Fazio, a dit que “le Seigneur bénit tout le monde”, il n’a pas dit qu’il était possible de bénir les couples homosexuels.

Sur l’accès des divorcés remariés, il a affirmé que la doctrine sur le mariage demeure inchangée. Sur le fait qu’il y a certaines bonnes conduites impossibles à assumer pour certains, François a dit une fois que “tout est possible par la foi”. Sur l’interdiction de faire des prosélytes, le Pape nous a longuement entretenus dans une catéchèse intitulée “La passion pour l’évangélisation : le zèle apostolique du croyant”.

N’est-ce pas une une tactique “jésuitique” ?Dire tout et son contraire. Promouvoir l’hérésie, puis la réfuter immédiatement après. De cette manière, comme le Pape l’a admis à plusieurs reprises, des processus sont enclenchés : dans la confusion, le mal avance en rampant.

De plus, on pourra toujours se référer aux déclarations contradictoires et trouver une réponse appropriée. N’est-ce pas de la simple ruse sémantique ..?

Par Tommaso Scandroglio – Site La Bussola

Recevez chaque jour notre newsletter !

Lire aussi :