L’Eglise catholique a publié les réactions et prières des divers évêques à travers la France :
À l’occasion de la Saint Vincent (22 janvier), Mgr James adresse un message aux viticulteurs.
À quelques jours de la fête de Saint Vincent, votre saint patron, je m’adresse à vous qui êtes liés à la culture de la vigne et du vin, ainsi qu’à sa commercialisation. Vous êtes passionnés par votre profession. Vous en parlez avec enthousiasme et compétence. Au fil des siècles, vous avez acquis un savoir-faire, reconnu au-delà de nos frontières ; vous avez su développer cette spécificité du vin de Bordeaux, à travers toutes ses appellations. Même si aujourd’hui, des sociétés se substituent aux entreprises familiales, souvent encore, vous avez découvert vos métiers au contact de vos parents, de vos grands-parents qui l’ont exercé avant vous ; vous êtes attachés à une terre, celle de votre famille.
Mais, en Gironde, plusieurs parmi vous souffrent. Car la filière viticole est en crise. Cette crise est sans doute inégalement ressentie suivant les entreprises, on sait en effet le caractère hétérogène du monde viticole en Gironde. Mais la crise est vécue par plusieurs d’entre vous. L’exportation n’apporte pas les débouchés espérés. Les Français ont changé leurs habitudes de consommation du vin : pour des motifs heureux de santé, ils en ont réduit la quantité et ils privilégient la qualité. C’est une crise liée aussi à la fragilité de la vigne : il vous faut affronter parfois ses maladies ou des problèmes climatiques. Autour de vous, on souligne la nécessité de modifier les pratiques, de réduire la production, d’améliorer la qualité, d’envisager de nouvelles cultures. Mais, devant ces mutations importantes à affronter, certains d’entre vous restent sur le bord du chemin.
À la crise économique, s’ajoute une crise sociale : devant les perspectives d’arracher des ceps de vigne (on parle de 10 000 ha et parfois plus), des personnes qui ont toujours travaillé dans le domaine viticole, envisagent des départs à la retraite anticipée, des jeunes professionnels pensent à des reconversions. Tout cela impacte la vie du département, et, pour nous catholiques, de notre diocèse.
Le Pape François souligne, dans son encyclique Laudato Si’ combien « tout est lié » : problèmes économiques, difficultés sociales et relations à l’environnement. Il le répète dans son dernier texte, Laudate Deum :
« l’attention que nous portons les uns aux autres et l’attention que nous portons à la terre sont intimement liées ». Sans doute, les solutions sont complexes à envisager. Évêque de l’Église catholique, que puis-je dire ou faire devant cette crise et sa complexité ? Bien sûr, le soutien des collectivités territoriales et l’aide de l’État, de l’Europe cherchent à apporter des solutions. Des mesures sociales, financières vont, sans doute, continuer à être prises. Mais que peut un évêque ?
À l’approche de la fête de Saint Vincent, je veux me rappeler d’abord l’importance de la vigne et du vin dans ma tradition religieuse ; un lien tout spécial nous unit au monde viticole. Mesurant alors les bouleversements auxquels vous êtes confrontés, je veux redire mon soutien aux personnes, familles engagées dans la viticulture, ainsi qu’aux associations professionnelles. Plus que mon soutien, l’estime que je vous porte ; j’ai constaté le courage de tant d’entre vous. Une crise même grave ne veut pas dire la fin de tout. Au long des siècles, refusant l’inertie, la sclérose, vous avez su montrer votre créativité, votre capacité à inventer du neuf. Mais, pas seuls !
C’est pourquoi, dans l’Église catholique, je veux encourager la solidarité et l’échange avec les personnes en difficultés. A l’occasion de visites et de célébrations en Gironde, j’ai rencontré plusieurs d’entre vous. J’ai présidé des fêtes de Saint Vincent avec la présence de confréries viticoles, dont l’histoire est souvent ancienne. Ces confréries ont été constituées pour vivre une certaine solidarité entre membres. Aujourd’hui, la solidarité, la fraternité sont plus que jamais d’actualité. Certains viticulteurs se taisent sur leur situation, en ont honte, et finissent par désespérer. Or, ils sont porteurs d’une grande richesse humaine, d’une expérience. Leur vie a du prix pour nous ! Nous avons à favoriser les liens d’écoute, d’amitié, de soutien. Je remercie les paroisses et mouvements concernés par cette crise, de prendre l’initiative de rencontres pour échanger, pour développer la fraternité. Certaines des paroisses ont déjà commencé : en plus des démarches financières ou sociales, les personnes inquiètes pour leur avenir ont besoin d’être accueillies. Elles ne peuvent pas porter seules, leurs problèmes, les éventuelles reconversions à vivre, les réflexions à mener sur leur avenir et celui de leur entreprise. Le temps passé avec elles, l’amitié, quelquefois l’aide ponctuelle et concrète sont précieux. Nous pouvons, ainsi, redonner de l’espérance à celles et ceux qui en manquent.
Catholiques soucieux de frères et sœurs dans l’épreuve, nous les confions à l’intercession de Saint Vincent.
+Jean-Paul James
Le Père Eric Lorinet, administrateur du diocèse de Valence, réagit au mouvement actuel des agriculteurs et leur apporte son soutien.
Depuis plusieurs jours, les professionnels de l’agriculture expriment leur colère et leur exaspération sur les routes de France et notamment de la Drôme, en raison des difficultés structurelles, économiques et normatives auxquelles ils font face. Je leur apporte, au nom du diocèse de Valence, mon soutien et ma solidarité.
Beaucoup d’agriculteurs sont chrétiens, proches de notre Église catholique dans la Drôme, et j’ai en mémoire les nombreuses rencontres et initiatives de notre précédent évêque avec différents groupes d’agriculteurs. Notre territoire présente des réalités différentes et certaines de nos 22 paroisses sont très rurales. Notre foi nous appelle à la solidarité et à la justice sociale. En tant que gardiens de la création, nous sommes appelés à cultiver et préserver la terre avec responsabilité.
Certains agriculteurs souffrent et parviennent difficilement à vivre de leur travail : lors de divers déplacements en paroisses ou lors de réunions de différents groupes, ils m’ont fait part d’une lassitude ou d’un épuisement, se sentant abandonnés et n’arrivant plus à donner du sens à l’énergie folle dépensée dans leur travail. Des situations de plus en plus difficiles, provoquant pour quelques-uns, une détresse profonde les poussant à mettre fin à leur vie prématurément. Je comprends donc les défis auxquels ils sont confrontés et je les encourage à persévérer avec foi, confiance, en gardant l’espérance, l’ouverture au dialogue et à la négociation. La foi catholique peut servir de lien spirituel qui renforce la solidarité.
J’ai aussi une pensée pour tous les acteurs engagés dans les réflexions et les négociations, résolus à trouver des propositions acceptables et des chemins davantage favorables pour tous. Que la solidarité et la compréhension guident les discussions pour trouver des solutions équitables. Puissent leurs efforts contribuer à un avenir où l’agriculture prospère tout en respectant la dignité de chacun.
J’encourage nos diocésains, les prêtres, les diacres et les fidèles, à être à leur écoute partout sur le territoire drômois, à prier particulièrement pour tous ceux qui sont concernés par cette situation de crise et à leur porter une attention spéciale. Le diocèse de Valence s’engage à travers ses différentes communautés et mouvements, à accompagner le monde agricole drômois.
Monseigneur Jean-Marc MICAS ÉVÊQUE DE TARBES ET LOURDES
Tarbes, le 24 janvier 2024 – Crise du monde agricole
“Hier, j’ai salué quelques agriculteurs bigourdans à l’entrée de l’A64 à Tarbes. Derrière la sympathie de la rencontre et de l’échange, perce la détresse : « Je veux tout simplement pouvoir vivre normalement de mon travail, moi et ma famille… »
Notre diocèse est une terre agricole. Elle est contrastée : dans sa géographie, dans ses réalités économiques et sociales. Du nord au sud du département, nos agriculteurs ont en commun la même inquiétude, celle qui partout en France et en Europe s’exprime ces jours-ci : hausse des charges, normes toujours plus contraignantes, maladies récurrentes qui touchent leurs animaux, problématiques de l’irrigation, et des revenus en baisse constante… Les agriculteurs que nous connaissons sont des gens responsables, sensibles aux problématiques liées au climat et à l’environnement. Ils ressentent vivement leur quotidien devenu très injuste et difficile. La PAC”
est en cause, les conflits d’intérêts d’autres qu’eux-mêmes, tout cela les met en colère.
Dans le diocèse, la Mission rurale 65 regroupe plusieurs Mouvements et de nombreuses personnes (CMR, MRJC, etc.) Très engagés auprès des agriculteurs du département, ils ont pour ambition de les écouter, de les comprendre, de les accompagner, à la lumière de l’espérance que donnent la foi chrétienne et l’enseignement de l’Eglise (sur le sens de la création et de sa gestion, sur le sens du travail et de la dignité humaine, sur la justice sociale inéluctablement liée au respect de l’environnement dans un monde où « tout se tient », selon l’expression du Pape François).
Je veux ici dire tout mon soutien aux agriculteurs du diocèse, et à toutes celles et ceux qui, au sein de la Mission rurale 65, témoignent de notre compassion, de notre solidarité et de notre engagement aux côtés de ceux qui souffrent. J’invite les fidèles du diocèse à le faire de manière sincère et déterminée, en cherchant à comprendre ce qui pousse les paysans à s’exprimer comme ils le font, à connaître la réalité de leur quotidien, à soutenir leur travail en permettant sa juste rémunération. Allons à leur rencontre, chez eux, ou au Parc des expositions de Tarbes qui accueillera une nouvelle édition du salon de l’agriculture du 7 au 10 mars… Au cours des messes de dimanche prochain (27 et 28 janvier), j’invite toutes les communautés paroissiales
et religieuses à prier tout spécialement à l’intention de ceux qui vivent cette crise, et ceux qui ont à la gérer en apportant de justes solutions le plus rapidement possible. Une même intention de prière universelle est proposée pour cela.
Je confie cette crise à la miséricorde de Dieu et à l’intercession de Notre-Dame de Lourdes.
Mgr Jean-Marc Micas,
Évêque de Tarbes et Lourdes”
Déclaration des Évêques de la Province de Montpellier sur la crise agricole 2024
NOUS SOMMES PROCHES DE VOUS
” Amis agricultrices et agriculteurs, nous voulons vous apporter notre soutien, vous qui manifestez dans le pays, en réclamant justice et considération pour votre profession.
Dans chacun de nos 5 diocèses (Carcassonne et Narbonne, Mende, Montpellier, Nîmes, Perpignan-Elne), vous n’êtes pas des inconnus pour nous, et nous vous rencontrons sur vos terres agricoles, dans vos vignes et vos élevages. Nous avons appris à vous apprécier en échangeant avec vous. Nous vous admirons, chacune et chacun, dans l’exercice d’une profession difficile que vous vivez avec passion.
Des jeunes aspirent à s’engager dans votre profession. Pour eux et pour vous, nous tenons à vous dire à quel point nous comprenons les légitimes préoccupations qui vous habitent.
Mais aujourd’hui la coupe est pleine ! Face à la hausse des charges qui vous écrasent, les normes toujours plus contraignantes que l’on vous impose, les contrôles permanents, les démarches administratives excessives, vous souffrez jusqu’à crier votre désespoir.
A cela s’ajoute la problématique de l’irrigation et les revenus en baisse constante.
Les contraintes liées au changement climatique et à la nécessité de protéger la planète entraînent aussi des coûts supplémentaires pour la production.
La spirale du surendettement et le sentiment de ne pas pouvoir s’en sortir ont conduit certains de vos collègues à mettre fin à leurs jours.
Nous partageons votre tristesse à la suite du tragique accident survenu à Pamiers qui a coûté la vie à votre collègue et à sa fille.
Nous voudrions vous dire à quel point nous sommes solidaires avec vous dans votre légitime attente de pouvoir vivre dignement de votre travail.
Nous ne comprenons pas qu’il y ait deux poids deux mesures et que certains produits importés soient exemptés des contraintes administratives, sanitaires et économiques que l’on vous impose.
Nous comprenons qu’il y ait en vous de l’exaspération et nous partageons vos inquiétudes et vos angoisses.
Nous demandons que soit reconnu le caractère vital de votre profession pour nos familles, notre pays et la noblesse de votre métier.
Nous vous devons notre nourriture ainsi que votre participation au développement de nos terroirs.
De tout cœur nous espérons que, dans le dialogue et la concertation, des mesures urgentes seront prises au niveau national et européen pour reconnaître la juste cause de vos revendications et vous offrir des conditions de vie qui respectent vos personnes et votre profession. Cela signifie recevoir des revenus décents pour vous et vos familles.
Nous, vos évêques, nous nous sentons proches de vous et demeurons à vos côtés. Notre fraternité et notre prière vous accompagnent.
Jeudi 25 Janvier 2024
Monseigneur Benoît Bertrand Evêque de Mende,
Monseigneur Nicolas Brouwet, Evêque de Nîmes,
Monseigneur Thierry Scherrer, Evêque de Perpignan -Elne,
Monseigneur Bruno Valentin, Evêque de Carcassonne et Narbonne,
Monseigneur Norbert Turini, Archevêque de Montpellier
Déclaration des évêques bretons en soutien aux agriculteurs de leur région. Publié le 25 janvier 2024
“Évêques en Bretagne, nous nous sentons proches de vous, cultivateurs, éleveurs et pêcheurs. Nous vous rencontrons sur le terrain, dans vos exploitations agricoles et vos ports de pêche.
Nous sommes conscients du travail que vous accomplissez pour produire la nourriture dont les humains et toutes les familles ont besoin pour vivre, et des efforts accomplis pour protéger notre maison commune.
Nous entendons votre colère qui manifeste votre désespoir et votre désarroi face à des contraintes de plus en plus nombreuses qui vous empêchent de faire votre métier et qui vous déconcertent parfois, tellement elles contredisent vos expériences et vos analyses.
Nous devinons votre stress et votre exaspération face à des contrôles qui vous sont de plus en plus imposés et qui engendrent une complexité administrative vous éloignant de votre métier proprement dit.
Nous partageons votre tristesse due au suicide de vos collègues.
Pourtant, vous êtes passionnés et des jeunes veulent s’installer car ils partagent votre passion. Votre contact avec le vivant végétal et animal, votre souci de la qualité, votre attention à la meilleure manière de produire en respectant l’environnement, en tout cela vous donnez le meilleur de vous-mêmes. Vous apportez à notre société de plus en plus citadine et industrielle une autre manière de vivre et de travailler qui mérite considération et respect, et qui attire certains.
Il est normal que vous puissiez vivre de votre travail.
Il est normal que tous, vous soyez écoutés et que vous apportiez votre concours pour que soient élaborées avec vous les orientations et les décisions politiques en vue d’une juste agriculture avec ses valeurs.
Il est normal que justice vous soit faite en vous permettant de vendre votre production sans que celle-ci soit concurrencée par des productions venant de l’étranger où les normes environnementales ne sont pas contraignantes, voire n’existent pas.
Il est normal que votre métier soit pleinement reconnu en tant que tel, et que vous soyez soutenus et encouragés dans la transition écologique à laquelle nous sommes tous solidairement appelés.
Nous vous assurons de notre attention et de notre prière.
Communiqué des évêques Bretons, le 25 janvier 2024
✠ Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes
✠ Raymond Centène, évêque de Vannes
✠ Laurent Dognin, évêque de Quimper
✠ Denis Moutel, évêque de Saint-Brieuc“
Prière de l’Eglise
“Dieu notre Père, en ce jour nos communautés se rassemblent pour partager ton Pain, fruit de la terre et du travail des hommes.
Nous te prions pour les agriculteurs de nos diocèses. Certains manifestent. Beaucoup sont isolés et submergés. Tous demandent à pouvoir vivre normalement de leur travail, et que soit respectée leur dignité. Entends le cri de leur colère.
Donne-nous à tous un cœur qui écoute, un esprit qui comprenne, des mains qui partagent et encouragent. Inspire à tous les décisions bonnes.
Que les agriculteurs, les responsables économiques et politiques se tendent la main pour construire un monde juste et fraternel. Seigneur, nous t’en prions.”