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Le Cardinal Cupich veut-il imposer la communion debout et dans la main ?

Cardinal Blase J. Cupich - DR
Cardinal Blase J. Cupich - DR
Qu’en est-il des dimensions spirituelles et historiques liées à la réception de la Communion, debout ou à genoux ?

Le cardinal Blase J. Cupich de Chicago a suscité une vive controverse en plaidant avec insistance pour que les fidèles reçoivent la sainte Communion debout et dans la main, une posture qu’il présente comme étant à la fois normative et symbolique de l’unité du Corps du Christ. Dans un article publié le 11 décembre dans le journal Chicago Catholic, l’organe officiel de l’archidiocèse, le prélat a expliqué que cette pratique reflète la théologie liturgique issue du Concile Vatican II. Mais qu’en est-il des dimensions spirituelles et historiques liées à la réception de la Communion, debout ou à genoux ?

Une posture communautaire ou une dévotion personnelle ?

Pour le cardinal Cupich, « recevoir l’Eucharistie n’est pas une action privée mais communautaire, comme le suggère le mot même de ‘communion’ ». Il insiste sur le fait que la procession pour la réception de la Communion exprime l’unité des fidèles avancés ensemble en tant que Corps du Christ. Cette théologie, enracinée dans les réformes du Concile Vatican II, met en avant le concept de « participation pleine, active et consciente » des fidèles lors de la liturgie eucharistique.

Cependant, la posture de la Communion à genoux et sur la langue reste une pratique hautement significative dans l’histoire de l’Église. Le pape Benoît XVI, dans son livre L’Esprit de la liturgie, soulignait que cette posture « manifeste la profonde révérence due à la présence réelle du Christ ».

Historiquement, s’agenouiller pour la Communion était perçu comme un acte d’adoration, reconnaissant la majesté divine. Cette pratique est soutenue par des documents tels que l’instruction Redemptionis Sacramentum (2004), qui garantit aux fidèles la liberté de recevoir la Communion à genoux.

La dimension symbolique de la procession

De son coté , le cardinal Cupich a également rappelé que les processions sont élémentaires dans la tradition chrétienne, citant leur présence depuis les premiers siècles. Qu’il s’agisse de la procession d’entrée, de l’offertoire ou de la récession, ces gestes incarnent la pérégrination commune des fidèles vers le banquet céleste. Selon lui, recevoir la Communion debout et dans la main reflète cette unité pélerine et résonne avec la maxime lex orandi, lex credendi (« la loi de la prière est la loi de la foi »).

Mais cette vision rencontre des critiques. Les opposants rappellent que la posture à genoux exprime une profonde humilité face à la grandeur divine. Saint Jean-Paul II lui-même affirmait que « s’agenouiller devant l’Eucharistie est un acte de foi, d’adoration et d’amour ». Ils considèrent que le débat ne se réduit pas à une question de symbolisme, mais touche au cœur de la foi et de la vénération eucharistique.

La position des traditionnalistes

Les catholiques traditionalistes accordent une importance particulière à la réception de la Communion à genoux et sur la langue, une pratique qu’ils considèrent comme le moyen le plus respectueux d’approcher le mystère de la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie. Cette posture, ancrée dans la tradition multimillénaire de l’Église, est une expression de soumission totale à Dieu.

Saint Thomas d’Aquin, dans sa Somme théologique, décrivait la réception de la Communion comme un moment où « l’homme reconnaît son indignité face à la majesté divine ». En outre, les traditionalistes considèrent que la langue est l’instrument le plus approprié pour recevoir le Christ, évitant ainsi tout risque de profanation.

Les documents liturgiques tels que Memoriale Domini (1969) ont permis la communion dans la main sous certaines conditions, mais rappellent que la Communion sur la langue reste une norme universelle.

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Norme ou imposition ?

Aux États-Unis, la posture normative pour la réception de la Communion est debout, comme l’indique la Conférence des évêques catholiques (USCCB), mais elle laisse la liberté à chacun de recevoir la Communion à genoux. L’instruction Redemptionis Sacramentum rappelle qu’aucun prêtre ou évêque ne peut refuser la Communion à un fidèle souhaitant s’agenouiller.

Malgré cela, les propos du cardinal Cupich ont été perçus par certains comme une tentative de marginaliser cette pratique traditionnelle. En soulignant que « aucun geste ne doit attirer l’attention sur soi ou perturber la procession », il laisse entendre que s’agenouiller pourrait être interprété comme une forme d’individualisme liturgique, une accusation rejetée par les défenseurs de la posture agenouillée, qui y voient au contraire une expression de soumission collective au Christ.

Une théologie en « tension« 

Ce débat révèle une tension plus large dans l’Église contemporaine entre continuité et adaptation. Les réformes liturgiques de Vatican II ont certes cherché à promouvoir une participation active, mais sans nier la richesse des traditions liturgiques précédentes. Comme l’a rappelé Benoît XVI, « l’innovation ne doit jamais se faire au détriment de la continuité ».

La position du cardinal Cupich, bien qu’enracinée dans une certaine compréhension des réformes conciliaires, soulève des questions essentielles : peut-on imposer une posture unique dans un acte aussi personnel et spirituel que la réception de l’Eucharistie ? Jusqu’où l’unité liturgique doit-elle primer sur la diversité des expressions de foi ?

Dans ce contexte, le débat autour de la posture pour la Communion est bien plus qu’une querelle de formes : il est le reflet des défis auxquels l’Église est confrontée pour rester fidèle à son riche héritage tout en répondant aux attentes de la modernité.

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