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Le frère dominicain Edouard Divry réagit : que peut faire un prêtre catholique devant une telle demande de paires homosexuelles ?

Tribune Chrétienne est toujours à l’écoute de vos commentaires et de vos réactions, surtout lorsqu’il s’agit des sujets en relation avec les fondements de la doctrine chrétienne.

Dans le texte ci-dessous le Frère Edouard Divry , dominicain de la province de Toulouse et professeur de théologie morale réagit d’une façon argumentée à l’article sur le ” premier mariage catho gay..”

[ https://tribunechretienne.com/le-premier-mariage-cathogay-celebre-dans-leglise-de-saint-vincent-de-paul-de-chicago-le-debut-dune-longue-serie ]*.

Voici l’intégralité de son texte :

“Le 22 avril dernier, le prêtre catholique Joseph Williams, curé de la paroisse St-Vincent de Paul, dans l’université DePaul à Chicago, a béni l’union de deux lesbiennes dont l’une est un Ministre Méthodiste Kelly Knight (‘pasteur(e)’) et l’autre Myah Knight une thérapeute queer, licenciée de DePaul.

Quelle ouverture œcuménique !


Le ministre catholique, appartenant à la Mission de St-Vincent, était revêtu de l’aube et de l’étole sacerdotale, couleur ivoire. Dans l’église même, il a posé à la paire de même sexe une formule de son cru :

Vous réengagez-vous librement pour vous aimer l’une l’autre comme de saintes épouses et vivre en paix et harmonie ensemble pour toujours ?. »

« Do you freely recommit yourselves to love each other as holy spouses and to live in peace and harmony together forever?


À leur réponse positive : « Nous nous réengageons, je me réengage (We do, I do)», il a conclu selon une formule propre, imprimée elle aussi sur son papier :

« Dieu d’amour, augmente et consacre l’amour que Kelli et Myah ont l’une pour l’autre…”

(Loving God, increase and consecrate the love which Kelli and Myah have for one another). »

Puis, manifestement là aussi en rupture avec l’instruction Fides supplicans (la Foi suppliante) du Dicastère pour la doctrine de la foi du 18 décembre 2023, le prêtre a ajouté :

« les alliances qu’elles ont échangées sont le signe de leur fidélité et de leur engagement. Qu’elles puissent continuer à prospérer dans ta grâce et bénédiction. Nous le demandons par le Christ notre Seigneur…”

(The rings they have exchanged are the sign of their fidelity and commitment. May they continue to prosper in your grace and blessing. We ask this through Christ our Lord.) »

La formulation est de nature on ne peut plus liturgique !


L’auteur de Fiducia supplicans, le cardinal argentin Mgr Victor Manuel Fernandez, avait précisé que la bénédiction ne devait pas excéder quelques instants et être donnée sans forme liturgique, ni ne permettait que le prêtre soit en habit liturgique. Manifestement le prêtre a excédé la lettre du document.


Saint Paul devant l’Aréopage d’Athènes 


Que peut faire un prêtre catholique devant une telle demande de paires homosexuelles ?

Il doit distinguer l’aspect canonique, l’aspect moral et l’aspect dogmatique. Si l’aspect dogmatique est le plus déterminant, l’aspect moral décide de l’action à mener. Quant à l’aspect canonique il sert de tuteur en cas de doute.


L’aspect canonique dans le cas présent n’est en rien respecté.

En outre, un acte liturgique avec des non-catholiques demande une dispense du Chancelier du diocèse qui n’a pas été donnée. Une sanction s’impose. Elle relève évidemment des supérieurs du Père Joseph.

En plus, comme les religieux ou les membres des sociétés de vie apostolique ne sont pas exempts de l’autorité de l’évêque en matière liturgique, c’est l’évêque de Chicago en premier à qui revient de prendre une mesure disciplinaire, une juste peine, qui peut monter jusqu’à déclarer le prêtre « suspens a divinis » (incapacité à célébrer publiquement les sacrements) ou, en cas d’entêtement, privé définitivement de ses fonctions sacerdotales (réduit à l’état laïc).

En outre, comme le scandale est universel par les médias, le Dicastère pour la doctrine de la foi devrait prendre au plus vite des mesures supplémentaires ou avaliser celles du cardinal Blase Joseph Cubich, archevêque de Chicago, par un rescrit qui puisse donner à penser en direction d’autres actes possibles par imitation et de nature similairement délictueuse.


L’aspect moral relève du fort interne du prêtre.

Il peut toujours en conscience refuser un acte sacrilège dans une église catholique. Tout action de ce type contraire à la Loi divine dans un sanctuaire rend les lieux souillés et mérite par une action spécifique de l’évêque ou d’un chargé de mission une liturgie de réparation. La loi universelle catholique s’impose à tous : il vaut mieux obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes aussi hauts gradés qu’ils soient.

Un Magistère authentique n’exige que réception respectueuse et obéissance intelligente le cas échéant (cf. Ac 4, 19 ; Ac 5, 29).


L’aspect doctrinal mérite une attention plus grande encore.

Le pape a seulement permis et ordonné la publication de Fiducia supplicans ; il ne l’a pas autorisée en ajoutant la formule en vigueur : « avec science certaine et son autorité apostolique » (cf. DI, 2000) ou une formule équivalente, le sceau du Pêcheur. Le texte reste donc de l’autorité du cardinal préfet et n’implique pas formellement le Magistère ordinaire universel, celui du pape.

Un évêque catholique avec son Magistère, pourtant authentique, peut se tromper.

Saint Augustin l’atteste explicitement :

« Il ne faut pas même s’en rapporter à des évêques catholiques, s’il leur arrive de se tromper au point de contredire les Écritures canoniques. Mais si, tout en gardant le lien de l’unité et de la charité, ils tombent dans quelques erreurs, on verra se réaliser ce que dit l’Apôtre : “Si vous êtes d’un sentiment contraire, Dieu vous révélera la vérité” (Ph 3, 15). » (Epistola ad catholicos de secta Donatistorum, 11, 28).


Or, Fiducia Supplicans essaye d’expliquer la différence entre bénédiction ascendante et bénédiction descendante en les faisant coïncider pour le cas précis examiné (cf. FS, 15-18). L’origine vient d’un verbe intensif, bénir en hébreu (levarekh), qui peut être soit déclaratif, soit causatif.

Soit déclaratif (bénédiction ascendante), car Dieu est la source de toutes les bénédictions et le fidèle est appelé à le déclarer en formulant une bénédiction ; soit causatif (bénédiction descendante) car Dieu cause pour de bon une vraie bénédiction par un bienfait, par des biens matériels octroyés ou de santé, des charismes ou ici-bas, au mieux, par sa grâce. Mais jamais on ne peut ramener les premières bénédictions (ascendantes) au secondes (descendantes).

Qui veut exercer une bénédiction au nom de Dieu ne peut s’aventurer à dire autre chose que ce qui lui est dicté par Dieu ou Jésus-Christ.

Le prophète Balaam l’a appris à son corps défendant (cf. Nb 22, 35 ; 2 P 2, 14-16) alors que Balaak voulait lui faire maudire Israël. Et, une abomination ne peut jamais être bénie. Le Lévitique énumère justement les abominations (to‘evôt) qui forment une catégorie bien particulière dans la catégorie des péchés (cf. Lv 18, 26.27.29.30).

L’homosexualité en acte fait partie des abominations : Lv 18,22 ; 20,13 (cf. aussi Gn 19, 5-9 ; Jg 19,22).

L’Ânesse du prophète Balaam

Si des éléments de l’Ancien Testament peuvent être obsolètes aux yeux de la foi catholique (cf. Vatican II, Dei Verbum, n. 15), cela ne concerne pas ce qui a été transmis par les premiers décrets apostoliques, rapportés dans les Saintes Écritures chrétiennes contre le meurtre (faire couler le sang innocent), la fornication, et l’idolâtrie, dans les Actes des Apôtres (cf. Ac 15,20 et 15,29) et tout ce qui est dans la continuité magistérielle depuis les Apôtres dont saint Paul fait partie (cf. Rm 1, 26-17).


Pour conclure, tout chrétien adepte des Écritures sait que saint Paul n’a pas hésité, pour un fait moral contraire à la loi naturelle, à ordonner de livrer un fautif à Satan pour le salut de son âme (cf. 1Co 5, 5).

La vox populi Dei (la voix du peuple de Dieu) le réclame intérieurement, et attend des autorités ecclésiastiques le verdict qui soit adapté à la situation. Si la justice sans la miséricorde durcit, la miséricorde sans la justice pourrit.


Fr. Edouard Divry o. p., professeur de théologie morale (Domuni) et d’œcuménisme (Toulouse, Bayonne), d’hébreu (Toulouse).”

Le frère Édouard Divry est dominicain de la Province de Toulouse.Maître en philosophie et docteur en théologie, il est l’auteur d’une thèse dogmatique : La Lumière du Christ transfiguré chez les saints (Université de Fribourg, 2000), et d’une thèse d’habilitation en théologie fondamentale : Aux fondements de la liberté religieuse, Confrontation avec les religions monothéistes (Faculté de théologie de Lugano – Université suisse italienne, 2003).

Il enseigne en divers centres théologiques. Il est représentant de l’Église catholique dans le dialogue judéo-chrétien pour le diocèse de Toulouse.

Sources informatiques de l’article :

https://www.thecatholicthing.org/2024/05/06/chicago-priest-blesses-married-lesbians-says-fiducia-supplicans-allows-it/
Joseph Williams, pastor of St. Vincent de Paul Church, the parish church of DePaul University, blessed married lesbians :
https://www.osvnews.com/2024/05/01/former-methodist-minister-partner-receive-same-sex-blessing-from-chicago-parish-in-video/ :
A Methodist minister has sought a blessing on her same-sex union from a priest at a parish within the Archdiocese of Chicago, months after the Vatican issued a document on the possibility of giving spontaneous, non-liturgical pastoral blessings to couples in irregular situations.

“Myah always wanted to get married at the chapel of her Alma mater, so I surprised her with a blessing of our marriage!” wrote Kelli Knight, who posted a brief video and photographs of the blessing April 22 on her Instagram account, citygrrl76.

The video pictured Knight, who spent 14 years as pastor of several Chicago-area United Methodist congregations and will become associate pastor at an Arizona church in July, with a woman addressed in the clip as Myah and Vincentian Father Joseph S. Williams, pastor of St. Vincent de Paul Parish in Chicago.

The parish, administered by the Vincentian Congregation of the Mission-Western Province and adjacent to DePaul University, was established by the Vincentians in 1898 and serves the university community.

In a May 1 phone call with OSV News, Father Williams confirmed that he is the priest in the video, and that the blessing — which he said he administered by appointment at the request of Knight a month prior — took place at St. Vincent de Paul.

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