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Le grand saccage de Marseille


En ce jour de venue du Pape François à Marseille , revenons sur un épisode de l’histoire de la cité phocéenne ..

Le pillage de Marseille a été perpétré par les troupes du roi Alphonse V d’Aragon entre le 20 et le 23 novembre 1423.

Louis III, comte d’Anjou et de Provence, avait été adopté par la reine de Naples, Jeanne II, qui n’avait pas de successeurs directs. Alphonse V, revendiquant également la couronne de Naples, s’est battu contre Louis III, obtenant un succès éphémère en l’obligeant à retourner en Aragon.

Sur le chemin du retour, pour se venger des alliés de Louis, il a attaqué Marseille pendant trois jours, l’a pillée et incendiée. Cet épisode, relativement peu connu, a été l’une des plus grandes catastrophes que la ville ait connues dans son histoire.

le Contexte géopolitique

La deuxième lignée des Angevins de Provence et la maison d’Aragon, déjà occupante de la Sicile, se sont affrontées pour la possession du royaume de Naples.

Le roi de Naples, Ladislas, le vainqueur de Louis II d’Anjou, est décédé à Naples le 6 août 1414. N’ayant pas d’enfants, il fut succédé par sa sœur Jeanne II, âgée d’environ quarante-cinq ans et veuve de Guillaume Ier de Habsbourg. Elle fut reconnue comme reine de Naples par le pape Martin V, élu au concile de Constance, qui mit fin au Grand Schisme d’Occident. Elle fut couronnée reine le 28 octobre 1419 par le cardinal Pierre Morosini, légat pontifical.

Mais Jeanne II et Martin V n’ont pas entretenu de bonnes relations, et le pape a changé d’avis, transférant la couronne de Naples à Louis III d’Anjou, fils de Louis II.

Avec l’intervention des galères génoises et marseillaises, Louis III partit pour le sud de l’Italie et arriva devant Naples le 15 août 1420. Jeanne II fit alors appel à Alphonse V d’Aragon pour lui porter secours, et il vint à Naples, assiégée par Louis III, et libéra la ville. Cependant, l’entente entre Jeanne II et Alphonse V ne dura pas longtemps, car Alphonse ne se contentait pas de la situation d’héritier du trône, il voulait prendre le pouvoir. Jeanne II changea à nouveau d’alliance et adopta à son tour Louis III, renouvelant le 21 juin 1413 la donation du royaume que la reine Jeanne I avait précédemment faite en faveur de Louis I. Cet acte fit du roi d’Aragon l’ennemi implacable de la maison des Angevins.

Le pape Martin V et Louis III ont agi sur Philippe Marie Visconti, duc de Milan, pour qu’il rassemble une flotte à Pise en vue d’attaquer Naples. Confronté à cette menace et sachant que son beau-frère, le roi de Castille, menaçait ses territoires, Alphonse V décida de rentrer en Aragon. Sachant cependant que la ville de Marseille s’était en partie désarmée pour soutenir la campagne italienne de Louis III, il décida de l’attaquer lors de son retour.

Marseille à la veille de l’attaque

Une attaque annoncée : Le gouvernement municipal de Marseille n’ignorait pas la menace qui pesait sur la ville avec le passage le long des côtes de Provence de la flotte ennemie. Cette flotte se composait de dix-huit galères et douze navires et avait été repérée d’abord à Nice, puis à Toulon. Étant donné que les habitants de Marseille avaient été avertis, à partir du mois d’octobre, le trésor de l’abbaye de Saint-Victor, ainsi que les reliques de saint Louis de Toulouse, conservées dans le couvent des Frères Mineurs, avaient été mises à l’abri à l’intérieur des remparts.

Malheureusement, la ville ne disposait que de 360 hommes mal armés pour la défense des remparts. De plus, Marseille ne disposait pas de sa flotte, car Louis III avait emmené à Naples les meilleurs navires du port. Les navires qui avaient échappé à cette saisie étaient retournés au port pour être désarmés en prévision de l’approche de l’hiver.

Le système de défense de la ville

La ville médiévale était entièrement située sur la rive nord du port, concentrée autour des collines de Saint-Laurent, des Moulins et des Carmes. Les remparts commençaient à peu près au bas de l’actuelle Canebière, suivaient le cours Belsunce, atteignaient la rive au niveau de la cathédrale de la Major, puis atteignaient la tour Maubert, aujourd’hui tour du roi René, à l’intérieur du Fort Saint-Jean.

Au fond du port, mais en dehors des remparts, se trouvait l’installation Fourmiguier, dédiée à la construction navale, à l’emplacement de l’actuel quai des Belges. La rive sud de la ville, située au nord du Vieux-Port, n’était pas protégée par des remparts. Toute la rive sud du Vieux-Port appartenait à l’abbaye de Saint-Victor et n’était pas urbanisée.

Le système de défense du port, tel qu’il peut être reconstruit à partir de documents d’archives, était entièrement concentré au niveau du canal. L’entrée du port, large d’une centaine de mètres, se composait de deux parties bien distinctes. La partie sud, sur environ soixante-dix mètres, était obstruée par des rochers plus ou moins exposés, empêchant le passage des navires. Seule la partie sud, sur une largeur d’environ trente mètres, constituait le passage navigable.

Pour contrôler ce dernier, il était barré par une chaîne amovible, mais la difficulté de tendre une chaîne d’environ trente mètres avait conduit à diviser le passage en deux parties égales. À cette fin, une tour probablement en bois avait été construite au centre ; deux chaînes d’environ trente mètres avaient été tirées, permettant ainsi d’empêcher ou de permettre l’accès des navires au port.

L’attaque et le pillage de la ville

Le 18 novembre 1423, les guetteurs sur le Marseilleveyre et sur la colline de la Garde signalèrent l’arrivée de la flotte aragonaise au large de la ville. Le 20 novembre, un premier contingent de soldats débarqua dans une anse située à l’ouest de Saint-Victor, probablement l’« anse des Catalans » (nom du XVIIIe siècle probablement dû à un autre événement : l’installation de pêcheurs catalans après la peste de 1720). Les Aragonais s’emparèrent de l’abbaye de Saint-Victor et de la chapelle de Saint-Nicolas.

Malgré la résistance acharnée des défenseurs de la tour Maubert, qui se trouvait à l’emplacement actuel de la tour du roi René dans le fort Saint-Jean, la lourde chaîne qui bloquait l’entrée du port fut brisée et les galères catalanes pénétrèrent dans le port. Le navire de Bertrand Forbin, qui avait été positionné en face des chaînes pour empêcher l’entrée dans le port, fut coulé par quatre galères catalanes.

Le pillage de la ville

La rive nord de l’actuel Vieux-Port était réservée au commerce et à l’amarrage des navires pour le chargement et le déchargement des marchandises et était dépourvue de remparts protecteurs. Les habitants se sont défendus maison par maison, mais les Catalans ont mis le feu. Les maisons, largement construites en bois, ont été encore plus ravagées car les flammes étaient attisées par un vent violent. L’incendie et le pillage ont duré trois jours.

Les Aragonais ont pillé le couvent des Frères Mineurs pour s’emparer du trésor et des reliques de saint Louis de Toulouse. Malgré les précautions prises pour mettre en sécurité ces reliques, elles ont été découvertes grâce à une information obtenue par les pillards.

La ville, sans navires, sans soldats et sans armes, engagés à ce moment-là dans les opérations à Naples, a subi une catastrophe ; malgré le courage des habitants, cet handicap a été aggravé par l’incapacité des autorités à coordonner l’action des milices urbaines. Le viguier de la ville, Arnaud de Villeneuve, un jeune chevalier d’une vingtaine d’années, le premier maire Gaspard de Ricavi (seigneur de Fuveau) et le deuxième maire Gabriel de Sarda, semblent avoir fui rapidement la ville.

Alphonse V rappela ses hommes le 23 novembre et fit ancrer ses galères près de l’archipel des îles du Frioul. Il partit ensuite pour l’Aragon à la fin de novembre en emportant comme trophée les reliques de saint Louis et les deux parties de la chaîne du port. Mais les problèmes de la ville n’étaient pas encore terminés, car après le retrait des soldats aragonais, les criminels de la ville ont continué le pillage. Le viguier d’Aix-en-Provence, Louis de Bouliers, vicomte de Reillanne, arriva plus tard et mit fin au pillage.

La perte des reliques de saint Louis d’Anjou a profondément touché la population, profondément attachée au souvenir du saint, surtout après le transfert de ses restes, en présence de son frère, le roi Robert d’Anjou, dans le couvent des Frères Mineurs. Pour récupérer ces reliques, la ville a entrepris de nombreuses démarches, de 1424 à 1431, auprès d’Alphonse V, et le cardinal Pierre de Foix, légat du pape Martin V auprès d’Alphonse V, ainsi que le pape Martin V et le roi de France Charles VII. Toutes ces interventions se sont révélées vaines. Une petite partie de ces reliques a été restituée le 24 juin 1956 et placée en vénération dans l’église Saint-Ferréol de Marseille, d’où elles ont été volées en 1993 et n’ont pas été retrouvées jusqu’à présent.

La chaîne du port est toujours exposée sur le mur de la cathédrale de Valence, en Espagne.

Le retour lent des habitants : Les Marseillais ont mis du temps à revenir dans leur ville. Face à cette réticence, le 24 mai 1426, la reine Yolande, mère de Louis III, a ordonné aux habitants qui avaient fui lors de l’invasion de revenir dans leurs maisons pour les nécessaires reconstructions, sous peine de confiscation de leurs biens. Le roi de France, Charles VII, a autorisé le transport de bois du Dauphiné en franchise fiscale pour la reconstruction de la charpente des maisons détruites.

La ville s’est d’abord occupée de sa défense, acceptant de nouvelles armes et pièces d’artillerie ; pour cela, elle a contracté une grosse dette auprès de certains banquiers d’Avignon. Pour assurer la sécurité à l’entrée du port, un navire a été affecté à la surveillance du passage, puis en 1425, une chaîne a été réinstallée dans le passage. Étant donné le coût élevé de l’entretien de la tour Mauber, pivot de la défense du passage, il a été déplacé en face du niveau de la chapelle de Saint-Nicolas.

Ce n’est que plus tard, de 1447 à 1452, sous le règne de René d’Anjou, frère de Louis III, que la tour a été reconstruite et incorporée au Fort Saint-Jean.

La ville de Marseille a équipé à ses frais des navires particulièrement adaptés à la guerre de course contre les navires catalans. L’audace de leurs capitaines était grande : Boton n’a pas hésité à pénétrer dans le port d’Aigues-Mortes, qui faisait alors partie du royaume de France, pour capturer un navire de Collioure, au risque de provoquer une crise diplomatique entre la Provence et la France.

Cependant, Marseille a confirmé son attachement viscéral à la libre circulation entre le port et la ville ; en effet, le nouveau viguier, Astorge de Peyre, a dû renoncer à transformer en bastion la première ligne de maisons le long du quai au nord du port.

Pour remédier aux graves dommages causés au commerce catalan, les Catalans ont organisé une expédition de représailles, débarquant à l’estuaire du Rhône pour assiéger Marseille, mais le gouvernement du comté était en alerte et a repoussé l’ennemi. Un cessez-le-feu a été conclu le 15 juin 1451. Une paix précaire s’est installée : l’un des signes de ce retour à la paix a été la création d’une juridiction célèbre, celle des Pêcheurs Vertueux de Marseille. Le commerce a repris peu à peu.

Source it.wikipedia.org


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