Le mercredi 24 janvier, le tribunal administratif de Lille s’est transformé en une scène de débat houleux où les représentants de la préfecture du Nord et les avocats du lycée musulman Averroès* se sont affrontés au sujet de la résiliation du contrat d’association entre l’État français et cet établissement scolaire.
Le lycée Averroès, situé à Lille, est le principal lycée musulman sous contrat en France, mais il se trouve actuellement au cœur d’une controverse juridique majeure : doit-il continuer à être financé par les deniers publics ?
C’est la question cruciale à laquelle le tribunal administratif a dû répondre lors de cette audience.Le représentant de la préfecture du Nord confirme que le lycée Averroès véhicule une doctrine « séparatiste ».En décembre dernier, Georges-François Leclerc, alors préfet du Nord, avait décidé de rompre à partir de la rentrée de septembre 2024
Début janvier, les avocats du lycée Averroès avaient déposé une demande en référé suspension dans le but de suspendre temporairement les effets de la décision du préfet du Nord, prise le 7 décembre, de résilier le contrat d’association entre le lycée et l’État. Cette procédure d’urgence a été initiée en attendant un jugement sur le fond, qui sera rendu ultérieurement et qui décidera de l’annulation ou non de la décision préfectorale.
Les avocats des requérants – l’association Averroès, le comité social et économique, ainsi que l’association des parents d’élèves du lycée – ont dû d’abord convaincre la cour de la nécessité d’une décision rapide, tout en argumentant sur le fait qu’il existe un « doute sérieux » quant à la légalité de la décision préfectorale.
Vincent Brengarth, l’avocat de l’association Averroès, a déclaré que « cette décision de résiliation est un arrêt de mort d’un point de vue financier » pour l’établissement. Il a également souligné que cette mesure, qui n’entrera en vigueur que le 1er septembre prochain, a déjà des conséquences sur l’organisation de l’école, le recrutement des enseignants et la scolarité des élèves.
De leur côté, les représentants de la préfecture ont contesté la légitimité de la requête des avocats du lycée Averroès, arguant qu’il n’y avait pas d’urgence puisque la résiliation ne prendrait effet qu’à partir du 1er septembre 2024. « Le fait que le personnel soit affecté et que la direction se pose des questions ne relève pas d’un préjudice grave et imminent », ont-ils plaidé.
François Pinatel avocat de la préfecture a mis en avant une « adhésion matériellement établie » du lycée Averroès « à des doctrines manifestement contraires aux valeurs que doit véhiculer l’enseignement privé sous contrat d’association ».Rappelons que le directeur adjoint d’Averroès Makhlouf Mamèche est vice-président des Musulmans de France)
En outre, les avocats ont également remis en question la légalité de la décision de résiliation, affirmant que les droits de l’association n’avaient pas été respectés.
La décision sur la procédure en référé suspension devrait être rendue dans les prochains jours, tandis que le jugement sur le fond de cette affaire déterminera le sort du lycée musulman Averroès à plus long terme.
*Averroès, également connu sous le nom latinisé d’Ibn Rochd, était un philosophe, théologien, juriste et médecin musulman andalou du XIIe siècle.