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Le pape Léon XIV nomme un premier évêque chinois : un geste de dialogue dans un climat de persécution religieuse

Eglise catholique en Chine - DR
Eglise catholique en Chine - DR
La nomination est-elle un pas vers une liberté religieuse accrue ou un gage donné à un pouvoir qui poursuit sa stratégie de « sinisation » des religions ?

Le Saint-Siège a confirmé la nomination, faite le 5 juin par le pape Léon XIV, de Monseigneur Giuseppe Lin Yuntuan comme évêque auxiliaire de Fuzhou, dans la province du Fujian. Cette reconnaissance officielle a été rendue publique après sa prise de possession de l’office épiscopal, validée également par les autorités chinoises, en vertu de l’accord provisoire signé en 2018 entre le Vatican et la République populaire de Chine.

Cette désignation, la première en Chine depuis l’élection du pape Léon XIV, intervient dans un contexte de durcissement sans précédent du régime chinois à l’égard des activités religieuses. Depuis le 1er mai, Pékin interdit formellement à tout missionnaire étranger de prêcher, de créer des écoles ou des œuvres caritatives, de publier des textes religieux ou d’enseigner, sauf à être expressément invité par une organisation contrôlée par le Parti communiste chinois (PCC). Officiellement justifiées par des impératifs de « sécurité nationale », ces mesures sont dénoncées par de nombreux observateurs comme une persécution religieuse à peine voilée.Mgr Lin Yuntuan, né en 1952 à Fuqing, est une figure de longue date de l’Église catholique en Chine. Ordonné prêtre en 1984 après des études au séminaire de Fuzhou, il a exercé divers ministères paroissiaux et administratifs, allant jusqu’à être administrateur apostolique ad nutum Sanctae Sedis entre 2013 et 2016. Il a reçu l’ordination épiscopale le 28 décembre 2017, mais ce n’est qu’aujourd’hui que sa nomination à un rôle officiel est reconnue dans le cadre de l’accord sino-vatican.

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Pourtant, alors que ce geste semble vouloir témoigner d’une volonté de dialogue entre Rome et Pékin, le climat religieux en Chine s’est fortement détérioré. L’organisation International Christian Concern souligne que la notion « d’activité religieuse normale » ,critère utilisé par le régime, sert à restreindre toute expression de foi indépendante. Les Églises de maison, non enregistrées, sont violemment réprimées : arrestations, perquisitions, et fermetures se sont intensifiées ces derniers mois. Un système de surveillance numérique évalue même la loyauté des croyants envers le Parti.

Monseigneur Giuseppe Lin Yuntuan

Les nouvelles règles interdisent explicitement à tout non-citoyen chinois vivant sur le territoire d’exercer une mission religieuse, y compris dans un cadre caritatif ou éducatif, sans autorisation formelle. Tout contenu doit être validé à l’avance par les autorités. « L’argument de la sécurité nationale est abusif », dénonce Arielle Del Turco, du Family Research Council, qui appelle à une réaction claire des pays occidentaux.

Dans ce contexte, la nomination d’un évêque par le pape, validée par les autorités chinoises, pose une question sensible : est-elle un pas vers une liberté religieuse accrue ou un gage donné à un pouvoir qui poursuit sa stratégie de « sinisation » des religions, c’est-à-dire leur soumission à l’idéologie du PCC ?

Derrière les apparences diplomatiques, c’est toute la question de la fidélité au Christ, hors du contrôle des puissances temporelles, qui se joue.La Chine ne tolère la foi que dans les limites imposées par l’État. Ce que redoute le régime, ce n’est pas l’organisation religieuse, mais la puissance silencieuse de l’Évangile vécu et transmis, la force de la charité et de la vérité. Comme le souligne un observateur : « La croix demeure, malgré les interdits, plus forte que le drapeau rouge. » À l’heure où les droits fondamentaux sont bafoués, il revient aux Églises, aux ONG et aux États de ne pas détourner les yeux. Il s’agit bel et bien d’une guerre contre la foi.

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