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Le Vatican face au scandale Príncipi : une tentative d’annulation de la justice canonique ?

Alberto Ariel Príncipi - DR
Alberto Ariel Príncipi - DR
Le Vatican devra probablement choisir entre laisser subsister l’ombre de la complicité papale ou clarifier publiquement ce qui s’est réellement passé.

L’affaire Príncipi, qui secoue actuellement le Vatican, met en lumière des dysfonctionnements graves au sein de la Curie romaine, notamment autour d’un prêtre argentin condamné à deux reprises pour abus sexuels sur mineurs. Le cas d’Alberto Ariel Príncipi, ancien prêtre, est d’autant plus sensible qu’une tentative extralégale a été faite pour annuler sa condamnation et le rétablir dans le ministère, ce qui soulève des questions cruciales sur la transparence et l’intégrité des procédures judiciaires au sein de l’Église.

En 2021, Príncipi est accusé d’abus sexuels sur mineurs dans le diocèse de Villa de la Concepción del Río Cuarto en Argentine. Après une enquête préliminaire, les résultats sont envoyés à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi à Rome, l’autorité compétente en droit canonique pour traiter ces affaires.

Le Dicastère délègue ensuite l’affaire à un tribunal interdiocésain local, qui condamne Príncipi le 2 juin 2023 pour plusieurs faits d’abus et ordonne sa laïcisation. La sentence est confirmée en appel par un autre tribunal interdiocésain de Buenos Aires le 18 avril 2024.

Cependant, en juin et juillet 2024, des évêques argentins présentent de nouvelles « preuves » à Rome, plaidant contre la laïcisation de Príncipi. Le Secrétariat d’État du Vatican annonce alors, le 5 juillet, le lancement d’une « procédure extraordinaire » pour réexaminer le dossier. Ce processus, mené dans le plus grand secret, se déroule sans que le DDF ni le diocèse de Río Cuarto en aient été informés. Le 23 septembre 2024, l’archevêque Edgar Peña Parra, sostituto au Secrétariat d’État, signe un ordre de réintégration de Príncipi dans le ministère sacerdotal, annulant ainsi sa double condamnation pour abus sexuels et le déclarant coupable uniquement de « négligence ».

Cette décision suscite une vive controverse. Deux jours après l’annonce de la réintégration de Príncipi, l’archevêque Kennedy, responsable de la section disciplinaire du DDF, annule l’ordre de Peña Parra, soulignant que la laïcisation de Príncipi reste en vigueur et que l’affaire revient sous le processus ordinaire du DDF. Ce dernier rappelle que la procédure n’a pas suivi les voies légales prévues, fermant ainsi le dossier.

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Malgré les déclarations officielles, plusieurs zones d’ombre subsistent, notamment sur la nature de cette « procédure extraordinaire » et sur les acteurs ayant joué un rôle dans la tentative d’annulation de la laïcisation. Si l’initiative venait uniquement de Peña Parra, la question de sa responsabilité personnelle se pose. Toutefois, des interrogations demeurent : des évêques argentins ont-ils pris contact directement avec le pape François ou son secrétaire personnel pour faire pression en faveur de Príncipi ? Le rôle du cardinal Víctor Manuel Fernández, également argentin et ancien camarade de séminaire de Príncipi, mérite également d’être clarifié.

La gravité de l’affaire réside dans le fait qu’un prêtre, condamné à deux reprises pour des abus graves, ait pu faire l’objet d’une tentative de réintégration, ce qui va à l’encontre des réformes mises en place par le pape François pour lutter contre les abus sexuels au sein de l’Église. En 2022, le pape lui-même soulignait que « sans transparence et responsabilité », les fidèles perdraient toute confiance dans leurs pasteurs. Cette affaire pourrait remettre en question les efforts de réforme de François, surtout si elle venait à être perçue comme un acte de complicité au plus haut niveau.

La situation est d’autant plus délicate que le DDF, sous la direction de l’archevêque Kennedy, a pris une position ferme contre cette tentative de subversion des décisions judiciaires. Si le rôle du pape lui-même dans cette affaire venait à être avéré, cela exposerait un grave conflit au sein de la Curie et pourrait nuire à la crédibilité du pontificat.

Le Vatican n’a pas encore commenté directement l’affaire, mais la rapidité avec laquelle les autorités du Vatican ont réagi à cette situation indique une prise de conscience de la gravité de ce scandale potentiel. Le Vatican devra probablement choisir entre laisser subsister l’ombre de la complicité papale ou clarifier publiquement ce qui s’est réellement passé.

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