Votre Tribune est un espace d’expression libre où chacun peut partager ses réflexions et points de vue dans le respect des opinions d’autrui. Nous vous invitons aujourd’hui à lire une lettre adressée à Monseigneur Wintzer, en réponse à son message du 6 août aux habitants des Deux-Sèvres.
Cette lettre a été envoyée à la rédaction de Tribune chrétienne ( redaction@tribunechretienne.com ), elle exprime les préoccupations d’un fidèle catholique concernant le traitement du rite traditionnel et les positions exprimées par Monseigneur Wintzer.
Nous espérons que cette réflexion suscitera un dialogue enrichissant dans le respect de chacun.
“Monseigneur,
J’ai lu votre message du 6 août aux habitants des Deux-Sèvres, lettre ci-dessous. Je ne suis pas de votre diocèse mais en tant que catholique je souhaite vous faire part de ma réflexion à la lecture de votre message.
Âgé de 67 ans, je suis père de 6 enfants et grand-père de 15 petits-enfants. J’ai repris la pratique religieuse à l’âge de 12 ans grâce au scoutisme (les Scouts d’Europe en Seine-Saint-Denis à l’époque). Je parle de reprise de pratique religieuse car mes parents, anciens scouts, avaient déserté leur paroisse et nous avec, à la suite des réformes des années 1968/70.
Le scoutisme m’a fait découvrir, au gré des lieux de camp, des monastères où la messe était célébrée dans sa forme traditionnelle (Randol, Fontgombault). J’ai ensuite recherché des églises et des communautés où la messe était célébrée de cette façon car sa verticalité avait déclenché en moi cette soif de Dieu et être ce qu’on appelle un catholique pratiquant.
Je fais ce développement personnel pour souligner que j’aurais quitté l’Église depuis fort longtemps si je n’avais pas fait cette découverte de ma religion comme expliqué ci-dessus car l’horizontalité de ce qui était proposé dans ma paroisse géographique et dans bien d’autres ne m’aspirait pas vers notre Seigneur.
J’en viens à votre message de départ qui sur certains points est complètement incompréhensible et même douloureux pour moi comme pour tant d’autres catholiques. Comme vous supportez que l’on soit en désaccord avec vous, je voudrais vous parler de ces catholiques dits traditionalistes mais que je préfèrerais qualifier tout simplement de catholiques.
Une des premières choses qui m’a surpris c’est quand vous parlez de « s’appuyer sur des repères communs » en citant comme catholique le Concile Vatican II. Est-ce que l’Église a commencé son existence avec Vatican II ?
J’ai trouvé cette affirmation plutôt réductrice. Quant à la loi de notre pays qui s’impose à tous Français, permettez-moi de ne pas considérer comme repère commun les lois sur l’avortement, le divorce et bientôt l’euthanasie comme devant s’imposer à moi en tant que catholique français.
Ensuite et comme vous, la liturgie occupe une place importante dans mon cœur. Pour moi aussi elle a été le chemin qui m’a permis d’entendre dès mon enfance l’appel du Seigneur. Il est là bien douloureux de lire que vous pensiez que les catholiques fidèles au vetus ordo, le considèrent comme un « instrument au service d’autre chose que d’elle-même », « au service de la mise en scène soi ».
Je ne me considère pas en « maitre de la liturgie » mais c’est cette forme (qui est celle aussi de l’Église depuis des siècles) qui fait que tous les jours j’essaie de vivre en bon et vrai catholique cherchant Dieu dans son prochain, dans le respect de la loi de Dieu et l’enseignement de l’Eglise.
Etes-vous vraiment objectif en pensant que le bricolage des messes selon le nouvel ordo a cessé alors qu’il est permanent et qu’il évolue en permanence. Je le constate à chaque fois que je vais à la messe selon le nouvel ordo (et oui, je pense que c’est aussi la messe).
Ne me dites pas que vous ne savez pas que les textes de Vatican II sont loin, voire très loin d’être respectés dans d’innombrables paroisses à commencer par le latin (devant être maintenu à certains moments de la messe), la communion dans la main (résultat d’une désobéissance à l’Eglise), le chant liturgique (qui n’est pas du Johnny Halliday, Pascal Obispo ou n’importe quel autre chanteur contemporain).
Quant à « l’assujettissement à l’hypermodernité qui ne connaît que la satisfaction des désirs individuels » j’ai constaté qu’il était loin d’être négligeable aujourd’hui encore dans les célébrations selon le nouvel ordo avec ce que vous appelez le bricolage de la liturgie.
En relisant votre paragraphe sur la liturgie et ce que l’on nomme péjorativement les tradis, il me vient à l’esprit ce proverbe « quand on veut abattre son chien on l’accuse de la rage ».
Monseigneur, fréquentez-vous ces catholiques attachés au rite traditionnel, allez-vous déjeuner chez eux, assistez-vous à leurs cours de catéchisme quand vous l’autorisiez encore récemment dans votre diocèse, les avez-vous rencontrés pendant les messes sur votre diocèse ? Ce que vous écrivez sur eux me ferait penser que non.
Enfin Monseigneur, si le vetus ordo n’est pas celui commun issu du dernier concile œcuménique, en quoi cela lui interdirait d’exister ? Vatican II a-t-il supprimé tous les autres rites catholiques (10 en rites orientaux et 11 en rites latins) ? Depuis quand l’unité serait synonyme d’unicité ?
Nous catholiques, vous demandons vous aussi de ne « pas éteindre l’Esprit » car nous ne sommes pas « Semper idem ». Nous partageons votre phrase de conclusion « il n’y aurait rien de pire que de penser la vie, la société, l’Église sous le mode de la photocopie » et c’est là que vous êtes incompréhensible car refuser la pratique (ou pour le moins lui mettre des bâtons dans les roues) du rite traditionnel et ses divers Sacrements qui vont avec, n’est-ce pas « l’Église sous le mode de la photocopie », « Semper idem » ???
En ces années où l’on ne compte plus en France que 8% de catholiques pratiquants dont 3 ou 4 % vont à la messe tous les dimanches, où 80% d’entre eux ne savent pas à quoi l’Ascension, l’Assomption ou la Pentecôte font référence selon l’Ifop, où la moyenne d’âge dans les églises est plus proche de celle de la retraite que celle du nourrisson, où moins d’un tiers des moins de 25 ans se dit chrétien, où les séminaires sont très loin de faire le plein (dont le vôtre), comment peut-on se montrer aussi sectaire avec les catholiques attachés au rite selon la forme extraordinaire ?
Comment vouloir se rapprocher des protestants et négliger (pour ne pas dire plus) cette partie du troupeau que nous sommes ? Oui, vous êtes sur ce point bien incompréhensible.
Enfin, si la loi suprême dans l’Église est toujours le salut des âmes, est-ce que la pratique traditionnelle de la liturgie, du catéchisme et des sacrements va contre cet objectif ? Si la réponse est non, pourquoi cette forme d’ostracisme et de mépris à notre endroit ?
Croyez Monseigneur en mon attachement à l’Église et à sa hiérarchie épiscopale.
signé EB”
Lettre de Monseigneur Wintzer aux habitants des deux Sèvres et de la Vienne