C’est une décision exceptionnelle qui est annoncée dans la cité phocéenne : le tribunal administratif de Marseille a enjoint au préfet de région Provence-Alpes-Côte d’Azur d’entreprendre sans délai les travaux d’accessibilité de la cathédrale Notre-Dame de la Major. Ce sont nos confrères de actu.fr qui nous révèlent cette décision rendue publique le 30 septembre 2025.
Saisie par une paroissienne lassée d’attendre, la justice a estimé que l’État ne pouvait plus différer la mise en conformité de ce monument religieux emblématique de Marseille. La consultation des entreprises devra être engagée avant le 30 novembre 2025, et les travaux achevés d’ici au 31 mai 2026. Le préfet a été condamné à verser 1 000 euros de frais de justice à la requérante.Cette affaire, apparemment technique, met en lumière la lenteur administrative qui retarde parfois les projets de préservation du patrimoine religieux. Car La Major n’est pas un édifice ordinaire : elle incarne à elle seule quinze siècles d’histoire chrétienne à Marseille.
La cathédrale Notre-Dame-de-la-Major, siège de l’archevêque de Marseille, s’élève sur un site occupé par des lieux de culte depuis le Ve siècle. La cathédrale primitive, dont quelques mosaïques subsistent, fut remplacée au XIIe siècle par une église romane, dite la vieille Major, dont une travée et le chœur ont été conservés. Au XIXe siècle, sous l’impulsion de Mgr Eugène de Mazenod, une nouvelle cathédrale fut édifiée pour accueillir une population marseillaise en pleine expansion. La première pierre fut posée en 1852 par le prince-président Louis-Napoléon Bonaparte. Les architectes Léon Vaudoyer, Henri-Jacques Espérandieu et Henri Révoil se succédèrent sur le chantier, qui dura plus de quarante ans.
La Major, construite dans un style romano-byzantin, marie les influences d’Orient et d’Occident. Ses pierres alternent le blanc de Carrare et le vert de Florence, ses mosaïques sont vénitiennes, et ses colonnes en porphyre tunisien soutiennent un ensemble monumental : 142 mètres de long, une nef de 20 mètres de haut, une coupole culminant à 70 mètres. Le portique monumental encadré de deux tours s’ouvre sur un intérieur où alternent marbres, mosaïques et sculptures. Sous les voûtes se déploie un décor où la lumière, filtrée par les vitraux, révèle la richesse des matériaux. Les chapelles absidiales, le maître-autel en marbre de Carrare et son ciborium d’onyx, don du marbrier Jules Cantini, témoignent d’un art sacré raffiné. Classée monument historique dès 1906, érigée en basilique mineure par le pape Léon XIII en 1896, la cathédrale demeure aujourd’hui un repère majeur du patrimoine français et méditerranéen.
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Chaque année, le 15 août, la cathédrale devient le cœur battant de Marseille lors de la procession de l’Assomption. La statue dorée de la Vierge quitte le sanctuaire, portée dans les rues du Panier, suivie par une foule de fidèles venus présenter leurs enfants et leurs prières à la Madone de la Major.
Ces traditions séculaires rappellent que le patrimoine religieux n’est pas seulement un héritage de pierre, mais un lieu de vie et de foi.
Précisons que les travaux de revalorisation urbaine autour de la cathédrale, dans le cadre du projet Euroméditerranée, ont permis de redonner à La Major une certaine place centrale dans le paysage du front de mer marseillais. La mise en lumière réalisée par EDF et la création de l’esplanade Jean-Paul II ont renforcé la visibilité de cet édifice, aujourd’hui pleinement inscrit dans la modernité urbaine.
Dans tous les cas, l’injonction judiciaire adressée au préfet ne relève pas seulement d’une question technique d’accessibilité. Elle souligne un problème plus vaste : celui de l’entretien et de la mise en sécurité des églises françaises, dont une grande partie appartient aux communes et souffre d’un manque chronique de moyens. De la petite chapelle rurale à la grande cathédrale urbaine, trop d’édifices se dégradent faute d’entretien régulier. L’affaire de La Major invite à une réflexion nationale : comment assurer, au XXIe siècle, la pérennité de ces monuments qui incarnent l’âme de nos territoires ?Il devient urgent de mettre en place un cadre pérenne, associant l’État, les collectivités locales et les diocèses, afin de garantir la conservation, la sécurité et l’accessibilité des églises de France. Ces lieux de prière, de culture et de mémoire méritent plus qu’une gestion au cas par cas : ils appellent une véritable politique patrimoniale et religieuse d’ensemble. Préserver nos cathédrales, c’est préserver une part de notre identité. La Major, par sa beauté, son histoire et la foi qu’elle abrite, rappelle à tous que la France, même laïque, reste profondément façonnée par son héritage chrétien.


