Le Vatican vient de confirmer l’existence d’un dossier confidentiel, jusqu’ici niée, contenant des informations clés sur la mystérieuse disparition d’Emanuela Orlandi, une adolescente de 15 ans disparue en 1983. Cette annonce marque un tournant significatif dans une affaire qui intrigue et bouleverse l’Italie et le monde catholique depuis quarante ans.
Un dossier longtemps dissimulé
La révélation a été faite par Alessandro Diddi, promoteur de justice du Vatican chargé de l’enquête, lors de la présentation du livre Il trono e l’altare ( Le trône et l’autel ) Il a précisé que bien que l’existence de ce document soit désormais officielle, son contenu et l’identité de son auteur resteront confidentiels jusqu’à la conclusion de l’enquête en cours.
Cette déclaration vient confirmer les accusations portées depuis des années par Pietro Orlandi, frère de la disparue, qui n’a jamais cessé d’affirmer que le Vatican détenait des éléments cruciaux pour éclaircir l’affaire. L’existence de ce dossier avait été évoquée pour la première fois par Paolo Gabriele, ancien majordome de Benoît XVI impliqué dans le scandale Vatileaks, et soutenue par Domenico Giani, ex-commandant de la gendarmerie vaticane.
Une enquête relancée face à la pression familiale
En janvier 2023, le Vatican a rouvert l’enquête, après sa clôture en avril 2020 sans résultat concluant. Cette décision a été motivée par les pressions constantes de Pietro Orlandi, qui mène depuis quatre décennies une campagne acharnée pour découvrir la vérité sur la disparition de sa sœur.
Domenico Giani, ancien commandant de la gendarmerie vaticane, aurait rédigé une « reconstitution historique » en 2012 sur l’affaire Orlandi, maintenant à disposition du Promoteur de Justice. Ce détail ajoute une dimension historique importante et soulève la question de la gestion et de la conservation de ce dossier pendant plus d’une décennie.
Par ailleurs, les résultats des activités menées par le Vatican en lien avec cette affaire n’ont jamais été partagés ni avec la famille Orlandi ni avec le parquet de Rome, ce qui aurait pu être décisif lors des enquêtes précédentes.
Emanuela Orlandi était la fille d’un fonctionnaire du Vatican, Ercole Orlandi, et résidait au sein même de l’État de la Cité du Vatican. Sa disparition, survenue après un cours de musique à Rome, a rapidement pris une tournure internationale, alimentée par des hypothèses allant du crime organisé à des factions internes au Vatican, en passant par des revendications politiques du Front de Libération Turc.
En 2019, à la demande de la famille Orlandi, deux tombes situées dans un cimetière du Vatican ont été ouvertes. Ces tombes, censées contenir les dépouilles de princesses enterrées depuis le XIXe siècle, se sont révélées vides. À proximité, des ossuaires contenant des fragments d’os ont été découverts, mais une analyse a confirmé que ces restes étaient trop anciens pour être ceux d’Emanuela.
L’avocate de la famille Orlandi, Laura Sgró, a qualifié la récente reconnaissance du dossier comme « un pas important vers la vérité ». Elle a cependant exprimé son indignation face à des décennies de silence et de démentis de la part du Vatican :
Un mystère au cœur de théories troublantes
Le documentaire Netflix Emanuela Orlandi, la disparue du Vatican a relancé l’intérêt pour cette affaire en explorant plusieurs théories. Parmi elles, l’implication présumée de la mafia romaine, des membres corrompus du clergé, ou encore d’un réseau cherchant à faire chanter le Vatican. Le documentaire présente également un témoignage inédit : une amie d’enfance d’Emanuela affirme que celle-ci lui avait confié avoir été abusée par « quelqu’un proche du pape ». Bien que ces accusations n’aient pas été confirmées, elles jettent une ombre supplémentaire sur cette affaire déjà complexe.
Mark Lewis, réalisateur de la série, expliquait : « Ce mystère est à la croisée de la géopolitique, du crime organisé et des luttes internes au sein de l’Église. L’histoire d’Emanuela dépasse celle d’une simple disparition. »
Alors que le Vatican reconnaît enfin l’existence d’un document crucial, les proches d’Emanuela espèrent que ce sera le début d’une nouvelle phase de transparence. Pietro Orlandi, figure centrale de la campagne pour la vérité, reste déterminé à obtenir des réponses. « Pour nous, chaque pas compte. Mais il est temps que justice soit rendue, et que l’Église, que nous avons servie toute notre vie, prouve qu’elle défend la vérité », a-t-il déclaré.
Le mystère de la disparition d’Emanuela Orlandi demeure une blessure ouverte, non seulement pour sa famille, mais aussi pour l’image du Vatican. Entre silence, théories et espoirs renouvelés, cette affaire illustre la nécessité d’une vérité qui, malgré le temps écoulé, reste impérative pour rétablir la justice et la confiance.
Avec ACI