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Tribune Chrétienne

Depuis 2000 ans

Qui décide dans l’Eglise ?

Série- LES GRANDS DOSSIERS ET SECRETS DU VATICAN

Bernard Lecomte.

Il est aussi une question dont tout le monde parle sans qu’elle soit posée, au moins officiellement : qui détient, dans l’Eglise, l’autorité suprême ? Qui peut décider en dernier recours : le pape, les évêques, le concile ?

Quand le Christ a dévolu son autorité à Simon Pierre – « Tu es Pierre et sur cette pierre… » – s’adressait-il au disciple, à l’évêque, au chef de la première communauté chrétienne ou au premier pape ?

L’évangéliste Mathieu rapporte une autre parole de Jésus :

« Chaque fois que deux ou trois d’entre vous serez réunis en mon nom, je serai parmi vous. »

L’autorité « divine » serait-elle issue de ces réunions ? Des centaines, peut-être des milliers de théologiens ont planché sur le sujet depuis dix-huit siècles. Certes, la tradition voulait, jusqu’à la Réforme, que les décisions du souverain pontife s’imposent à toute la chrétienté.

Que le pape soit, selon les termes du concile de Florence en 1439, « le docteur de toute l’Eglise et de tous les chrétiens ». Mais Luther est venu, et Zwingli, et Calvin, et aussi Henri VIII d’Angleterre, qui ont changé la donne. Une partie de l’Europe, convertie au protestantisme, considère désormais que l’on peut être chrétien et ignorer le pape, ses fastes et ses préceptes. Même au sein du monde catholique, les choses ne sont pas claires.

Depuis Philippe le Bel, les rois de France dénient au pape son autorité temporelle, et l’Eglise de France elle-même a fait sienne la doctrine « gallicane » selon laquelle les décisions dogmatiques de l’évêque de Rome ne sont valides que si elles ont obtenu l’assentiment de toute l’Eglise.

En Allemagne, depuis 1763, le « fébronianisme » (de Febronius, pseudonyme d’un évêque suffragant de Trèves) estime que le pape n’est qu’un évêque comme les autres, avec une simple primauté d’honneur, et que c’est au corps entier de l’Eglise que le Christ a confié les clefs de son royaume terrestre…

En dix-huit siècles, l’Eglise n’a jamais osé franchir le pas et prétendre officiellement que son chef fût infaillible.

Pie IX, effrayé par l’effacement de l’Eglise dans le concert des nations et par le recul de son autorité dans la société de son époque, pense qu’il est temps de proclamer, une bonne fois pour toutes, le dogme de l’infaillibilité pontificale.

C’est aussi la conviction d’une majorité de cardinaux. Encore faut-il boucler cette affaire en souplesse, sans déclencher un ouragan de réactions malveillantes dans les journaux laïcs d’Europe, et sans s’attirer les foudres des nombreux catholiques opposés à cette idée ! Car en Europe, surtout en France et en Allemagne, l’opinion catholique est divisée entre les « libéraux », qui tentent de concilier les innovations politiques et la fidélité à la foi chrétienne, et les « ultramontains », dont le rêve est de voir Rome régner de nouveau sur la chrétienté. Les premiers tentent de surmonter l’hostilité réflexe de l’Eglise face au progrès technique et aux libertés civiles. Les seconds s’accrochent à l’idée qu’une restauration, au sens fort du terme, est encore possible.

Dans ces conditions, l’Eglise aura du mal à proclamer unanimement, de façon crédible, que le pape est « infaillible » ! Pourtant, à lire la très officielle Histoire vraie du concile du Vatican, rédigée quelques années plus tard par le cardinal Manning, un des plus farouches partisans de la proclamation de ce dogme, il semble que ce concile, en 1870, ait réalisé le miracle…

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