Un nouveau scandale secoue les enquêtes sur les abus sexuels au sein de l’Église, avec la démission collective de tous les membres de la commission d’enquête sur les abus sexuels et spirituels dans certains foyers de charité. Cette décision fait suite à des désaccords profonds et à des obstacles rencontrés lors de l’enquête.
Les membres de la commission avaient rassemblé 143 témoignages de victimes, notamment d’anciens élèves de l’école Châteauneuf et de participants aux retraites de l’œuvre de charité. Mais leur travail a été brusquement interrompu par leur démission, annoncée le 20 mars.
La commission, formée il y a un an, avait pour mission d’enquêter sur les abus perpétrés au foyer de charité de Châteauneuf-de-Galaure par le père Georges Finet. Cependant, des modifications apportées aux termes de la commission, ainsi que des désaccords avec les délégués pontificaux, ont conduit à cette démission collective.
Qui étaient les membres ?
Il y avait une théologienne Marie-Jo Thiel, un historien Denis Pelletier, un politiste Philippe Portier, deux théologiens Joël Molinario et Lionel Siben ainsi que deux psychiatres Thierry Baubet et Jean-Georges Rohmer, et enfin Alessandra Pozzo, linguiste et chercheuse au CNRS.
Les membres de la commission ont déclaré avoir rencontré des difficultés, notamment de l’hostilité de la part des Foyers de Charité et des dissensions entre les délégués pontificaux. Pour eux, ces obstacles compliquent leur travail et vont à l’encontre des règles exigées par les commissions indépendantes précédentes.
Pour Thierry Baubet, pédopsychiatre et membre de la commission, cette démission est un signal clair que les autorités cherchent à étouffer les révélations sur les abus.
Marie-Jo Thiel : «On s’est servi de nous»
«Nous n’avons pas été écoutés, ni suivis, on s’est servi de nous», a confié à cath.ch Marie-Jo Thiel, une de membres de la commission d’enquête. Elle rappelle que les Foyers de charité ne dépendent pas des évêques, ni de la conférence des religieux (CORREF), mais du Dicastère romain pour les laïcs. Or le délégué pontifical Laurent Landete est précisément membre de ce dicastère. Ce qui rend la situation complexe et délicate. «Les obstructions ne sont absolument pas venues de Mgr Dubost», tient à préciser l’ancienne professeure de Strasbourg.
«Nous avons appris pas mal de choses qui montrent la profondeur du problème et les dissensions internes à l’œuvre des Foyers de Charité. Mais nous n’avons pour l’heure pas décidé ce que nous ferons de ce matériel. Nous sentons qu’il y a de gros intérêts de pouvoir, mais aussi matériels et financiers.»
«Nous avons eu des témoignages d’abus de pouvoir, spirituel ou sexuels dans pratiquement tous les foyers, relève la chercheuse. Le statut des ‘Pères’ placés à la tête des foyers est un facteur de risque spécifique.»
Pour Marie-Jo Thiel, la réaction devrait venir du Dicastère pour les laïcs puisqu’il est l’autorité compétente. MP
