Alors que le Saint-Siège ne cesse de battre sa coulpe face aux scandales d’abus sexuels commis par certains prêtres, offrant aux médias et aux laïcs avides de scandale un spectacle de contrition publique, la question se pose : les petits arrangements entre amis prévalent-ils sur la quête de la vérité ? Dans le cas Rupnik, l’attitude du Vatican suscite l’incompréhension et soulève de sérieuses interrogations.
Les mosaïques de l’ancien prêtre jésuite Marko Rupnik, tombé en disgrâce pour des faits d’abus sexuels, spirituels, physiques et psychologiques, continuent d’orner les célébrations liturgiques du Vatican. Le 19 mars dernier, pour la fête de Saint-Joseph, le site officiel du Vatican a une nouvelle fois mis en avant une image signée Rupnik.Cette décision, loin d’apaiser les esprits, suscite l’indignation. Comment le Saint-Siège peut-il, d’un côté, dénoncer fermement les abus commis par certains clercs, et de l’autre, continuer à promouvoir les œuvres d’un homme accusé des pires dérives ?
Des accusations accablantes et une indulgence coupable
Les accusations contre Rupnik sont pourtant accablantes : des victimes présumées l’accusent d’avoir imposé des pratiques sexuelles dévoyées, d’avoir exigé des relations sexuelles pour imiter la Trinité ou encore d’avoir contraint des religieuses à boire son sperme dans un calice. Gloria Branciani, ancienne membre de sa communauté religieuse, témoigne que « l’obsession sexuelle de Rupnik n’était pas extemporanée mais profondément liée à sa conception de l’art et à sa pensée théologique ».
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Ces témoignages, jugés « très crédibles » par ses anciens supérieurs jésuites, sont pourtant balayés d’un revers de main par les instances vaticanes, qui continuent de faire la sourde oreille. Pendant ce temps, l’enquête menée par le Dicastère pour la Doctrine de la Foi piétine, sans qu’aucune décision claire ne soit prise, plus de 500 jours après son ouverture.
Des liens d’amitié qui brouillent la vérité
Pourquoi cette mansuétude à l’égard de Rupnik ? Certains estiment que la proximité entre l’artiste et le pape François joue un rôle déterminant dans cette étrange bienveillance. En 2018, le Souverain Pontife déclarait avoir reçu une mosaïque de Rupnik en cadeau personnel. Ce geste symbolique, qui aurait pu paraître anodin en d’autres circonstances, prend aujourd’hui des allures d’indulgence coupable.
De plus, l’une des principales collaboratrices de Rupnik, Natasa Govekar, directrice du département théologico-pastoral du Dicastère pour la communication, continue de jouer un rôle central dans les projets de communication du Vatican. Cette proximité alimente les spéculations sur une influence déterminante dans la décision de continuer à exposer les œuvres de Rupnik.
En matière d’abus sexuels, l’Église doit faire preuve d’une transparence totale. Il est certes louable de dénoncer avec force les prêtres coupables et de se livrer à un examen de conscience rigoureux, mais il est tout aussi nécessaire que le Saint-Siège applique cette rigueur à lui-même. La recherche de la vérité ne saurait être sélective ou conditionnée par des amitiés personnelles.
Ce deux poids, deux mesures, affiché au grand jour, jette une ombre inquiétante sur la crédibilité morale du Vatican et sur sa capacité à affronter avec honnêteté les scandales en son sein. La question reste entière : le cas Rupnik est-il une exception intouchable au nom d’une amitié papale ?
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