« Une reconstruction très partiale et incomplète des processus décisionnels. » C’est en ces termes ambigus que le directeur de la Salle de presse du Saint-Siège, Matteo Bruni, a réagi ce 3 juillet 2025 aux révélations explosives de la journaliste américaine Diane Montagna. Selon ses investigations, la décision de restreindre la messe traditionnelle en latin, prise en 2021 par le pape François, ne correspondrait pas du tout aux résultats de la consultation épiscopale que le Vatican avait menée l’année précédente.
Le pape François avait justifié son Motu proprio Traditionis Custodes en s’appuyant sur une vaste enquête menée par la Congrégation pour la Doctrine de la foi, affirmant que les réponses des évêques montraient une situation préoccupante, et que l’usage élargi du rite tridentin mettait en danger l’unité de l’Église. Or, selon les documents révélés par Diane Montagna, la majorité des évêques ayant répondu à cette consultation s’étaient en réalité montrés favorables au maintien du Motu proprio Summorum Pontificum, et certains avaient même mis en garde contre les risques d’une restriction brutale.Interrogé en conférence de presse lors de la présentation d’un nouveau formulaire liturgique, le 3 juillet, Monseigneur Vittorio Francesco Viola, numéro deux du Dicastère pour le Culte divin, était présent. Mais alors qu’une journaliste cherchait à l’interroger sur les révélations de Montagna, le directeur de la Salle de presse, Matteo Bruni, a brutalement coupé court, « Je ne pense pas que ce soit une question pertinente. » Un commentaire pour le moins surprenant, d’autant plus que l’affaire concerne directement le dicastère représenté.
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Matteo Bruni visiblement mal préparé ou embarrassé, a poursuivi en lisant maladroitement une note, déclarant ne pas confirmer l’authenticité des textes publiés, tout en reconnaissant qu’ils provenaient « vraisemblablement » de documents ayant servi à la décision. Et pour tenter d’éteindre l’incendie, il a invoqué l’existence d’autres rapports, cette fois « confidentiels », qui auraient aussi été pris en compte. Une pirouette peu crédible, quand on sait que Traditionis Custodes ne fait mention que de la consultation des évêques et de l’avis de la Congrégation pour la Doctrine de la foi.
Le malaise est évident. Face à une accusation aussi grave, celle d’avoir déformé sciemment les résultats d’une enquête pour restreindre une forme légitime du culte catholique, le Vatican semble incapable de fournir une réponse claire. L’évocation de documents « complémentaires » non mentionnés à l’époque n’apporte aucune transparence, mais nourrit plutôt la suspicion.
Ce que démontre surtout cette affaire, c’est l’effondrement du discours officiel sur la synodalité et la collégialité. Le pape François a décidé seul, contre l’avis majoritaire des évêques, tout en prétendant s’appuyer sur leur discernement. Et aujourd’hui, quatre ans après, la vérité commence à émerger.
Traditionis Custodes, loin de pacifier l’Église, l’a profondément blessée. Les communautés attachées au rite ancien ont été marginalisées, les séminaires affectés, les jeunes familles humiliées. Aujourd’hui, la révélation d’une manipulation de la vérité originelle ne peut qu’aggraver les tensions.Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que l’Église, sous le pontificat désormais de Léon XIV, soit confrontée à une exigence croissante de vérité et de réparation. Les catholiques ne demandent pas des déclarations fuyantes, mais des réponses claires. Et surtout, qu’on cesse de leur mentir.