« L’amour du Seigneur est universel » : intégralité de l’homélie du pape Léon XIV pour la fête du Sacré-Cœur
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« Soyez proches de votre troupeau, donnez votre temps et votre énergie à tous, sans vous ménager »
Dans le cadre du Jubilé des prêtres et de la Journée mondiale pour leur sanctification, le pape Léon XIV a célébré ce vendredi 27 juin, en la basilique Saint-Pierre, la messe solennelle du Sacré-Cœur de Jésus. À cette occasion, il a procédé à l’ordination de plusieurs nouveaux prêtres.
Dans son homélie, le pape a situé cette célébration dans une perspective profondément ecclésiale et pastorale, en soulignant d’entrée :« Parler du Cœur du Christ dans ce contexte, c’est parler de tout le mystère de l’incarnation, de la mort et de la résurrection du Seigneur, qui nous a été confié de manière particulière afin que nous le rendions présent dans le monde. »
Il a médité les trois lectures du jour, tirant de chacune un enseignement fondamental. Le passage d’Ézéchiel a servi de point de départ à une réflexion sur la figure du Bon Pasteur, particulièrement actuelle :« Il nous rappelle ainsi, en cette période de grands et terribles conflits, que l’amour du Seigneur, auquel nous sommes appelés à nous abandonner et façonner, est universel. »Ce rappel n’est pas seulement théologique, mais il appelle à une transformation pastorale concrète, à travers une vie sacramentelle nourrie de l’Eucharistie et du sacrement de réconciliation. Le pape insiste :
« Nous sommes appelés à coopérer avec lui […], ensuite par la réception avec fruit des sacrements, spécialement la confession sacramentelle fréquente […], et enfin par la prière, la méditation de la Parole et l’exercice de la charité. »
À partir de l’Évangile de la brebis perdue (Lc 15), Léon XIV a souligné la joie de Dieu pour chaque retour, et l’importance d’une pastorale de proximité et de miséricorde : « C’est une invitation à vivre la charité pastorale avec le même grand cœur que le Père […], en accordant le pardon à ceux qui ont fait des erreurs, en allant chercher ceux qui se sont éloignés. »Un autre passage particulièrement marquant est celui où il évoque le rôle des prêtres dans l’unité du peuple de Dieu :« Le ministère sacerdotal est un ministère de sanctification et de réconciliation pour l’unité du Corps du Christ. […] Que personne ne se sente étranger. »
S’adressant enfin aux ordinands, il leur a donné des conseils simples mais fondamentaux pour leur futur ministère :« Soyez proches de votre troupeau, donnez votre temps et votre énergie à tous, sans vous ménager […]. » Et de conclure par une référence aux grands prêtres saints de l’histoire, invitant les nouveaux ordonnés à les étudier et les invoquer, pour ne pas se laisser séduire par « des modèles de réussite et de prestige discutables ».Le pape a clôturé son homélie en invoquant la Vierge Marie, « Mère des prêtres et Mère de l’espérance », afin que tous puissent « configurer toujours davantage [leur] cœur à celui du Christ, Pasteur suprême et éternel ».
MESSE ET ORDINATIONS SACERDOTALES EN LA SOLENNITÉ DU SACRÉ-CŒUR DE JÉSUS
JUBILÉ DES PRÊTRES
HOMÉLIE DU PAPE LÉON XIV
Basilique Saint-Pierre, autel de la Confession Vendredi 27 juin 2025
« Aujourd’hui, solennité du Sacré-Cœur de Jésus, Journée pour la sanctification des Prêtres, nous célébrons avec joie cette Eucharistie à l’occasion du Jubilé des prêtres.
Je m’adresse donc tout d’abord à vous, chers frères prêtres, venus près de la tombe de l’apôtre Pierre pour franchir la Porte Sainte, afin de replonger dans le Cœur du Sauveur vos vêtements baptismaux et sacerdotaux. Pour certains d’entre vous, ce geste s’accomplit en un jour unique de votre vie : celui de l’Ordination.
Parler du Cœur du Christ dans ce contexte, c’est parler de tout le mystère de l’incarnation, de la mort et de la résurrection du Seigneur, qui nous a été confié de manière particulière afin que nous le rendions présent dans le monde. C’est pourquoi, à la lumière des Lectures que nous avons entendues, réfléchissons ensemble à la manière dont nous pouvons contribuer à cette œuvre de salut.
Dans la première Lecture, le prophète Ézéchiel nous parle de Dieu comme d’un berger qui passe en revue son troupeau, comptant ses brebis une par une : il cherche celles qui sont perdues, soigne celles qui sont blessées, soutient celles qui sont faibles et malades (cf. Ez 34, 11-16). Il nous rappelle ainsi, en cette période de grands et terribles conflits, que l’amour du Seigneur, auquel nous sommes appelés à nous abandonner et façonner, est universel, et qu’à ses yeux – et donc aussi aux nôtres – il n’y a pas de place pour les divisions et les haines de quelque nature que ce soit.
Dans la deuxième Lecture (cf. Rm 5, 5-11), saint Paul, nous rappelant que Dieu nous a réconciliés « alors que nous n’étions encore capables de rien » (v. 6) et « pécheurs » (v. 8), nous invite à nous abandonner à l’action transformatrice de son Esprit qui habite en nous, dans un chemin quotidien de conversion. Notre espérance repose sur la certitude que le Seigneur ne nous abandonne pas : il nous accompagne toujours. Mais nous sommes appelés à coopérer avec lui, tout d’abord en plaçant au centre de notre existence l’Eucharistie, « source et sommet de toute la vie chrétienne » (Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n.11) ; ensuite « par la réception avec fruit les sacrements, spécialement par la confession sacramentelle fréquente » (Id., Decr. Presbiterorum ordinis, n. 18) ; et enfin par la prière, la méditation de la Parole et l’exercice de la charité, en conformant toujours davantage notre cœur à celui « du Père des miséricordes » (ibid.).
Cela nous conduit à l’Évangile que nous avons entendu (cf. Lc 15, 3-7), où il est question de la joie de Dieu – et de tout pasteur qui aime selon son Cœur – pour le retour à la bergerie d’une seule de ses brebis. C’est une invitation à vivre la charité pastorale avec le même grand cœur que le Père, en cultivant en nous son désir : que personne ne se perde (cf. Jn 6, 39), mais que tous, à travers nous aussi, connaissent le Christ et aient en lui la vie éternelle (cf. Jn 6, 40). C’est une invitation à nous unir intimement à Jésus (cf. Presbiterorum ordinis, n. 14), semence de concorde au milieu de nos frères, en chargeant sur nos épaules ceux qui se sont perdus, en accordant le pardon à ceux qui ont fait des erreurs, en allant chercher ceux qui se sont éloignés ou sont restés exclus, en soignant ceux qui souffrent dans leur corps et dans leur esprit, dans un grand échange d’amour qui, jaillissant du côté transpercé du Crucifié, enveloppe tous les hommes et remplit le monde. Le Pape François écrivait à ce sujet : « Un fleuve qui ne s’épuise pas, qui ne passe pas, qui s’offre toujours de nouveau à qui veut aimer, continue de jaillir de la blessure du côté du Christ. Seul son amour rendra possible une nouvelle humanité » (Lett. enc. Dilexit nos, n. 219).
Le ministère sacerdotal est un ministère de sanctification et de réconciliation pour l’unité du Corps du Christ (cf. Lumen gentium, n. 7). C’est pourquoi le Concile Vatican II demande aux prêtres de faire tout leur possible pour « conduire tous à l’unité dans l’amour » (Presbiterorum ordinis, n. 9), en harmonisant les différences afin que « personne ne se sente étranger » (ibid.). Il leur recommande d’être unis à l’évêque et au presbyterium (ibid., nn. 7-8). En effet, plus il y aura d’unité entre nous, plus nous saurons conduire les autres vers la bergerie du Bon Pasteur, pour vivre comme des frères dans la maison unique du Père.
À ce propos, saint Augustin, dans un sermon prononcé à l’occasion de l’anniversaire de son ordination, parlait d’un fruit joyeux de la communion qui unit les fidèles, les prêtres et les évêques, et qui trouve sa racine dans le sentiment d’être tous rachetés et sauvés par la même grâce et la même miséricorde. C’est dans ce contexte qu’il prononçait cette phrase célèbre : « Avec vous, je suis chrétien, pour vous je suis évêque » (Sermo 340, 1).
Lors de la messe solennelle d’ouverture de mon pontificat, j’ai exprimé devant le peuple de Dieu un grand désir : « Une Église unie, signe d’unité et de communion, qui devienne ferment pour un monde réconcilié » (18 mai 2025). Je reviens aujourd’hui pour le partager avec vous tous : réconciliés, unis et transformés par l’amour qui jaillit abondamment du Cœur du Christ, marchons ensemble sur ses traces, humbles et déterminés, fermes dans la foi et ouverts à tous dans la charité, portons dans le monde la paix du Ressuscité, avec cette liberté qui vient du fait de nous savoir aimés, choisis et envoyés par le Père.
Et maintenant, avant de conclure, je m’adresse à vous, très chers Ordinands, qui, dans quelques instants, par l’imposition des mains de l’évêque et par une effusion renouvelée de l’Esprit Saint, deviendrez prêtres. Je vous dis certaines choses simples, mais que je considère importantes pour votre avenir et pour celui des âmes qui vous seront confiées. Aimez Dieu et vos frères, soyez généreux, fervents dans la célébration des sacrements, dans la prière, surtout dans l’adoration, et dans le ministère. Soyez proches de votre troupeau, donnez votre temps et votre énergie à tous, sans vous ménager, sans faire de différences, comme nous l’enseignent le côté transpercé du Crucifié et l’exemple des saints. À cet égard, rappelez-vous que l’Église, au cours de son histoire millénaire, a eu – et a encore aujourd’hui – de merveilleuses figures de sainteté sacerdotale : depuis les communautés des origines, elle a engendré et connu, parmi ses prêtres, des martyrs, des apôtres infatigables, des missionnaires et des champions de la charité. Profitez pleinement de toute cette richesse : intéressez-vous à leur histoire, étudiez leur vie et leurs œuvres, imitez leurs vertus, laissez-vous enflammer par leur zèle, invoquez souvent et avec insistance leur intercession ! Notre monde propose trop souvent des modèles de réussite et de prestige discutables et inconsistants. Ne vous laissez pas séduire ! Regardez plutôt l’exemple solide et les fruits de l’apostolat, souvent caché et humble, de ceux qui ont servi le Seigneur et leurs frères avec foi et dévouement, et perpétuez leur mémoire par votre fidélité.
Confions-nous enfin tous à la protection maternelle de la Bienheureuse Vierge Marie, Mère des prêtres et Mère de l’espérance : qu’elle accompagne et soutienne nos pas, afin que chaque jour nous puissions configurer toujours davantage notre cœur à celui du Christ, Pasteur suprême et éternel. »