Un crime odieux vient une nouvelle fois rappeler la fragilité de la communauté chrétienne au Pakistan. Le 7 septembre, Afzal Masih, catholique, marié et père de quatre enfants, a été abattu alors qu’il participait à un pèlerinage au sanctuaire marial national de Mariamabad, situé dans l’archidiocèse de Lahore. Le drame a également blessé son cousin Harris Masih, âgé de 16 ans, plongeant les fidèles dans la consternation et la douleur.Chaque année, plus d’un demi-million de chrétiens, rejoints par des fidèles d’autres confessions, se rassemblent à Mariamabad pour honorer la Vierge Marie. Malgré les inondations et les difficultés, des milliers de familles avaient pris la route début septembre pour prier et implorer l’intercession de la Mère de Dieu.
Selon des témoins, Afzal Masih voyageait avec une douzaine de proches dans un van, où se trouvaient aussi des femmes et de jeunes filles. Sur la route, trois jeunes musulmans circulant à moto ont commencé à harceler et à insulter les passagères. Assis à l’avant du véhicule, Afzal Masih leur a demandé de cesser. Les agresseurs ont alors forcé le van à s’arrêter, l’ont sorti du véhicule et l’ont roué de coups. Lorsque les pèlerins ont tenté de lui porter secours, les assaillants ont redoublé de violence.Constatant les croix et les affiches mariales apposées sur le van, les agresseurs ont lancé des insultes grossières contre les chrétiens, les traitant de « Chuhra », terme péjoratif désignant les intouchables. Finalement, les jeunes se sont éloignés et les pèlerins ont repris la route. Mais un peu plus loin, à une station-service où le groupe s’était arrêté pour vérifier la pression des pneus, les mêmes assaillants sont revenus, cette fois armés. Muhammad Waqas, originaire de Farooqabad, a ouvert le feu avec un fusil d’assaut Kalachnikov, atteignant Afzal Masih d’une balle au cou et blessant gravement Harris Masih au bras. Afzal est mort sur place, à l’âge de 44 ans.
« Nous sommes consternés par sa mort. C’était un fidèle qui venait rendre hommage et prier la Vierge Marie. Aujourd’hui, nous confions son âme aux soins de la Mère céleste et exprimons nos plus sincères condoléances à sa famille », a déclaré le père Tariq George, recteur du sanctuaire.
L’agence Fides précise que l’assassin, arrêté par la police du Pendjab, a affirmé lors de son interrogatoire qu’il « n’avait pas l’intention de tuer ». Pourtant, selon les pèlerins et les témoins, il s’agit bien d’un acte de haine dirigé contre des chrétiens identifiés comme tels.
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L’avocat chrétien Kashif Nemat, responsable de la Good Samaritan Society for Development and Rehabilitation, a dénoncé une persécution religieuse manifeste. Il a souligné que la police n’avait pas retenu l’article 7 de la loi antiterroriste dans la plainte officielle, malgré l’utilisation d’une arme de guerre et la panique causée en public. « Ce refus d’appliquer la loi encourage la majorité à mener des attaques religieuses en toute impunité », a-t-il déclaré, appelant le gouvernement à agir.
Afzal Masih laisse derrière lui une veuve et quatre enfants. Son fils aîné, Bilal, 18 ans, a confié que la famille, déjà très pauvre, vivait désormais dans le désarroi le plus total. Sa mère, Shagufta Bibi, employée de nettoyage dans une école, est restée prostrée depuis l’annonce du drame. « Nous sommes très pauvres et mes parents travaillaient durement pour mettre de la nourriture sur la table. Nous ne pouvons que supplier le gouvernement de nous rendre justice », a-t-il dit avec émotion.
Le père Qaisar Feroz OFM Cap, porte-parole de la Conférence épiscopale du Pakistan, a rappelé que malgré les menaces et la pauvreté, les catholiques du pays continuent de se rassembler chaque année en ce lieu saint. « Les fidèles n’ont pas voulu manquer leur rendez-vous avec la Vierge Marie. Leur foi est plus forte que la peur », a-t-il affirmé.Fondé en 1893 par des missionnaires capucins, Mariamabad, « Ville de Marie », est devenu le centre marial le plus important du Pakistan. Depuis 1949, son sanctuaire national attire des foules immenses pour le « Mela Maqaddasa Mariam », une grande fête de foi et de prière dédiée à la Vierge Marie.C’est sur ce chemin de foi, au cœur d’un pèlerinage marial, qu’Afzal Masih a été assassiné. Sa mort résonne comme un appel à défendre la liberté religieuse, à protéger les minorités chrétiennes persécutées et à rappeler au monde que, dans bien des régions, être chrétien signifie encore risquer sa vie.
