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« Ce diocèse n’est plus le mien » : le père Winfried Abel dénonce une trahison de l’Église allemande

le père Winfried Abel - DR
le père Winfried Abel - DR
L’Église catholique d’Allemagne semble chaque jour un peu plus se fissurer, entre le rouleau compresseur idéologique pro-LGBT et les voix fidèles à la doctrine. L’affaire Fulda en est un nouveau symptôme, révélant les tensions croissantes d’une Église au bord du schisme

C’est un véritable réquisitoire que signe le père Winfried Abel, 86 ans, prêtre émérite du diocèse de Fulda. Dans une lettre ouverte publiée par le site kath.net, il s’en prend avec virulence au message de soutien du vicaire général Martin Stanke aux participants de la Christopher Street Day (CSD), une manifestation LGBT organisée le 12 juillet dernier dans les rues de Fulda.Dans son message, Mgr Stanke saluait l’engagement pour la diversité et le vivre-ensemble pacifique, et affirmait, « Nous savons que notre histoire avec les personnes queers est marquée de blessures. Nous voulons aujourd’hui poser des signes d’estime, de dialogue et de réconciliation. »

Ce texte a profondément scandalisé le père Abel, qui le qualifie de « glorification d’obscénités de mauvais goût ». Pour lui, les Pride Parades sont les symptômes d’une société moralement déchaînée, où l’on assiste à un spectacle du sentiment de pudeur perdu.Le prêtre ne s’arrête pas là. Il attaque également la possibilité de bénir des couples de même sexe, la comparant à une demande de bénédiction pour l’alcoolisme, « Un alcoolique qui demande une bénédiction souhaite être délivré de sa dépendance, non pas voir son alcoolisme béni. Il en va de même pour un couple homosexuel qui demanderait à l’Église de bénir son mode de vie. »

Et de conclure, « une Église qui court après l’air du temps ne sera plus prise au sérieux par personne ».

Refusant désormais d’être identifié au diocèse qui l’a ordonné prêtre, le père Abel écrit : « Je ne me considère plus comme prêtre du diocèse de Fulda, mais comme prêtre de l’Église catholique romaine. Car c’est dans le ministère de Pierre, à Rome, que je vois le garant de l’Église qui demeure fidèle à la promesse de Jésus, les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle. Cette promesse, l’Église de Fulda ne peut plus la revendiquer. ». Le diocèse de Fulda a réagi laconiquement à cette prise de position, déclarant par voie de presse,
« Le vicaire général a exprimé sa position dans son message. Nous n’avons rien à y ajouter. Les interprétations et comparaisons citées dans votre demande ne sont pas compréhensibles pour nous et nous les rejetons. »

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Le père Abel ne se limite pas à la question du CSD. Comme le précise la Fuldaer Zeitung, il a récemment pris position dans un courrier contre les projets de débaptisation de rues portant les noms d’anciens évêques accusés de mauvaise gestion des cas d’abus. Il qualifie ces propositions de folie, expliquant que ces hommes étaient des enfants de leur temps, et que l’Église, même si elle n’avait pas la pleine conscience des conséquences à l’époque, a toujours condamné la pédophilie.Dans un passage il ironise en suggérant au maire de Fulda de renommer la Gerbergasse, une rue qui n’a aucun lien avec l’actuel évêque Michael Gerber, mais dont le nom évoque une profession ancienne, celle de tanneur. Ce trait sonne comme un ultime rejet de l’autorité épiscopale locale.

Une Église divisée

Si certains prêtres refusent de commenter publiquement les propos de leur ancien confrère, d’autres défendent ouvertement le diocèse. Le père Rudolf Liebig, curé de la paroisse Saint-Flora de Künzell, a rappelé,
« Chaque être humain est un enfant de Dieu, quelle que soit son orientation. Nous ne devons pas juger. Je veux accompagner chaque personne sur son chemin. » Il affirme également, « Je vis heureux dans cette Église et je suis fier d’être prêtre sous cet évêque. » Un autre prêtre, anonyme, confie, « Je comprends la douleur de M. Abel, mais je ne partage pas sa forme de protestation. Les paroles du vicaire général étaient équilibrées et respectueuses. »

Cette affaire illustre un malaise profond au sein de l’Église en Allemagne, entre ceux qui cherchent à répondre aux attentes du monde contemporain par l’adaptation pastorale baignée dans l’idéologie LGBT , et ceux qui constatent un abandon progressif de la doctrine.La lettre du père Abel, en dépit de ses formulations dures, pose une question centrale, l’Église peut-elle accueillir sans cautionner, et surtout, jusqu’où peut-elle aller dans l’ouverture sans renier la foi qu’elle a reçue ?

Comme l’écrivait le cardinal Ratzinger en 1984,
« Il ne s’agit pas d’adapter la foi à l’époque, mais de convertir l’époque à la foi. » Une phrase que, manifestement, le père Abel n’a pas oubliée.

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